Climat : COP26, chronique d'un échec annoncé ?

Parmi les 195 signataires de l’accord de Paris, quels sont ceux qui rehausseront leurs objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre, comme ils s’y sont engagés ? La question promet d’agiter les négociations de la prochaine conférence de l’ONU sur le climat, qui réunira dès ce dimanche et pour treize jours la plupart des pays du monde. Mais alors que les plans d'action récemment soumis par les parties restent largement insuffisants, et dans un contexte international pour le moins tendu, les craintes se multiplient sur l'éventualité d’un échec annoncé.
Marine Godelier
Signé en 2015, l’accord de Paris a créé un processus innovant et dynamique, qui prévoit que les ambitions climatiques des signataires soient rehaussées tous les cinq ans, afin de s’aligner peu à peu avec une trajectoire souhaitable.

Marrakech, Bonn, Katowice, Madrid... et maintenant Glasgow. La vingt-sixième conférence climat des Nations-Unies, décalée d'un an du fait de la crise sanitaire, démarrera ce dimanche dans la métropole écossaise, et se tiendra jusqu'au 12 novembre. C'est peu dire qu'elle concentre les espoirs autour de la conclusion un nouvel accord global ambitieux. Et pour cause, son enjeu est existentiel : sauver le monde, ou « condamner l'humanité à un avenir infernal », a alerté il y a quelques jours le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. Mais alors que ni Vladimir Poutine, ni Xi Jinping n'ont répondu présents, la partie semble loin d'être gagnée. D'autant que le contexte international, excité par la crise de l'énergie et les tensions sino-américaines, ne facilitera pas la tâche aux négociateurs. Jusqu'à nourrir de nombreuses craintes sur un échec probable - son hôte, le premier ministre britannique Boris Johnson s'étant lui-même déclaré « très inquiet » quant à l'issue des pourparlers.

Il faut dire que depuis le retentissant accord de Paris signé en 2015 lors de la COP21, ces rencontres en grande pompe sonnent plutôt comme une succession de promesses non tenues. Après l'échec du protocole de Kyoto de 1997, les cartes avaient pourtant été rebattues à Paris. Presque 200 pays s'étaient engagés à maintenir les températures en-dessous de 2°C, si possible de 1,5°C, d'ici à la fin du siècle par rapport à l'ère pré-industrielle, et à atteindre la neutralité carbone à mi-chemin. Une avancée diplomatique majeure, signe que les Etats pouvaient voir loin et agir de concert afin de répondre à l'urgence environnementale. Et six ans plus tard, force est de constater que le monde a bien infléchi ses émissions de gaz à effet de serre, avec une baisse de 7% de celles-ci en 2020.

Ultime chance pour agir

Mais la préservation du climat n'est pas entrée dans l'équation : après le plus dur de l'épidémie de Covid-19, la courbe est repartie à la hausse, pour atteindre en 2021 son niveau d'avant-crise. Aucun réel tournant n'a été opéré : en tout, les plans de relance n'ont fléché que 3% des investissements vers les énergies bas carbone, a fait savoir jeudi l'Agence Internationale de l'Energie (AIE). « La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent », disait Albert Enstein. A Paris, le résultat souhaité était clair... les moyens beaucoup moins.

« Il y a eu un avant et un après d'un point de vue prise de conscience, avec une résonance énorme. Mais rien en termes de trajectoire d'émissions de CO2 dans l'atmosphère. Cela reste une simple déclaration d'intention », analyse Emmanuel Fages, consultant Energie et Environnement chez Roland Berger.

Sans surprise donc, depuis cette COP21 saluée comme une victoire pour le climat, les prévisions se sont encore assombries, et les effets du dérèglement se font déjà sentir. Publié au creux de l'été, entre incendies géants et autres pluies diluviennes, le dernier rapport du groupe d'experts climat de l'ONU (GIEC) table désormais sur une augmentation de 1,5°C des températures dès la fin de la décennie actuelle. Alors que chaque degré de plus apportera son lot de catastrophes pour « toutes les régions du monde », il appelle à réduire « immédiatement », « drastiquement », et « à grande échelle » les émissions de gaz à effet de serre... sans quoi, l'objectif sera définitivement « hors de portée ». Le dernier Emissions Gap Report de l'ONU, présenté mardi, n'est guère plus rassurant : « l'objectif 1,5°C » en 2100 ne peut désormais plus être atteint qu'au prix d'une division par deux en huit ans des émissions mondiales de gaz à effet de serre, fait-il valoir. Un avertissement qui sonne plus que jamais comme un ultime appel à l'action, dernière chance à saisir avant qu'il ne soit trop tard.

Lire aussi 6 mnClimat: les derniers engagements des Etats restent gravement insuffisants

Mise à plat des actions

A cet égard, la COP26 représente une opportunité cruciale pour les pays d'accroître leurs ambitions en la matière, bien plus que lors des quatre réunions précédentes. Et pour cause, la COP21 a mis en place une dynamique inédite, même si elle n'est pas contraignante : l'accord de Paris s'est construit en cycles successifs de cinq ans, au moment desquels les Etats sont sommés de remettre à plat leurs actions, afin de les rehausser progressivement... jusqu'à parvenir à une trajectoire souhaitable. La première échéance arrivant, chacun devait remettre à l'ONU avant la fin de l'été sa contribution déterminée au niveau national (CDN), décrivant les efforts prévus à son échelle. Et ce, afin d'entrer dans un deuxième cycle plus vertueux.

Mais pour l'heure, le coup de fouet tant attendu se fait attendre : seules 145 ont été soumises sur les 191 signataires, dont plusieurs retardataires. Attendue au tournant, l'Australie, plus gros exportateur mondial de charbon, s'y est pliée jeudi. Suivie par la Chine, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre. Mais l'Inde n'a elle toujours pas publié de nouvelle CDN à ce jour. Surtout, même les CDN soumises à temps restent très loin du compte, y compris pour les Etats qui se sont engagés à la neutralité carbone d'ici à 2050 ou 2060. Selon une estimation de Climate Watch, 64 pays ont présenté un plan égal ou inférieur au précédent en termes d'ambition par rapport à celles de 2015, parmi lesquels le Mexique ou le Brésil.

« Il y a des grandes déclarations politiques, mais on voit que cela devient complexe dès qu'il s'agit de soumettre de réelles propositions », commente Emmanuel Fages.

Résultat, selon l'ONU : en prenant en compte le total des CDN, rehaussées ou non, les émissions devraient quand même augmenter de 16% en 2030, alors qu'il faudrait les réduire de 40% d'ici à la moitié du siècle pour rester sous les +1,5°C. Ainsi, en l'état des engagements actuels (si ceux-ci étaient bien honorés) le monde se dirigerait vers un réchauffement « catastrophique » entre +2,7°C et +3°C. Un élément clé de cette COP sera donc de combler le fossé, pour mettre à la hauteur les CDN actuelles, avant un bilan global prévu d'ici à 2023.

La question brûlante des crédits carbone

Pour verdir ce bilan, des points techniques devront également être résolus. Glasgow devra notamment servir à relancer les discussions visant à instaurer ou non l'échange de crédits carbone entre pays, pour que ces derniers atteignent plus facilement leurs objectifs - et donc, in fine, qu'ils puissent les rehausser lors du prochain cycle. Ce mécanisme, au coeur de l'accord de Paris mais remis à plus tard, est complexe. Concrètement, il consiste à permettre à un pays "A" d'acheter un crédit d'émission à un pays "B" dans lequel il construirait, par exemple, un parc éolien en remplacement d'une centrale à charbon. Ainsi, le pays "B" bénéficierait d'une énergie plus propre, et le pays "A" pourrait utiliser ce crédit correspondant aux émissions évitées, afin de compenser sa propre pollution en l'incluant dans la trajectoire vers sa CDN. L'objectif : débloquer des financements pour les énergies bas carbone aux Etats qui en manquent, et réduire le coût de la réduction des émissions pour ceux qui investissent.

Mais un accord à tout prix pourrait conduire les signataires à mettre en place des règles peu exigeantes, conduisant pays et entreprises à se soustraire à la réduction de leurs propres émissions, en se contentant de les compenser. Surtout, il ferait naître le risque d'un double-comptage, à la fois par les pays "A" et "B".

« Eviter ce biais implique des chaînes de déclarations et de vérifications très robustes. Certains pays le refusent, d'autres ne peuvent tout simplement pas le faire », avance Emmanuel Fages.

Conscient de ces problématiques, Alok Sharma, président de la COP26, a promis de résoudre ce blocage et de se mettre d'accord sur un règlement pour l'échange international de droit d'émission. Mais plus qu'un accord global, cela pourrait se traduire par des accords multilatéraux voire bilatéraux sur le commerce du carbone.

Des promesses non tenues sur l'aide aux pays du Sud

Un autre sujet promet d'être explosif : celui sur la solidarité entre le Nord, historiquement responsable du dérèglement, et le Sud, en première ligne face à ses effets. Car une énième promesse n'a pas été tenue. En 2009, les pays riches s'étaient en effet engagés à porter à 100 milliards de dollars par an (86,25 milliards d'euros) d'ici à 2020 l'aide aux autres Etats pour lutter contre le changement climatique, mais aussi s'adapter aux impacts à venir. En 2019, seuls 79,6 milliards avaient été effectivement rassemblés. Et malgré l'absence de données suffisantes pour l'instant, il semble très improbable que les 20 milliards manquants aient été trouvés en 2020. « L'objectif a presque certainement été manqué », a admis cette semaine le président de la COP26, Alok Sharma. Un « terrible coup pour le monde en développement », a dénoncé le président de l'alliance des petits Etats insulaires (AOSIS), Walton Webson. Dans ce contexte tendu, le but serait d'ouvrir la discussion à Glasgow pour aller au-delà des premières ambitions, et passer à 200 à 300 milliards annuels.

A cet égard, les regards seront rivés vers la réunion du G20, qui s'ouvre aujourd'hui à Rome. Car le sujet devrait imprégner la rencontre des dirigeants des pays les plus riches, qui concentrent 80% des émissions de gaz à effet de serre. D'autres obstacles majeurs sur la route de la neutralité carbone devraient être abordés, le G20 restant divisé sur des questions essentielles telles que la sortie progressive du charbon et la limitation du réchauffement climatique à +1,5°C. De quoi donner un avant-goût de la COP26.

Lire aussi 6 mnClimat: le financement des pays du Sud, la question à 100 milliards de la COP26

Marine Godelier

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Commentaires 35
à écrit le 31/10/2021 à 19:33
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Je ne crois pas dans ces grandes messes. Soit les populations ont pris conscience de ce qui les attend et on convaincu leurs dirigeants d'utiliser les moyens qu'on leur donne pour y faire face, et dans ce cas c'est localement que ça se joue, soit la ...

le 01/11/2021 à 21:26
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la COP c'est pour se montrer. Quant à sauver la planète .... la nature n'a besoin de personne !

à écrit le 31/10/2021 à 16:59
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Le casse-tête chinois « Dès l’ouverture de la COP 26, à Glasgow, l’on a beaucoup parlé de l’absence de la Chine, premier émetteur mondial de CO2, qui aurait décidé de ne plus fixer d’engagements chiffrés après avoir seulement dit qu’elle atteindrait...

à écrit le 31/10/2021 à 14:06
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Les raffraichissements des pages La tribune sont insupportabes.

le 01/11/2021 à 13:34
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C'est voulu, ca empeche les commentaires trop longs pour ceux qui se savent pas faire in copie -colle. Cordialement.

à écrit le 31/10/2021 à 9:29
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Et toujours personne pour soulever LE problème, l'éléphant dans la pièce que toit le monde feint de ne pas voir : la surpopulation mondiale et le suicide démographique de l'humanité...

le 31/10/2021 à 10:39
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Le mieux est que tu donnes l'exemple. On attend... :-)

le 31/10/2021 à 21:21
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Ben t'as pas besoin d'attendre. Nous avons un enfant unique. Nietzsche t'en as dit quoi ?

le 01/11/2021 à 17:05
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Ah bon !? Tu as quand même fait un enfant sachant tout ces inconscients qui en font plein ??? :-)

le 01/11/2021 à 18:07
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Par ailleurs avec deux enfants par couple la population mondiale diminuerait également, donc tu prônes l'enfant unique parce que c'est ce que tu as fait. Ah l'humain ! :-)

le 02/11/2021 à 1:52
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Je ne prône rien du tout. Tu te fais ton film. J'ai répondu à ta question. Et je ne prétend pas, moi, être fatigué d'avoir toujours raison. Je prétend que la surpopulation mondiale est l'éléphant dans la pièce que personne ne veut voir. Toi non plus,...

le 04/11/2021 à 8:51
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Le mec qui parle d'éléphants alors que ses commentaires pèsent deux tonnes...

le 04/11/2021 à 8:52
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"Et je ne prétend pas, moi, être fatigué d'avoir toujours raison." Normal, pour être fatigué d'avoir raison encore fait il avoir raison.

à écrit le 31/10/2021 à 9:09
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Voila quarante ans que l'on entend parler de réchauffement climatique. Que s'est-il passé? Nous avons délocalisé nos productions très émétrices de CO2 mais quand on les rajoute à nos rejets, nous trouvons toujours les mêmes consommations par tête d'h...

le 01/11/2021 à 16:26
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"Nous avons délocalisé nos productions très émétrices de CO2 mais quand on les rajoute à nos rejets, nous trouvons toujours les mêmes consommations par tête d'habitants. " Pas du tout, il y a le C02 du transport en plus...

à écrit le 31/10/2021 à 8:47
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Ceux qui possèdent et détruisent le monde en ronflant pourraient sauver la planète en un claquement de doigts mais ils ne l'ont pas fait alors qu'ils savaient depuis 40 ans c'est pas maintenant qu'ils sont encore plus riches et idiots, que leurs poli...

le 31/10/2021 à 10:23
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c'est le moyen le plus sur pour taxer les peuples et exempter les decideur et les riches il suffit de regarder les factures de chauffage considerer comme un luxe

à écrit le 31/10/2021 à 8:28
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Tu pues la défaite charlie

à écrit le 30/10/2021 à 13:30
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Les COP ne servent à rien, sinon à se retrouver entre potes de l'élite et se faire de bonnes bouffes. On ne parle même pas de l'empreinte carbone de tout ce beau monde. F... the climate !! 😁

à écrit le 30/10/2021 à 10:16
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Tout les autres pays veulent notre mode de vie "gaspillateur" mais font encore des gamins comme des lapins, on va dans le mur et on le sait très bien.

à écrit le 30/10/2021 à 9:12
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Pouvons nous éteindre un volcan et bien c’est un peu l’idée de ces réunions pour maîtriser voire réparer le climat. Je préférerais de loin que l’on s’attaque à notre pollution sous ses formes les plus diffuses dont les gaz. Bref quand allons nous imp...

à écrit le 30/10/2021 à 8:39
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Tant que ces COP XX ne mettront pas sur la table le sujet de la natalité et du contrôle des naissances, elles n'auront aucune crédibilité. la population mondiale augmenter de plus de 100 millions d'habitants chaque année. Vouloir réduire les émission...

le 30/10/2021 à 9:14
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Tout cela est fait en catimini, seul une caste sera privilégié, les autre seront éliminé! Pas besoin de publicité!

à écrit le 30/10/2021 à 8:39
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Tant que ces COP XX ne mettront pas sur la table le sujet de la natalité et du contrôle des naissances, elles n'auront aucune crédibilité. la population mondiale augmenter de plus de 100 millions d'habitants chaque année. Vouloir réduire les émission...

à écrit le 30/10/2021 à 1:08
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A-t-on une date définitive et officielle pour l'extinction de la dernière centrale électrique allemande, basée sur le gaz ou toute autre matière dont la combustion émet du gaz carbonique (CO2) ? Pour ce qui est de la France, Elle n'est pas concerné...

le 30/10/2021 à 8:29
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que les 10 pour des plus riche paie leur pollution c'est a dire 50pour cent de la pollution mondial

à écrit le 30/10/2021 à 0:21
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Enfin, un article sensé sur ces réunions COP et le devenir du réchauffement climatique. Parce que c'est évident que l'humanité ne peut strictement rien faire pour changer le cours des choses

à écrit le 29/10/2021 à 23:16
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De la technique de communication pour que l'on dise à la fin, en a trouvé le meilleurs compromis vu d'où on est parti!

à écrit le 29/10/2021 à 21:46
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Petits fours et cocktails a volonté, escorts de luxe, les cop ne sont pas des échecs, c'est juste le rdv annuel des bobos, tout frais payés. La cop du maroc, quel souvenir, on s'est bien éclaté et le climat, ben on s'en fiche, on verra à la prochaine...

à écrit le 29/10/2021 à 21:10
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Ce ne sera pas un échec pour tous ceux qui feront ces conférences ,colloques ,réunions ,ect..Je présume que l'on est bien reçu et que l'on mange bien .Les sièges doivent être confortables pour l'après repas .Les peuples n'ont plus d'argent pour toute...

à écrit le 29/10/2021 à 18:27
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Un pays qui ne s'engage pas à réduire son PIB est un pays qui ne souhaite pas réduire ses émissions de CO². Quand on le sait, on se pose moins de questions inutiles sur l'issue de ces réunions.

le 30/10/2021 à 1:23
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Êtes-vous prêt à perdre votre emploi ou à renoncer à votre retraite pour contribuer à réduire les émission de CO² de la France ?

à écrit le 29/10/2021 à 16:44
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Cela sera toujours un échec tant que l'on attribuera des plus belles vertus a "la politique de l'offre" suivie par la finance!

à écrit le 29/10/2021 à 16:04
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ca ne sera pas un echec, les europeens, francais en tete vont accelerer leur suicide, les chinois et les indiens vont recuperer la mise

le 30/10/2021 à 9:31
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@churchill ???????que voulez dire ???? quel liens avec le climat ???

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