L'espoir est fort à l'ouverture du sommet du G7, qui se tient à Londres ce week-end. "Si nous avons un accord, ce sera une avancée historique", a souligné vendredi soir le ministre français Bruno Le Maire auprès de quelques journalistes en marge de la réunion, la première en personnes depuis le début de la pandémie.
Rishi Sunak, le ministre des Finances du Royaume-Uni, pays qui tient actuellement la présidence du G7, avait pour sa part estimé vendredi que le groupe avait mené "des négociations productives sur la réforme du système mondial d'imposition" et les défis de l'économie numérique".
Les géants du numérique dans le viseur
Les grandes puissances du G7 (Royaume-Uni, France, Italie Canada, Japon, Allemagne, Etats-Unis), profitant d'un regain d'intérêt de l'administration américaine sur la question depuis l'arrivée au pouvoir de Joe Biden, veulent parvenir à une réforme mondiale de l'impôt sur les sociétés dans l'esprit des travaux engagés au sein de l'OCDE.
La réforme vise largement les grandes entreprises de la technologie, qui paient des impôts dérisoires malgré des profits de dizaines voire centaines de milliards de dollars, en se domiciliant dans des pays où le taux d'impôt sur les sociétés est très faible, voire nul. Ces géants du numérique ont bénéficié de la crise et "engrangé des bénéfices d'un niveau sans égal comparé aux autres secteurs", notaient vendredi dans une tribune commune dans le Guardian, Bruno Le Maire et ses homologues allemand, italien et espagnole. Et ce, à l'heure où les Etats du monde entier cherchent à renflouer leurs caisses vidées par les programmes de soutien économique ou de relance face à la pandémie.
Taux minimum sur les bénéfices des entreprises
L'OCDE propose une réforme fondée sur deux piliers: d'une part, une meilleure répartition du droit de taxer les multinationales là où elles génèrent leur chiffre d'affaires. D'autre part, un taux d'imposition minimum sur les bénéfices des entreprises. Les Etats-Unis, après avoir évoqué d'abord 21%, ont revu leur copie et parlent à présent de 15%, dans l'espoir de rallier plus de pays.
Les négociations se poursuivaient encore d'arrache-pied sur ce point vendredi soir. Pour Bruno Le Maire, le seuil de 15% pour l'impôt sur les sociétés représentait un "minimum".
"Nous voulons avec nos partenaires du G7, du G20 et de l'OCDE essayer d'avoir un taux plus ambitieux", a-t-il ajouté, avant de conclure que "s'il y a un accord du G7 (samedi), cela donnera un élan aux négociations du G20 considérable", faisant allusion à la réunion de juillet à Venise.
En revanche, a-t-il averti, "si nous échouons" samedi, il sera, selon lui, "compliqué" ensuite de "retrouver une dynamique au G20", et un accord risque d'être remis "aux calendes grecques".
Première étape avec le G20 et surtout, l'OCDE
La plupart des acteurs savent qu'il leur faudra ensuite rallier les pays du G20 puis les presque 140 pays qui travaillent sur le projet de réforme fiscale dans le giron de l'OCDE.
Le défi sera notamment de convaincre des pays qui ont bâti leur économie sur des taux d'impôt sur les sociétés particulièrement bas à l'instar de l'Irlande, qui a ainsi attiré le siège social européen de nombreuses multinationales, surtout dans la technologie et la pharmacie, et souvent américaines.
Leur activité pèse très fortement dans le PIB irlandais: il a ainsi bondi de 7,8% au premier trimestre grâce à ces entreprises, alors que sans elles, il aurait reculé de 1% à cause des restrictions sanitaires. Difficile donc de "pivoter" vers un autre modèle pour ces pays, et c'est tout l'enjeu de l'Europe vis-à-vis de l'Irlande ou du Luxembourg.