« En baissant le chauffage de 2°C, nous pourrions économiser un tiers du gaz russe » (Pierre de Montlivault, Fedene)

GRAND ENTRETIEN. Entre le plan France Relance, le budget 2022 et France 2030, près de 15 milliards d'euros d'argent public sont déjà fléchés vers la rénovation des bâtiments et de l'industrie. Pourtant, Pierre de Montlivault, à la tête de la Fédération des services énergie environnement (Fedene), appelle les pouvoirs publics à... tripler le rythme des économies d'énergie.
César Armand
Après une carrière au ministère de la Transition écologique et chez Dalkia, en passant par le cabinet des Premiers ministres Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin, Pierre de Montlivault a nommé élu président de la Fedene le 1er janvier 2022.
Après une carrière au ministère de la Transition écologique et chez Dalkia, en passant par le cabinet des Premiers ministres Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin, Pierre de Montlivault a nommé élu président de la Fedene le 1er janvier 2022. (Crédits : DR)

Beaucoup de monde évoque cette deadline de trois ans, mais il s'agit plus d'une formule marketing pas très habile. Il faut accélérer, et c'est bien ce que veut dire le GIEC.

Pierre de Montlivault, Fedene

LA TRIBUNE - Au lendemain d'une nouvelle réunion des ministres européens de l'Énergie à Bruxelles, vous appelez les pouvoirs publics à tripler le rythme des économies d'énergie « réelles » dans les bâtiments et l'industrie. Les 6,7 milliards d'euros de France Relance et les 2 milliards du budget 2022 fléchés vers la rénovation ne suffisent-ils pas ?

PIERRE DE MONTLIVAULT - Les simples aspects économiques ne constituent pas des déclencheurs à eux tous seuls. Passer à l'acte sur des investissements reste compliqué. Il faut une vision de moyen-terme ambitieuse qui nécessite d'investir et de convaincre les acteurs publics que c'est du bon sens économique et politique.

Avant même de parler de pouvoir d'achat ou de souveraineté énergétique, les rapports du GIEC sont très clairs : si nous ne tenons pas nos engagements et si nous ne respectons pas les ambitions européennes, nous allons au-devant de très grands problèmes.

Que faire alors ?

Beaucoup de monde évoque cette deadline de trois ans, mais il s'agit plus d'une formule marketing pas très habile. Il faut accélérer, et c'est bien ce que veut dire le GIEC. Plein de choses ont été lancées, du côté des pouvoirs publics comme du côté des entreprises, mais les chiffres sont têtus : il faut aller trois plus vite que sur la période 2010-2022 pour être au rendez-vous de 2030 [-40% d'énergies consommées dans les bâtiments, Ndlr].

Les moyens sont-ils en adéquation avec ces ambitions ?

Pour gérer ce pic d'activité, il va en effet falloir commencer par trouver les salariés. Cela passe par doubler les emplois directs, soit 60.000 créations d'emplois. Or, le déficit d'emploi se trouve à tous les niveaux, à la fois dans les métiers de techniciens mais aussi dans les ingénieurs des bureaux d'études. Cette difficulté générale vient du manque d'intérêt et d'attention que porte l'Éducation nationale aux filières techniques.

Alors qu'en Allemagne, ces métiers ne sont pas considérés comme un échec, mais comme un choix, nous devons promouvoir nos métiers et montrer que nous nous levons tous les matins pour lutter contre le dérèglement climatique.

Du côté des aides aux économies d'énergie, il n'est pas forcément nécessaire d'inventer de nouveaux moyens financiers, mais d'adapter des dispositifs importants comme les certificats d'économie d'énergie. Ces derniers sont centraux dans la palette des outils car ils permettent d'aller dans tous les logements et les bâtiments.

Depuis ce 1er mai, les aides liées aux certificats d'économie d'énergie sont en baisse...

Nous avons fait trop de monogestes : changer une chaudière, un moteur... sans adopter une approche globale. Nous plaidons donc pour un recentrage des certificats d'économie d'énergie sur des actions globales, que ce soit pour l'habitat collectif, les bâtiments tertiaires ou les sites industriels.

Trop souvent encore, quand on parle logement, le réflexe est de penser à la maison individuelle, à tel point que le bouclier tarifaire a d'abord ciblé l'individuel avant le collectif. Et ce, alors que les factures y ont tout autant doublé. Les économies d'énergie restent donc le meilleur moyen de protéger le pouvoir d'achat des Français.

Il faut en outre d'autres outils publics. Sur le principe de celui pour la rénovation des bâtiments publics de l'État doté de 2,7 milliards d'euros, nous devons avoir des appels à projets, mais avec comme exigence absolue une performance énergétique réelle et garantie dans la durée.

N'est-ce pas l'objectif du décret tertiaire qui intime à tous les propriétaires bailleurs et occupants de surfaces de plus de 1.000 mètres carrés à réduire leurs consommations d'énergie sur la base de celles de 2010 : -40% en 2030, -50% en 2040 et -60% en 2050 ?

Ce décret a de très grandes ambitions, mais les gens attendent parfois le dernier moment pour agir. Je ne suis pas inquiet pour le tertiaire privé car la pression est à la fois du côté du locataire-client et de l'investisseur-propriétaire qui ont des objectifs RSE. En revanche, je le suis davantage sur le tertiaire public. C'est pourquoi nous proposons de créer un fonds d'amorçage qui pourrait être piloté par l'Ademe.

Dans le même temps, il faut que l'interdiction à la location des passoires thermiques E, F et G aux horizons 2025, 2028 et 2034 aille jusqu'au bout.

Quid de la sobriété énergétique ?

Des choses vont déjà dans le bon sens, comme la relance des campagnes de communication sur l'antigaspi. Le gouvernement a cette intention sur le carburant, le chauffage et l'électricité. Alors qu'une vieille réglementation datant du premier choc pétrolier indique 19°C comme température idéale, nous avons pris l'habitude de vivre à 21°C en moyenne. En redescendant tous de deux degrés, nous pourrions économiser un tiers du gaz russe.

Par une circulaire du 13 avril, l'État vient de prodiguer le même conseil aux collectivités territoriales, alors que l'envolée des prix de l'énergie risque de les faire renoncer à leurs projets d'investissement liés à la transition écologique. Comment résoudre l'équation ?

Le Code des marchés publics n'est pas souple. Si un maire veut rénover ses bâtiments, il doit faire deux lots : un lot travaux et un lot exploitation. Or, ces travaux devraient être financés par des économies d'énergie. Le gouvernement a déposé un amendement en ce sens dans le budget 2022 mais il a été retoqué car considéré comme un cavalier législatif. Nous n'en demeurons pas moins confiants: il devrait être adopté dans la prochaine loi idoine.

Les élus locaux n'ont pas toujours l'ingénierie nécessaire non plus...

Faire des appels à projet pour créer des réseaux de chaleur dans des villes de moins de 50.000 habitants est une urgence. Il y a là un très beau potentiel de l'ordre de 1.300 villes à équiper. Côté ingénierie, nous proposons de simplifier le passage à l'acte en regroupant toutes les études successives en une seule étape, à travers un Paquet ingénierie. D'autre part, nous proposons pour l'hiver prochain, un coup de pouce lié aux certificats d'économie d'énergie pour raccorder sans délai à des réseaux de chaleur existants des bâtiments encore chauffés au gaz.

De même que nous pourrions penser à la création d'un fonds de garantie qui permettrait d'aller chercher l'énergie d'un industriel. Le gisement de chaleur fatale est énorme. Alors qu'il pourrait y avoir des subventions pour créer des tuyaux et des échangeurs de raccordement, les banquiers, et plus généralement les financeurs, posent toujours la question de la fermeture de l'usine. Les assureurs ne veulent pas non plus garantir de telles opérations.

Le plan gouvernemental de 5,7 milliards d'euros pour décarboner l'industrie n'est-il pas censé débloquer la situation ?

La philosophie de France 2030 consiste à décarboner l'industrie, en substituant au gaz de la biomasse ou des combustibles solides de récupération. Quant à l'énergie fatale, elle peut effectivement aussi alimenter un industriel, tout comme des réseaux de chaleur. Les deux dispositifs peuvent donc être complémentaires.

Lire aussi 19 mnTransition énergétique : l'équation périlleuse du programme d'Emmanuel Macron

César Armand

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Commentaires 38
à écrit le 05/05/2022 à 12:53
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Encore un SDF (Sans Difficulté Financière) qui se chauffe en cramant le pognon des français...

à écrit le 05/05/2022 à 11:12
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2 degrés par rapport à 19 degrés ou bien par rapport à 22 ou plus c'est selon.

à écrit le 05/05/2022 à 7:25
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Je voudrais savoir combien de degrés ce monsieur à chez lui ?? Et j'aimerais surtout savoir à combien sont chauffés l'Elysée, Matignon et autres ministères etc.... C'est toujours pour les personnes ordinaires les efforts, les contraintes...

le 09/05/2022 à 10:03
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Un peu de compassion pour les "petits" employés qui passent 8 heures par jour assis dans les bureaux de ces "collectivités publiques" et vont se les "geler" autant que vous dans votre domicile si on les passe à 19 degrés....

à écrit le 04/05/2022 à 22:46
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L'Intellingentia à la française dans ses oeuvres !!!

à écrit le 04/05/2022 à 20:28
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Mais enfin, quel génie français ! En mangeant une fois par jour on peut baisser notre consommation agricole de 66%! Mais enfin, quel progrès français ! Grâce au chandail en laine, on va pouvoir baisse de 4c notre consommation de gaz... Évidemment...

le 05/05/2022 à 10:36
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Oui vous avez raison, en France nous avons encore, dieu merci, quelques génies méconnus!

à écrit le 04/05/2022 à 18:48
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J’y suis prêt dès que cette mesure sera appliquée dans les organismes publiques, dans les collectivités territoriales, les ministères. Installons des thermomètres dans tous ces locaux pourque le simple citoyen puisse intervenir pour le respect de ce...

à écrit le 04/05/2022 à 17:57
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les pompes a chaleur oui cela fait du chaud a la condition qu'il ne fasse pas trop froid dans le meilleur des cas l'eau qui circule sera a 40 degre maxi et plus cela baisse a l'exterieur et moins sa chauffe il y a de moins en moins de calories dans...

à écrit le 04/05/2022 à 17:41
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je maintiens haut et fort que la seule energie electrique fiable sont les centrales nucleaires le reste et du bla bla bla surtout l'eolien qui est trop dependant du dieu eole duree de vie d'une eolienne environ 15 ans 20 en tirant dessus avec u...

à écrit le 04/05/2022 à 17:34
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Vous ne croyez pas qu on l a déjà fait? Les français sont déjà en mode économie.....et ca va empirer....la récession est au bout du chemin....

à écrit le 04/05/2022 à 15:46
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1ere vague de chaleur dès la semaine prochaine (après les vagues covid). Clims à fond, vos mesures sur le chauffage l'hiver seront integralement annulée voire dépassées par la clim dès le printemps, merci et comme disait valery : au revoir !

le 04/05/2022 à 16:19
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C'est bizarre mais j'ai déjà baissé mon chauffage sur les recommandations de l'adème et du gvt il y a plus de 5 ans :19° déjà et 16° dans les chambres.... De qui se moque-t-on ? Il faudrait que je passe à 17° et 14° dans les chambres j'attends que le...

à écrit le 04/05/2022 à 15:11
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La mesure est pour le moins paradoxale. Alors que les prix de l’énergie flambent et que le gouvernement veut accélérer la rénovation énergétique des logements, le montant des aides liées aux certificats d’économies d’énergie (CEE) pour les travaux d’...

le 04/05/2022 à 18:38
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Cela semble assez raisonnable lorsqu'on constate le peu d'impact de ces mesures d'aide extrêmement couteuses sur l'évolution de la consommation globale du secteur des bâtiments depuis 10 ou 15 ans. Cela n'a d'ailleurs rien de bien surprenant: le parc...

le 09/05/2022 à 10:05
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J'ai moi-même bénéficié de ces aides pour faire refaire l'isolation des combles de ma maison il y a 3 ans et, quoi qu'en dise votre interlocuteur précédent, cela m'a effectivement fait économiser 100 à 200€ de gaz et électricité par an....

à écrit le 04/05/2022 à 14:18
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Ben moi c'est 18 degrés depuis des années, j'ai bricolé un double vitrage 2x4 mm sur de l'ancien séparé par du silicone, monté une pompe à chaleur prechargée, si tu viens, pas de pb, voici du bois d'arbres fruitiers, la tronçonneuse, la masse et les ...

à écrit le 04/05/2022 à 12:36
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Je suis obligé de chauffer à 22 ° degré car j'habite dans une passoire thermique: immeuble des années 70, exposition plein nord, au premier étage d'un immeuble avec passage ouvert à tout vent sous tout le plancher inférieur de l'appartement. Apparte...

à écrit le 04/05/2022 à 12:09
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Oui, et en coupant totalement le chauffage, on pourrait se passer du gaz Russe !! La contrepartie serait d’augmenter les dépenses de la Sécurité Sociale du fait de l’augmentation des maux et maladies liées au refroidissement des lieux de vie…..

à écrit le 04/05/2022 à 11:41
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Je suis déjà à 16 ou 17° chaque hiver, pour réduire la facture et utiliser mon argent autrement. Avec une polaire, cà va

à écrit le 04/05/2022 à 11:28
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Mais c'est ce que j'ai fait pendant les quatre derniers mois. Toute la famille s'est pelée, mais j'ai dû économiser 300 € de facture de gaz

à écrit le 04/05/2022 à 10:59
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Et bien sûr ce Monsieur va être le premier à mettre la température de son domicile à 17° si ce n'est déjà fait.

à écrit le 04/05/2022 à 10:52
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Les gens qui chauffent à 18°C n'ont pas besoins de baisser de 2°C, réfléchissez un peu. Le souci, c'est les gens qui chauffent à 21°C et plus ! Et ils sont très nombreux ! Il y aussi le sujet de l'isolation des maisons, c'est un vrai sujet mais tr...

le 09/05/2022 à 10:00
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Ben, oui..."les gens qui chauffent à 21 degrés et plus" et vous causent des "soucis" ont probablement leurs raisons: conception du logement qui fait qu'on se gèle les pieds même à 20 degrés parce qu'il en fait 2 de moins au niveau du sol ou près des...

à écrit le 04/05/2022 à 10:30
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Faudra vérifier le domicile de Pierre de Montlivault pour vérifier si il respecte ce qu'il propose aux autres.

à écrit le 04/05/2022 à 10:09
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Ce qui est étonnant, c'est qu'ils nous sortent leurs idées quand la crise est déjà là! Alors, qu'une bonne "planification" aurait pu anticiper tout cela! Les russes ont su le faire apparemment!

à écrit le 04/05/2022 à 8:58
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Et en coupant totalement le chauffage, il n'aurait plus qu'à se trouver un autre emploi...

le 04/05/2022 à 10:22
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En coupant complètement le chauffage ce serait encore mieux. Comme si la majorité des Français se chauffaient au delà de 20 degrés. Bon il faut espérer que ces mesures de d'embargo soient efficaces, car sinon on aura payé pour rien.

à écrit le 04/05/2022 à 8:54
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Il est gentil le Mônsieur mais complètement à côté de la plaque, car selon la CRE les professionnels représentent les trois quarts de la consommation de gaz en France (74%), selon

le 04/05/2022 à 16:14
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selon ? Si vous cuisez le ciment à 1400°C et pas 1500, ça n'ira pas, il aime la chaleur, nous on peut mettre un tricot ou un anorak et des gants en attendant le printemps. :-) Le pain mal cuit c'est pas bon, pas digeste. Je chauffe à 17°C, en passa...

à écrit le 04/05/2022 à 8:42
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Je me contente déjà de 18°; et vous voudriez que je passe à 16?? En réduisant les inepties sur le web on rendrait celui-ci beaucoup plus intéressant. En supprimant le chauffage et les autos plus besoin du pétrole russe! Tiens, au fait c’est curieux, ...

le 04/05/2022 à 9:36
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Parce que c'est beau, un diamant ? "continuons -nous" vous compris ? :-) A part sur ma platine disque (je l'avais gardée), ai pas de diamant. Et l'uranium, pourquoi les USA et l'UE en achètent encore ? Il faut arrêter (et les centrales aussi).

à écrit le 04/05/2022 à 8:24
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En faisant tourner la clim ont peu facile baisser de 6 degrés au lieu de 2 et là, plus besoin de gaz russe, Je plaisanteuu. Les réseaux de chaleur, j'ai des doutes sur leur efficacité écoloéconomiques. Ca coûte une blinde a installer, si c'est a la ...

le 04/05/2022 à 9:28
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On aura beaucoup de biogaz dans le futur mais vu qu'on aura beaucoup baissé la consommation, ça ira bien. On ne pourrait jamais fournir assez vu la conso 2022, on doit donc d'abord réduire le besoin. J'en ai trouvé, du gaz bio, mais 3 fois le prix du...

à écrit le 04/05/2022 à 8:00
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Et en supprimant les méthodes abjectes agro-industrielles nous supprimerions 37% des GES mais bien s^pur c'est encore aux gens de faire les efforts et de gré ou de force comme on peut le voir. Cette mélodie culpabilisante finie par devenir particuliè...

le 04/05/2022 à 9:32
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Il faut supprimer tout élevage de ruminants, abjecte ou pas, ça génère des GES (méthane par rumination, dommage de ne pouvoir le récupérer. Celui brûlé dans les torchères des sites pétroliers et gaziers de la planète, il parait que c'est 2/3 de la co...

à écrit le 04/05/2022 à 7:17
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On ne va pas tarder à nous dire que l'on peut vivre les fenêtre ouverte en permanence été comme hiver.

le 04/05/2022 à 8:47
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C'est déjà le cas avec le covid ,quinze minutes toutes les heures d’après la pub du gouvernement sur ce sujet et ce depuis deux ans.

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