Israël : la contestation anti-Netanyahou reprend

Six mois après les massacres du 7 octobre, des familles d’otages et des militants opposés au gouvernement réclament des élections anticipées.
Garance Le Caisne
Des Israéliens manifestent contre le gouvernement à Jérusalem, le 31 mars.
Des Israéliens manifestent contre le gouvernement à Jérusalem, le 31 mars. (Crédits : © LTD / AHMAD GHARABLI / AFP)

Les absents sont partout. Les visages des 132 otages toujours retenus dans la bande de Gaza ne cessent de dévisager les habitants. Portraits scotchés seuls à de fins poteaux électriques ou sur les arbres, affichés ensemble sur des écrans lumineux géants ou diffusés en boucle sur les chaînes de télévision. Présentés aussi à bout de bras par des familles épuisées par l'absence de leurs proches et ulcérés par le silence des autorités. Six mois de guerre dans le territoire palestinien n'ont pas ramené tous les prisonniers israéliens.

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 Alors que ce dimanche marque la commémoration des massacres du Hamas du 7 octobre, les protestations s'intensifient contre le gouvernement. Des familles du Forum des familles d'otages et de disparus ont décidé de manifester avec les militants antigouvernementaux. Pendant quatre jours consécutifs, en début de semaine, des milliers d'Israéliens ont ainsi marché, parfois réprimés par la police.

Beaucoup de familles n'ont plus confiance dans le gouvernement. Celui-ci avait affirmé que les opérations militaires pourraient ramener les quelque 250 captifs. Six mois plus tard, de nombreux proches n'ont obtenu aucune information de la part des autorités et seulement 108 otages ont été libérés.

« Nos dirigeants sont lâches »

Hier, alors que le corps d'Elad Katzir était rapatrié après avoir été exhumé de nuit dans la bande de Gaza par les forces spéciales israéliennes, Carmit Palty Katzir, une des sœurs de cet homme de 47 ans, a dénoncé sur son compte Facebook : le libérer vivant « aurait pu être possible si un accord sur les otages avait été réalisé à temps » « Nos dirigeants sont lâches et mus par des considérations politiquespoursuit-elle, c'est pour cette raison qu'il n'y a pas eu d'accord. »

Après la trêve de novembre et la libération de premiers otages, tous les pourparlers avec le Hamas ont en effet échoué. « De plus en plus d'Israéliens considèrent Benyamin Netanyahou comme un incompétent qui doit partirprécise l'historien Thomas Vescovi. Pour eux, il est incapable de négocier pied à pied avec le Hamas. Il navigue à vue et fait durer les négociations pour gagner du temps et rester au pouvoir. »

C'est ce que lui reprochent les manifestants qui réclament sa démission et la tenue d'élections anticipées. Mercredi, dans un chaos filmé et retransmis sur les réseaux sociaux, une dizaine de manifestants sont montés à la tribune des visiteurs de la Knesset (le Parlement) et ont étalé de la peinture jaune - la couleur de leur mouvement - sur les vitres situées au-dessus des rangs de l'assemblée. Scandant « maintenant ! Maintenant ! » - en référence au retour des otages et à un nouveau scrutin -, ils ont été sortis de force par les huissiers.

Ces manifestations n'ont pas la même ampleur que celles de 2023 qui avaient vu, dans des rassemblements historiques, des dizaines de milliers d'Israéliens protester contre le projet de réforme de la justice du gouvernement. Cette réforme visait à donner plus de pouvoirs au Parlement et à amoindrir ceux de la Cour suprême.

Le capital de sympathie s'évanouit

« Les sondages indiquent clairement que les Israéliens veulent des élections anticipéesajoute l'historien, auteur de L'Échec d'une utopie - Une histoire des gauches en Israël. Mais bloquer le pays est un cap difficile à franchir. Cela risquerait de fragiliser le pouvoir et de renforcer les adversaires, comme le Hamas ou même la Cour internationale de justice. »

Jamais l'État israélien n'est paru aussi isolé. Le capital de sympathie dont il avait bénéficié au lendemain des massacres du 7 octobre s'évanouit à mesure que les Occidentaux prennent conscience des crimes commis dans la bande de Gaza envers les civils. Plus de 33 000 morts dont 40% d'enfants, refus de laisser entrer suffisamment d'aide humanitaire, malnutrition sévère, déplacements forcés de population, milliers de bâtiments détruits...

Les États-Unis, principal allié de l'État hébreu, menacent de ne plus livrer d'armes si les Israéliens ne laissent pas entrer plus de camions dans le territoire palestinien. Mi-mars, le chef de la majorité au Sénat américain, Chuck Schumer, l'un des plus fidèles alliés de Tel-Aviv outre-Atlantique, a même averti qu'Israël risquait de devenir un État « paria » sur la scène internationale s'il restait dirigé par Benyamin Netanyahou.

Des centaines de milliers de réservistes

La coalition au pouvoir la plus à droite de l'histoire du pays, qui tient grâce à la présence des deux partis ultraorthodoxes Shas et Judaïsme unifié de la Torah, entre justement dans une période de turbulences. Depuis lundi dernier, et une décision temporaire de la Cour suprême, les jeunes ultraorthodoxes ne peuvent plus bénéficier d'exemptions de service militaire en échange d'années d'études de la Torah. Cette exemption date de la naissance de l'État hébreu en 1948, une époque où seuls quelque 400 haredim (craignant Dieu) étaient en âge de porter l'uniforme. En raison d'une natalité particulièrement élevée au sein de cette communauté, ils sont aujourd'hui 66.000. Leur passe-droit est d'autant plus mal vu que le pays, en guerre depuis six mois, doit compter sur des centaines de milliers de réservistes.

En attendant le vote d'une nouvelle loi, il y a peu de chances que l'armée vienne enrôler de force des jeunes haredim. Mais le sujet polarise les laïques radicaux et la droite anti-orthodoxe, et il alimente la colère d'une partie de la population. Cette semaine, lors des manifestations antigouvernementales, des militants sont d'ailleurs allés dans des quartiers ultraorthodoxes de Jérusalem pour affronter physiquement des haredim.

Garance Le Caisne
Commentaires 2
à écrit le 09/04/2024 à 5:01
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A quand l'annulation des passeports israéliens aux ressortissants étrangers notamment des américains démocrates manifestant contre le défense militaire du pays?

à écrit le 07/04/2024 à 11:34
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L'Israel de Netanyahu est dans une impasse ce qui accentue la légitimité même de l'existence d'Israël. Israël est de plus en plus considéré comme un État colonisateur, genocidaire du peuple Palestinien. Un État d'Israël pour en arriver là ? L'Histoi...

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