Joe Biden aux commandes d'un pays divisé par les crises

À son arrivée à la Maison Blanche, ce mercredi 20 janvier, Joe Biden devra affronter une quadruple crise alors que le procès de Donald Trump pour « incitation à l'insurrection » risque de ralentir le Sénat.
Joe Biden entrera mercredi à la Maison Blanche dans un contexte de crise inédit, entre pandémie, récession, divisions politiques et luttes raciales.
Joe Biden entrera mercredi à la Maison Blanche dans un contexte de crise inédit, entre pandémie, récession, divisions politiques et luttes raciales. (Crédits : JOSHUA ROBERTS)

Le démocrate Joe Biden entrera ce mercredi à la Maison Blanche, au moment où plus de 3.000 Américains meurent chaque jour du Covid, près d'un million s'inscrivent toutes les semaines au chômage et des dizaines de millions doutent de la légitimité du président élu.

"Ce qui est unique pour Biden, ce n'est pas tant que le pays soit en crise, mais c'est le nombre de crises simultanées" qu'il aura à affronter dès les premiers jours de son mandat, relève la politologue Mary Stuckey de l'Université d'Etat de Pennsylvanie.

Certaines, pandémie et récession, sont conjoncturelles et liées. D'autres, divisions politiques et raciales, ont leur logique propre et ancienne. Mais il faudra qu'il les affronte toutes, immédiatement, alors que le Sénat sera en partie occupé à juger Donald Trump pour "incitation à l'insurrection".

Une crise sanitaire sans précédent

Jamais la situation sanitaire n'a été aussi grave depuis la grippe espagnole de 1918.

Les Etats-Unis sont le pays le plus touché au monde par le Covid-19, avec 24 millions de cas et près de 400.000 morts. Et l'apparition du nouveau variant britannique fait craindre le pire.

Une immense campagne de vaccination a débuté à la mi-décembre mais elle avance bien plus lentement que prévu : seules dix millions de personnes ont reçu une première injection, bien en deçà des 20 millions prévus pour fin décembre 2020 par l'administration sortante.

Joe Biden a promis d'enclencher la vitesse supérieure pour atteindre 100 millions d'injections au 100e jour de sa présidence, "Je suis convaincu qu'on peut y arriver", a-t-il dit. "La santé de la Nation est en jeu!"

Un "arrêt brutal" de l'économie et une hausse historique du chômage

Les mesures de confinement adoptées pour endiguer la propagation du virus ont porté un coup d'arrêt brutal à l'économie qui, selon la banque centrale américaine (Fed), s'est contractée de 2,4% en 2020.

De nombreuses entreprises ont dû fermer leurs portes et licencier leur personnel. D'autres salariés ont démissionné pour s'occuper de leurs enfants, privés d'école. Au total, 18 millions d'Américains vivent aujourd'hui d'aides au chômage.

"La souffrance humaine s'étale au grand jour et nous n'avons pas de temps à perdre", a commenté Joe Biden en dévoilant un plan d'urgence de 1.900 milliards de dollars, qu'il entend faire valider par le Congrès au plus vite.

En tant que vice-président de Barack Obama, il avait déjà supervisé un gigantesque plan de relance après la crise financière de 2009, qui avait déjà assombri les débuts de leur mandat.

Cette fois, le défi est tout autre : "Il doit gérer la crise économique, tout en essayant de vacciner 300 millions de personnes et en dirigeant une nation sérieusement divisée", relève Shirley Anne Warshaw, professeure de sciences politiques au Gettysburg College.

La dérive des Trumpistes accroit les divisions politiques

Après quatre ans d'une présidence prompte à dresser les Américains les uns contre les autres, la croisade post-électorale de Donald Trump a encore creusé le fossé.

Sous prétexte de "fraudes", le républicain a refusé de concéder sa défaite. S'il a échoué à convaincre les tribunaux, il a semé le doute dans l'esprit de millions de ses supporteurs dont les plus ardents se sont lancés à l'assaut du Capitole le 6 janvier.

"Les Etats-Unis n'ont pas connu une telle crise de légitimité politique depuis l'investiture d'Abraham Lincoln" en 1861, qui avait donné le coup d'envoi à la guerre de Sécession, relève David Farber, professeur d'histoire à l'université du Kansas.

Accusé d'avoir encouragé ces violences, Donald Trump doit être jugé par le Sénat. "Cela va littéralement manger le temps dont Joe Biden a besoin" pour lancer ses chantiers, remarque M. Farber.

Et si certains républicains ont finalement pris leurs distances avec l'impétueux milliardaire, "il va rester une force bruyante, peut-être pendant toute la présidence Biden, qui n'y pourra pas grand chose", ajoute l'historien.

Le démocrate, qui a promis de "réconcilier l'Amérique", risque également de buter sur l'existence de "deux écosystèmes médiatiques différents qui offrent aux gens deux visions différentes du monde", selon la politologue Mary Stuckey.

Les inégalités raciales, grand chantier du président démocrate

Les grandes manifestations de l'été, consécutives au meurtre de George Floyd par un policier blanc, sont éteintes, mais le démocrate a été élu avec un soutien massif de la population noire et il doit désormais satisfaire ses attentes.

"Les inégalités raciales sont partout : dans l'économie, l'accès au logement, au vote, les violences policières... C'est purulent depuis des années et des années", selon Shirley Anne Warshaw, qui prévoit "une forte mobilisation de la nouvelle administration" sur ce front.

D'ores et déjà, Joe Biden a constitué une équipe plus diverse que jamais. "Il montre à ses supporteurs que les Etats-unis vont tenter de tourner la page en matière de justice raciale", estime David Farber.

Un duo Harris-Biden "sur le fil du rasoir"

Face à toutes ces "priorités", "il va falloir qu'on soit multitâche", a reconnu vendredi sur NPR la future vice-présidente, Kamala Harris.

Avec ces différents chantiers, Joe Biden estime que transcender les lignes de démarcation politique est l'unique solution: "L'unité n'est pas une chimère, c'est une démarche pratique pour faire ce qu'on a à faire ensemble, pour le pays".

Pour Mary Stuckey, le duo est "sur le fil du rasoir : il va avancer entre de grandes opportunités et beaucoup de dangers".

Elle met toutefois en garde contre la tentation de considérer Joe Biden comme une figure providentielle : "Ce pays est obsédé par ses présidents, ils sont vus comme des sauveurs", mais il ne faut pas oublier "qu'ils ne contrôlent pas tout, loin de là".

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