
Jusqu'où iront les Etats-Unis dans le recalibrage de leurs relations jusqu'à présent très étroites avec l'Arabie Saoudite ? C'est la fin de la période de bienveillance vis-à-vis d'un allié important mais trop turbulent, selon les nouveaux critères de l'administration Biden. Après la fin du soutien américain à la coalition saoudienne au Yémen en rupture avec la diplomatie de Donald Trump, Joe Biden bouscule déjà les équilibres des alliances régionales et redessine la stratégie des Etats-Unis au Moyen Orient. Le président américain s'attaque désormais à l'affaire Khashoggi en mettant directement en cause le prince héritier Mohammed ben Salmane dans ce meurtre. Pour autant, sa marge de manoeuvre est étroite : il ne peut se permettre de rompre avec Ryad avant de s'attaquer aux grands dossiers régionaux comme l'accord nucléaire avec l'Iran ou le processus de paix israélo-arabe.
Toutefois, Joe Biden continue de mettre la pression maximale sur Ryad. Il a fait savoir samedi qu'une annonce serait faite lundi sur l'Arabie saoudite en lien avec le rapport des services de renseignement américains affirmant que Mohammed ben Salmane avait approuvé le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi. Interrogé au sujet d'éventuelles mesures de représailles contre le prince, Joe Biden a répondu : "Il y aura une annonce lundi sur ce que nous allons faire avec l'Arabie saoudite en général". En décidant de déclassifier le rapport, Joe Biden entend "recalibrer" les relations entre Ryad et Washington. Son interlocuteur sera désormais le roi Salman, et non plus le prince héritier comme le faisait l'administration Trump.
Les dénégations de Ryad
Selon un rapport de la CIA déclassifié vendredi par la Maison blanche, Mohammed ben Salman a approuvé l'opération visant à capturer ou tuer le journaliste Jamal Khashoggi. L'administration de Donald Trump avait refusé de rendre public le rapport de la CIA et de mettre publiquement en cause Mohammed ben Salman. Le dissident saoudien exilé aux Etats-Unis, qui écrivait une tribune dans le Washington Post, a été assassiné le 2 octobre 2018 à l'intérieur du consulat d'Arabie saoudite à Istanbul. Son corps, démembré, n'a jamais été retrouvé.
Les autorités de Ryad ont à nouveau nié toute responsabilité dans cet assassinat et traduit en justice des responsables subalternes accusés d'avoir agi de leur propre initiative. Le ministère des Affaires étrangères a rejeté dans un communiqué les conclusions "injustifiées et inexactes" du rapport américain. Mais le service de renseignement américain conclut pourtant que le prince héritier ne pouvait pas ne pas être au courant de cette opération.
"Nous estimons que le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salman a approuvé une opération à Istanbul, en Turquie, pour capturer ou tuer le journaliste saoudien Jamal Khashoggi", écrit la directrice du renseignement national (DNI), Avril Haines, sur son site internet. "Nous basons cette évaluation sur le contrôle du prince héritier sur la prise de décision dans le royaume, l'implication directe d'un conseiller clé et des membres du service de protection de Mohammed ben Salman dans l'opération, et le soutien du prince héritier à l'utilisation de mesures violentes pour faire taire les dissidents à l'étranger, y compris Khashoggi", a-t-elle argumenté.
76 Saoudiens interdits d'entrer aux Etats-Unis
Le secrétaire d'État américain Antony Blinken a annoncé que 76 Saoudiens seraient interdits d'entrer sur le territoire américain en raison de leur rôle dans l'assassinat de Jamal Khashoggi, et que Washington ne tolérerait plus les menaces ou les attaques contre les dissidents. Mais l'administration Biden n'a pris aucune mesure visant directement Mohammed ben Salman. "Nous voulons un recalibrage, pas une rupture", a expliqué un responsable gouvernemental. Un porte-parole du département d'État a déclaré que les États-Unis mettraient désormais l'accent sur la fin du conflit au Yémen, tout en s'assurant que l'Arabie saoudite dispose des armes dont elle a besoin pour défendre son territoire, notamment face à l'Iran.
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