La Chine sort momentanément de la déflation, mais les menaces sur son économie demeurent

Les prix à la consommation en Chine ont augmenté en février de 0,7%, sur un an. Cela fait momentanément sortir le pays du cycle déflationniste. Depuis plusieurs mois, celui-ci menace l'économie chinoise, atone et empêtrée dans une crise immobilière sans précédent.
Cette hausse des prix à la consommation en février est tirée par les produits liés à l'éducation, la culture et les divertissements (+3,9%).
Cette hausse des prix à la consommation en février est tirée par les produits liés à l'éducation, la culture et les divertissements (+3,9%). (Crédits : Jason Lee)

Le début de la fin de la déflation en Chine ? Selon les chiffres officiels publiés ce samedi, les prix à la consommation en Chine ont augmenté en février de 0,7% sur un an. Un chiffre supérieur aux attentes des analystes interrogés par l'agence Bloomberg, qui prévoyaient 0,3%. Pour rappel, l'économie chinoise a connu en janvier sa plus forte chute des prix en 14 ans.

Dans le détail, le Bureau chinois des statistiques (BNS) indique une hausse notable dans les produits liés à l'éducation, la culture et les divertissements (+3,9%), mais aussi aux services (+3%) et l'habillement (+1,6%). Les prix de l'alimentation, du tabac et de l'alcool n'ont en revanche pas connu de baisse en février, augmentant de 0,1% sur un an, selon le BNS.

De son côté, l'indice des prix à la production (PPI) s'est de nouveau contracté en février (-2,7%) pour le 17e mois consécutif, a annoncé samedi le BNS. Cet indice, qui mesure le coût des marchandises sorties d'usines et donne un aperçu de la santé de l'économie, était déjà en repli de 2,5% en janvier. Sur l'ensemble de 2023, il avait reculé de 3%. Des prix à la production dans le rouge sont synonymes de marges réduites pour les entreprises.

Pas suffisant pour sonner la fin de la déflation chinoise

Pour rappel, la Chine a basculé en déflation en juillet 2023, pour la première fois depuis 2021. Après un bref rebond en août, les prix étaient constamment en repli depuis septembre.

« Je pense qu'il est trop tôt pour conclure que la déflation en Chine est terminée », prévient toutefois l'économiste Zhiwei Zhang, du cabinet Pinpoint Asset Management. Car « si l'on compare l'inflation moyenne des deux premiers mois de cette année à celle de la même période de 2023, les prix sont restés stables », souligne-t-il.

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Si un recul des prix peut sembler une bonne chose pour le pouvoir d'achat, la déflation est une menace pour l'économie car les consommateurs ont tendance à différer leurs achats dans l'espoir de nouvelles baisses. Faute de demande, les entreprises sont alors contraintes de réduire leur production et consentent à de nouvelles ristournes pour écouler leurs stocks.

Cette situation, qui pèse sur leur rentabilité, les pousse à geler les embauches ou à licencier : les économistes parlent d'une spirale néfaste, car ce phénomène est un frein supplémentaire à la consommation.

Immobilier, chômage des jeunes... les autre maux de l'économie chinoise

Outre une consommation atone, l'activité est pénalisée en Chine par une crise dans l'immobilier, un chômage élevé chez les jeunes et le ralentissement économique mondial, qui pèse sur la demande en biens chinois. Et donc l'activité des usines.

La Chine a plusieurs fois annoncé des mesures pour sauver son secteur immobilier, mais avec pour le moment peu d'effets. « La demande intérieure est encore assez faible », note Zhiwei Zhang et « les ventes d'appartements neufs ne se sont pas encore stabilisées ». « La tâche de stabiliser le marché immobilier est encore très difficile », a pour sa part déclaré récemment le ministre du Logement Ni Hong, estimant nécessaires les faillites et restructurations des promoteurs « gravement insolvables ». Pour rappel, l'immobilier chinois, qui avait connu deux décennies de croissance fulgurante avec la hausse du niveau de vie de la population, a longtemps représenté au sens large plus du quart du PIB de la Chine.

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Alors que Pékin tient cette semaine sa session parlementaire annuelle, l'économiste du cabinet Pinpoint Asset Management observe que cela a été l'occasion d'annoncer une « politique fiscale plus proactive », mais « il faut du temps pour que l'impulsion budgétaire se transmette à l'économie et aide la demande intérieure à se redresser ».

La Chine doit faire plus pour relancer l'emploi et stabiliser son marché immobilier, ont d'ailleurs reconnu samedi plusieurs ministres lors d'une conférence de presse. « La pression globale sur l'emploi n'a pas diminué et il reste des contradictions structurelles à résoudre », a admis Wang Xiaoping, ministre des Ressources humaines et de la Sécurité sociale. Mais Pékin est « confiant dans le maintien d'une croissance continue de l'emploi », a-t-elle assuré.

A noter : le chômage des jeunes chinois a atteint à la mi-2023 le taux record de 21,3%, avant que les autorités décident de changer la méthode de calcul de cette statistique. Le nouveau taux révisé, publié en fin d'année 2023, est d'environ 15%.

Objectif de croissance modeste en 2024

La session parlementaire annuelle de Chine, qui se termine lundi, a été l'occasion pour les dirigeants chinois de dévoiler l'objectif de croissance pour 2024. Celui-ci est fixé à environ 5%. Reflet d'une économie qui peine à se relancer depuis les années Covid, cette cible est bien loin des rythmes à deux chiffres enregistrés dans les années 1990 et 2000. Et « il ne sera pas facile à atteindre », a reconnu le Premier ministre Li Qiang.

Quant à l'inflation, le gouvernement s'est fixé +3% cette année. Sur l'ensemble de 2023, celle-ci a progressé en moyenne de 0,2%. Une tendance à rebours de la situation des principales économies du monde, notamment occidentales, en proie à une inflation beaucoup plus forte (celle de la France a atteint 4,9% en 2023), et à une baisse du pouvoir d'achat d'une partie de leurs habitants.

Lire aussiLa Chine vise une croissance de 5% en 2024, un objectif « modeste » mais « ambitieux »

Enfin, les dépenses publiques chinoises vont croître avec un budget fixé à 28.500 milliards de yuans (3.649 milliards d'euros). C'est 1.100 milliards de yuans (141 milliards d'euros) de plus que l'an dernier. La Chine va également émettre pour 1.000 milliards de yuans (128 milliards d'euros) d'obligations d'Etat pour « renforcer ses capacités » dans des domaines clés.

Parallèlement, 3.900 milliards de yuans (près de 500 milliards d'euros) d'obligations seront émises pour soutenir les collectivités locales. Leurs finances sont exsangues après trois ans de dépenses faramineuses pour lutter contre le Covid. Et la crise de l'immobilier les prive d'une importante source de revenus.

(Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 10/03/2024 à 8:17
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Pour mieux connaître la Chine, lisez les trois récits de Jean Tuan : "Un siècle chinois" (chez CLC Éditions) évoque le parcours de son père chinois arrivé en France en 1929, leur voyage en Chine en 1967 lors de la Révolution culturelle et les incroya...

à écrit le 09/03/2024 à 16:09
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Peut-être, je dis bien Peut-être que s'ils arrêtaient de soutenir la Russie, de faire des misères à Taïwan, de fermer les yeux sur la Corée du Nord et d'enfermer les Ouigours...Peut-être que nous serions plus enclins à commercer et investir dans une ...

le 09/03/2024 à 17:32
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@Valbel89. L'économie ne connaît pas les principes moraux! Croyez-vous que ces grands noms français allaient attendre votre bénédiction pour investir en Chine? Accor; Alstom; Airbus; Pierre Fabre; L'Oréal; Saint Gobain; Safran; Sanofi; Valeo; Pernod ...

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