La continuité tragique de la politique d’Israël

Le 4 novembre 1995, l’assassinat de Yitzhak Rabin sonnait le glas des espoirs de paix et le début de l’ascension de l’actuel Premier ministre, Benyamin Netanyahou.
Benyamin Netanyahou rend hommage à Yitzhak Rabin, le 10 novembre 2019, à Jérusalem.
Benyamin Netanyahou rend hommage à Yitzhak Rabin, le 10 novembre 2019, à Jérusalem. (Crédits : HEIDI LEVINE/POOL VIA REUTERS)

C'était il y a 28 ans. Le 4 novembre 1995, le Premier ministre Yitzhak Rabin était assassiné par un extrémiste juif, bras armé de l'extrême droite. L'homme politique de gauche payait le prix de sa signature au bas des accords d'Oslo avec celle de Yasser Arafat.

Aujourd'hui, l'armée israélienne s'enfonce dans Gaza pour détruire le Hamas, responsable, le 7 octobre, du pire massacre de Juifs depuis la Seconde Guerre mondiale. Et ce, sans que Benyamin Netanyahou, au pouvoir depuis seize ans, n'anticipe l'événement. Ce contraste des espoirs de paix passés et de la guerre présente reflète le destin des deux leaders, et deux visions de l'avenir d'Israël.

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Pour la première fois, les cérémonies prévues à la mémoire du faiseur de paix ont été annulées. « Il est difficile de commémorer quoi que ce soit, alors que le sort des otages est présent dans tous les esprits », résume Samy Cohen, directeur de recherche émérite au Ceri-Sciences-Po. De nombreuses voix s'élèvent pour réclamer le départ du Premier ministre, mais une majorité d'Israéliens estime que l'examen des responsabilités devra être reporté après la fin des combats. 55 % déclarent d'ailleurs faire davantage confiance aux militaires pour mener la campagne de Gaza.

« Le sursaut démocratique, né en début d'année avec la contestation contre la réforme judiciaire, ne va pas s'affaiblir avec la fin des opérations militaires, prédit Samy Cohen. En revanche, l'attaque terroriste que le pays a connue, qui ne visait qu'à exterminer des Juifs, porte un coup fatal au camp de la paix ».

Benyamin Netanyahou occupe le devant de la scène depuis 1996

Reste à savoir si une contestation émanant de la société civile sans relais politique peut devenir une alternative, d'autant que Netanyahou, animal politique, a prouvé par le passé sa capacité à manœuvrer pour se maintenir. « Le meurtre de Rabin est l'un des événements fondateurs ayant permis à l'actuel Premier ministre de s'accaparer, face à Shimon Pérès, le titre de "Monsieur Sécurité", sur lequel il a construit sa longévité politique », rappelle Shaul Arieli, ex-commandant de brigade dans la bande de Gaza. Un témoin de poids, puisqu'il a joué un rôle actif dans tous les processus de paix, qu'il s'agisse des accords d'Oslo, en 1993, ou de l'initiative de Genève, en 2003.

 C'est en effet depuis sa victoire en 1996 face à Shimon Pérès, candidat d'une gauche qui ne s'est jamais relevée de l'assassinat du leader travailliste, que Benyamin Netanyahou occupe le devant de la scène. « Depuis le 7 octobre, son camp plonge dans les sondages, mais aucun leader n'a émergé pour le remplacer », constate le colonel à la retraite, qui juge que l'actuel ministre du cabinet de guerre, Benny Gantz, n'a pas la stature d'un Premier ministre.

Ce vide n'est pas sans conséquence dans un pays meurtri par les massacres, et face à une guerre contre le Hamas qui s'annonce longue et difficile, sans véritable perspective politique pour l'avenir.

Statu quo

Deux semaines après le 7 octobre, Shaul Arieli a publié un long texte d'analyse dans le journal Haaretz sur les défaillances politiques et militaires du pouvoir. Il y pointe notamment comment, au fil des ans, Benyamin Netanyahou et ses partenaires « ont créé une fausse réalité dans l'esprit de la moitié du public israélien afin de justifier leurs politiques et leur vision, qui ont conduit, entre autres résultats, à la catastrophe du 7 octobre ». Il y rappelle notamment que « son comportement envers l'Autorité palestinienne en Cisjordanie et ses décisions lors des différentes opérations militaires contre le Hamas à Gaza ont mis à nu son objectif politique simple : retourner le plus rapidement possible dans sa zone de confort - une situation qu'il appelle à tort le "statu quo" qui lui a permis de se maintenir au pouvoir ».

Ce statu quo « reflète la profonde crainte du Premier ministre à l'égard de toute initiative diplomatique susceptible de mettre fin aux cycles d'escalades récurrents sous son règne », raille le colonel. Il a permis aux nationalistes messianiques de mettre en œuvre leur politique à son bénéfice : expansion des colonies, expansion de la présence juive à Jérusalem-Est, opposition à de véritables négociations avec Mahmoud Abbas... « Tout cela a abouti au renforcement du Hamas et à l'affaiblissement de l'Autorité palestinienne », juge Shaul Arieli en s'interrogeant sur l'avenir : « L'opinion publique israélienne trouvera-t-elle la maturité nécessaire pour rejeter cette fausse réalité ? »

Commentaire 1
à écrit le 05/11/2023 à 10:25
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En terme de massacre, personne n'a le monopole du pire...Israël inclus.

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