Faut-il voir un tournant dans le conflit entre la Russie et l'Ukraine après l'annonce des Pays-Bas et du Danemark de livrer des avions de chasse F-16 ? Le président ukrainien Volodymyr Zelensky semble le penser au point d'avoir déclaré dans la foulée de cette décision, qualifiée « d'historique » être « convaincu que la Russie allait perdre la guerre ».
Ce chasseur est en effet particulièrement performant : « son radar et ses systèmes d'armes peuvent être à la hauteur face au Sukhoi-35 et d'autres appareils russes », assure à l'AFP Gareth Jennings, expert militaire pour la société privée de renseignement britannique Janes. « Ils ne vont pas seulement reconstituer un inventaire terriblement appauvri » mais aussi aider Kiev « à réduire l'écart de capacité avec les appareils des forces russes les plus avancés ». Yuriy Ignat, un porte-parole de l'aviation ukrainienne, a évoqué lundi un besoin de 128 avions de chasse pour remplacer sa flotte vieillissante. Ces chasseurs permettront de « répondre aux différents défis et frapper différentes cibles, en particulier les avions, les cibles au sol et les cibles dans la profondeur ennemie », a-t-il précisé dans une interview à Radio Liberty Ukraine.
De plus, se félicite Volodymyr Zelensky, la Grèce « va participer à la formation de nos pilotes sur F-16 ». Cette formation, par une coalition de onze pays, a commencé, et des responsables ont dit espérer que les pilotes soient prêts d'ici début 2024.
Des délais de formation incompatibles « avec l'urgence du moment »
C'est bien là que le bât blesse. Pour de nombreux spécialistes, il faudra bien plus de temps pour que l'armée ukrainienne soit prête à maîtriser ces avions.
« Même si le personnel ukrainien a souvent excellé dans la formation et rempli des objectifs plus vite que prévu, la tâche est immense », explique à l'AFP Ivan Klyszcz, chercheur au Centre international pour la défense et la sécurité (ICDS), en Estonie. « D'autres questions restent ouvertes, comme l'entretien de l'appareil et l'acquisition de pièces détachées ».
Vendredi dernier, le général américain James Hecker, chef de l'aviation américaine en Europe, a évoqué des délais incompatibles avec l'urgence du moment. « Cela prend du temps pour bâtir quelques escadrons F-16 et les rendre suffisamment prêts, avec une compétence suffisamment élevée. Cela pourrait prendre quatre ou cinq ans », a-t-il déclaré, selon le site spécialisé The War Zone. Le professeur Justin Bronk, de l'institut britannique RUSI, craint pour sa part « une importante dépendance à l'égard des prestataires civils » pour superviser et assurer la formation au long cours des mécaniciens ukrainiens. « Cela augmente le risque politique que des prestataires occidentaux soient tués par des frappes russes. »
Un don à fort impact politique alors que les combats font rage
De plus, selon le Service de recherche du congrès américain « les deux camps ont utilisé des systèmes de défense aérien avancés qui ont limité les effets au combat » de l'aviation. L'objectif de part et d'autre est donc plus le déni d'accès - empêcher l'autre d'utiliser le ciel - que la conquête d'une domination qui serait aussi coûteuse qu'incertaine.
Reste l'impact politique de ce don qui est loin d'être neutre : « c'est une étape de plus dans le renforcement de l'aide militaire occidentale », analyse l'amiral Pascal Ausseur, directeur général de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques (FMES). « Si les Occidentaux avaient refusé, cela aurait donné l'impression que les Européens et les Américains faiblissaient dans leur soutien. Pour le rapport de force diplomatique qui se joue partout, et pour le terrain, c'est très important ».
La livraison attendue de ces F-16 peut en effet doper le moral des troupes alors que les combats font rage. La Russie a ainsi affirmé mardi matin avoir « détruit » un navire de reconnaissance ukrainien en mer Noire. Pour la cinquième journée consécutive, la Défense russe a également dit avoir abattu des drones ukrainiens dans la région de Moscou. Elle a aussi annoncé lundi soir la destruction de deux drones au large de la Crimée, péninsule ukrainienne annexée en 2014 par la Russie. Signe de l'âpreté des combats, le ministère ukrainien de la Défense a indiqué mardi que sa 47e brigade était entrée, après des semaines de combats, dans le village de Robotyne, qui n'est pas pour autant sous contrôle.
La Grèce prête à participer à la reconstruction de l'Ukraine Lors de la visite de Volodymyr Zelznsky, le chef du gouvernement grec a déclaré que son pays serait « présente dans l'effort titanesque de reconstruction de l'Ukraine », avec « un accent particulier sur Odessa ». La ville portuaire ukrainienne a en effet été, au début du XIXe siècle, le lieu de naissance d'une organisation révolutionnaire grecque secrète qui a contribué à déclencher la révolution de 1821 contre la domination ottomane en Grèce. Athènes a également proposé de reconstruire la maternité de Marioupol, bombardée l'année dernière. En avril 2022, Zelensky avait prononcé un discours télévisé lors d'une session spéciale du parlement grec pour demander de l'aide pour Marioupol et Odessa, deux villes ukrainiennes où vivent depuis des siècles d'importantes populations d'origine grecque.
(Avec AFP)