Au lendemain de l'annonce par Washington d'une levée temporaire des brevets sur les vaccins anti-Covid, Emmanuel Macron comme Vladimir Poutine se sont montrés favorables à cette proposition. L'Union européenne s'est, elle, dite « prête à discuter » du sujet et le projet s'invitera au sommet des 27 à Porto ce vendredi.
De quoi secouer les laboratoires - principaux détenteurs de ces brevets - qui craignent d'être privés d'une partie de leur revenus, même si la question d'une compensation est posée. Cette annonce a effectivement fait dévisser la majorité des prix des actions des laboratoires présents dans la course anti-Covid. Tous côtés au Nasdaq, l'action de l'Allemand BioNtech perdait 3,45% dans la journée du 5 mai (terminant à 170,77 dollars l'unité), l'américain Novavax perdait quant à lui près de 5% tandis que l'action Moderna terminait la journée du 5 mai à 162,84 dollars contre 173,59 la veille, selon Boursorama.
Seuls Pfizer et AstraZeneca restaient, pour l'instant, inébranlables face à cette proposition. Le PDG de Pfizer a indiqué à l'AFP qu'il n'était "pas du tout" en faveur de la levée des brevets.
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Une réponse face aux pénuries
Une ouverture du marché des vaccins qui intervient au moment où les pays pauvres manquent cruellement des précieuses doses, notamment en Inde, frappée par un record de 4.000 morts ces dernières 24 heures.
Cela porte le bilan total du pays, que les experts jugent largement sous-évalué, à plus de 230.000 morts et plus de 21 millions de cas. L'Inde recense actuellement plus de 380.000 cas par jour en moyenne (sur une moyenne de 7 jours mobiles), selon les données d'Our World in Data, contre moins de 20.000 il y a deux mois.
La levée temporaire des brevets sur les vaccins est notamment réclamée par l'Inde et l'Afrique du Sud pour pouvoir accélérer la production, mais certains pays y sont opposés.
« Il s'agit d'une crise sanitaire mondiale, et les circonstances extraordinaires de la pandémie du Covid-19 appellent à des mesures extraordinaires », a déclaré mercredi la représentante américaine au Commerce Katherine Tai. « L'administration (américaine) croit fermement aux protections de la propriété intellectuelle, mais pour mettre fin à cette pandémie, elle soutient la levée » des brevets sur les vaccins.
Le patron de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a salué sur Twitter une « décision historique ».
« L'UE est prête à discuter de toute proposition qui s'attaquerait à la crise de façon efficace et pragmatique » et « de la façon dont la proposition américaine peut permettre d'atteindre cet objectif », a réagi jeudi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Jusqu'à présent, l'UE ne se disait pas favorable, arguant que cette solution prendrait du temps, faute de moyens de production immédiatement mobilisables. Mais Bruxelles avait semblé récemment entrouvrir la porte.
L'opposition des laboratoires, le risque de la contrefaçon
Pour l'heure, les brevets sont détenus essentiellement par des laboratoires américains qui sont globalement opposés à leur levée car cela les priverait, selon eux, d'une manne financière pour des innovations coûteuses.
Sollicités par l'AFP, Johnson & Johnson, Pfizer et Moderna n'ont pas directement réagi à l'annonce américaine. Mais la Fédération internationale de l'industrie pharmaceutique (IFPMA) a jugé « décevante » cette annonce.
« Nous sommes totalement en phase avec l'objectif que les vaccins anti-Covid 19 soient rapidement et équitablement partagés dans le monde. Mais comme nous n'avons de cesse de le dire, une suspension est la réponse simple mais fausse à un problème complexe », a-t-elle expliqué.
Stephen Ubl, le président de la fédération américaine (PhRMA), a souligné que cette décision pourrait ainsi « affaiblir davantage les chaînes d'approvisionnement déjà tendues et favoriser la prolifération des vaccins contrefaits ». Selon lui, il faut plutôt s'attaquer au problème de la distribution et de la disponibilité « limitée » des matières premières.
Covax patine faute de financements
Exhortés par l'OMS à la solidarité, les ministres des Affaires étrangères du G7 (Etats-Unis, Japon, Canada, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie), réunis à Londres de lundi à mercredi pour leur première rencontre en personne en deux ans, ont notamment discuté des moyens d'augmenter leur assistance financière ou de partager leurs doses excédentaires pour aider les Etats démunis.
Car Covax, le système de partage avec les pays pauvres, qui se fournit principalement en sérums d'AstraZeneca, patine : il n'a livré que 49 millions de doses dans 121 pays et territoires, contre un objectif de deux milliards en 2021. Dans son communiqué final, le G7 a promis de soutenir financièrement Covax « pour permettre un déploiement rapide et équitable » des doses, sans cependant annoncer d'aide supplémentaire.
(Avec AFP)