Etats-Unis : la Réserve fédérale face au dilemme du resserrement de sa politique monétaire

Les marchés actions ont fortement baissé la semaine dernière, les investisseurs craignant un resserrement plus tôt que prévu de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine. Le message devrait se préciser - ou pas - lors du discours du président de la Fed, Jerome Powell en ouverture du symposium annuel de Jackson Hole (Wyoming), qui se déroulera du 26 au 28 août.
Robert Jules
Jerome Powell, président de la Réserve fédérale des Etats-Unis.
Jerome Powell, président de la Réserve fédérale des Etats-Unis. (Crédits : Reuters)

Dans quelques jours, du 26 au 28 août, se tiendra la grande messe annuelle des banquiers centraux dans la ville de Jackson Hole, dans l'Etat du Wyoming (Etats-Unis). Cette année, le discours introductif du président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, devrait faire l'objet d'une attention particulière de la part des décideurs économiques à travers le monde.

En effet, la publication la semaine dernière du compte rendu - les "minutes" - de la dernière réunion (27 et 28 juillet) du conseil de la Réserve fédérale américaine (​​FOMC- Federal Open Market Committee) indique que sur les 18 membres de l'institution, 13 étaient désormais favorables à une réduction progressive - le "tapering" - des achats d'actifs par l'institution et à un relèvement des taux à court terme d'ici la fin de 2023. En mars, ils n'étaient que 7 à le vouloir.

Coup de froid

Cette perspective a mis un arrêt à dix séances consécutives de hausse. Le coup de froid qui s'est abattu sur l'ensemble des marchés actions à travers le monde lors de la semaine écoulée montre la nervosité des investisseurs. D'autant que l'espoir d'une sortie rapide de la crise sanitaire grâce à la vaccination est remise en cause par la propagation du variant Delta.  "Les enquêtes d'opinion américaines montrent un net essoufflement du consommateur qui fait preuve de prudence face à la recrudescence des cas de Covid-19 et aux pressions inflationnistes. Ainsi, les intentions d'achat de voitures et d'immobilier issues de l'enquête du Michigan sont au plus bas depuis les années 1980", constatent les analystes de chez Edmond de Rothschild.

Lors de sa précédente réunion, en juin, le FOMC avait déjà indiqué que si son objectif d'inflation à 2% pouvait être dépassé au regard de l'évolution économique dans le contexte particulier de la crise sanitaire liée au Covid-19, sa "tolérance était limitée".

Autrement dit, l'institution n'hésiterait pas à agir si la progression de l'indice de référence, le CPI, progressait au-delà d'un certain seuil. Pour le moment, elle juge cette hausse des prix conjoncturelle en raison de goulets d'étranglement créés par le redémarrage rapide de l'économie que ce soit sur les matières premières (cuivre, bois...), les biens intermédiaires ou même des biens de consommation, dont l'offre peine à suivre. A titre d'illustration, le prix des véhicules d'occasion a bondi de 50% aux Etats-Unis en raison des retards importants dans la livraison des véhicules neufs.

Il n'en reste pas moins que le débat sur la persistance d'une inflation élevée reste d'actualité.

L'objectif du plein emploi

L'autre indicateur observé par la Fed est le marché du travail, avec l'objectif du plein emploi. Si l'économie américaine commençait à être en surchauffe, la Fed agirait en réduisant son Quantitative easing (QE). Mais on en est loin. "Malgré les bonnes surprises du mois de juillet, la situation du marché de l'emploi reste insatisfaisante", souligne l'économiste Véronique Riches-Flores. "Plus de 5 millions d'emplois manquent encore à l'appel par rapport à l'avant-crise, un choc qui n'a d'égal que celui de la crise financière de 2008", rappelle-t-elle.

Dans ces conditions, pourquoi les marchés financiers font-ils preuve d'une aussi grande nervosité ? En raison précisément des messages qu'envoient la Fed. La question n'est plus tant de savoir s'il va y avoir un resserrement de la politique monétaire mais quand il aura lieu. "La réduction progressive des taux d'intérêt ne devrait exercer aucune influence sur les marchés", affirme pour sa part Garrett Melson, gérant de portefeuille chez Natixis Investment Managers Solutions. "Tout le monde sait que cela arrivera. Peu importe que cela ait déjà été annoncé ou non, car cela fait des mois que l'on sait que cela se profile à l'horizon. La Fed a accompli exactement ce qu'elle avait annoncé. Elle a donné beaucoup de préavis. Elle s'oriente doucement vers un retrait progressif, avec un intervalle plus long entre l'annonce et le début effectif d'un retrait lent et mesuré", commente-t-il.

"Le débat sur une éventuelle hausse de taux n'a pas lieu d'être pour le moment. Il se posera sérieusement en 2022, pas avant. Compte tenu de la séquence de normalisation - stopper le QE avant de monter les taux -, la fenêtre pour une première hausse de taux ne s'ouvrirait dans le scénario le plus agressif qu'au deuxième semestre 2022, mais plus vraisemblablement en 2023", anticipe pour sa part Bruno Cavalier, économiste chez Oddo Securities.

La réduction du programme de rachats d'actifs qui permet de maintenir les taux longs bas pour soutenir les économies est en effet la première étape. Aujourd'hui, la Fed achète chaque mois quelque 80 milliards de dollars de dette de l'Etat et 40 milliards de dollars de titres adossés à des créances hypothécaires. En 2020, la Réserve fédérale a effectué des achats équivalant à 11 % du PIB américain, la Banque d'Angleterre 14 % du PIB britannique et de nombreuses autres banques du G7 pour environ 10 % du PIB national.

Une  réduction de ce programme freinerait-il la reprise économique? "L'impact macroéconomique s'annonce à première vue assez minime", estime Bruno Cavalier. Il souligne que "lors de la réunion du 27 et 28 juillet le staff de la Fed a noté que ces achats agissent surtout par un effet-stock (la taille du bilan de la Fed) plus que par un effet flux (les achats mensuels). Le tapering est un problème de flux (date et rythme de diminution des achats) mais il ne s'agit en aucun cas de diminuer le bilan, soit par des ventes de titres, soit par le non-réinvestissement des titres arrivant à maturité."

Attentisme

Dans ces conditions, la réunion de cette fin de semaine devrait faire preuve d'attentisme tant les inconnues restent nombreuses, notamment celles soulevées par les conséquences de la propagation du variant Delta. "Jackson Hole ne sera sans doute pas le rendez-vous attendu. Jerome Powell a besoin de plus de temps, le rapport sur l'emploi d'août notamment. La situation en Afghanistan est un argument additionnel en faveur de la prudence. La Fed attendra a minima le FOMC de septembre pour pré-annoncer un tapering plus vraisemblablement pour 2022 que d'ici à la fin de l'année", estime Véronique Riches-Flores.

Les révisions à la baisse des projections de croissance mondiale incite en effet à la prudence. Le rythme de la reprise économique pourrait mettre plus de temps que prévu à accélérer. La crise sanitaire a plongé nombre de travailleurs dans la pauvreté. C'est d'ailleurs le thème de la réunion de Jackson Hole cette année : "La politique économique et la hausse des inégalités".

Robert Jules
Commentaires 5
à écrit le 24/08/2021 à 12:29
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Il semblerait que l'instrument financier préféré de la Fed soit la flûte... Comment imaginer des ponctionnaires socialistes briser volontairement l'économie américaine gonflée à la dette?

à écrit le 23/08/2021 à 12:44
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Ceux qui détruisent le monde.en ronflant doivent craindre surtout cette fin annoncée par la Chine et les États-Unis d'une mondialisation débridée. Mais.bon les banques centrales devraient encore plus les arroser de liquidités les réconfortant de nouv...

à écrit le 23/08/2021 à 8:53
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Les dirigeants de la FED et de la BCE sont des irresponsables, mais je suis content que cette gabegie de l'argent facile finisse par prendre fin, j'en avait marre, de l'arrogance de ces gens là

à écrit le 23/08/2021 à 8:31
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quel dilemne? ils ont rendu l'argent gratuit en assechant le marche secondaire, ca va tres mal finir et y a un dilemne? c'est bien plus tot qu'il aurait fallu arreter les conneries

à écrit le 23/08/2021 à 5:01
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Une revision serieuse des taux US est inevitable.

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