Fuites sur les gazoducs Nord Stream : la présidente de la Commission européenne parle de sabotage

Controversés et hors service à cause de la guerre en Ukraine, les gazoducs Nord Stream reliant la Russie à l'Allemagne ont été tous deux subitement touchés par des fuites inexpliquées en mer Baltique. Des bouillonnements allant jusqu'à 1.000 mètres de diamètre ont été observés à la surface de l'eau. Si les causes de ces incidents ne sont pas encore connues, la Suède et le Danemark, mais aussi Bruxelles évoquent un sabotage. L'Ukraine aussi et accuse Moscou.
Les trois grandes fuites dans les gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique sont visibles mardi à la surface avec des bouillonnements allant de 200 jusqu'à 1.000 mètres de diamètre.
Les trois grandes fuites dans les gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique sont visibles mardi à la surface avec des bouillonnements allant de 200 jusqu'à 1.000 mètres de diamètre. (Crédits : Reuters)

Des fuites constatées sur les deux gazoducs Nord Stream 1 et 2 qui relient la Russie à l'Europe par la mer Baltique, d'une ampleur telle qu'elles provoquent des bouillonnements énormes d'un kilomètre de diamètre ; deux explosions sous-marines mesurées avant l'apparition des fuites..., le scénario d'un sabotage russe est forcément dans tous les esprits une semaine après les menaces à l'égard de l'Occident de Vladimir Poutine. Pour l'Ukraine il n'y a aucun doute. Ces fuites sont le résultat d' « une attaque terroriste planifiée » par Moscou « contre l'Union européenne », selon les mots du conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak. Pour lui, la Russie « veut déstabiliser la situation économique en Europe et semer la panique avant l'hiver », sur fond de craintes d'une crise énergétique sans précédent en Europe dans les prochains mois.

Plus tard dans la soirée de mardi, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a elle aussi estimé mardi que les fuites sur les gazoducs Nord Stream en mer Baltique étaient un « acte de sabotage », mais elle s'est bien gardée d'accuser Moscou.

« J'ai parlé de l'acte de sabotage Nord Stream à (la Première ministre danoise Mette) Frederiksen », a écrit Mme von der Leyen sur Twitter. « Il est primordial d'enquêter sur les incidents et de faire toute la lumière sur les événements et leurs causes. Toute perturbation délibérée de l'infrastructure énergétique européenne active est inacceptable et entraînera la réponse la plus ferme possible », a-t-elle ajouté.

Le gazoduc Nord Stream 1 reliant la Russie à l'Allemagne est touché par deux fuites de gaz inexpliquées en mer Baltique, ont indiqué mardi les autorités danoises et suédoises, au lendemain de l'annonce d'une fuite dans le gazoduc parallèle Nord Stream 2. Faisant l'objet d'un bras de fer géopolitique, les deux gazoducs exploités par un consortium dépendant du géant russe Gazprom ne sont pas opérationnels à cause des conséquences de la guerre en Ukraine. Mais tous les deux étaient encore remplis de gaz.

Les trois grandes fuites, situées au large de l'île danoise de Bornholm, dans les gazoducs sont visibles à la surface avec des bouillonnements allant de 200 jusqu'à 1.000 mètres de diamètre, a annoncé l'armée danoise, images à l'appui. Une des fuites sur Nord Stream 1 s'est produite dans la zone économique exclusive du Danemark, l'autre dans celle de la Suède. En fin de soirée, lundi, l'opérateur du gazoduc Nord Stream 1 avait fait état d'une baisse de pression dans ce pipeline.

« Le plus grand (bouillonnement) agite la surface sur un bon kilomètre de diamètre. Le plus petit fait un cercle d'environ 200 mètres » de diamètre, explique l'armée danoise.

Quant à la ou les causes de ces incidents, « il est trop tôt pour dire quelque chose », a indiqué le ministre danois du Climat et de l'Energie, Dan Jørgensen, dans un communiqué adressé à l'AFP. Il précise d'ailleurs que ces événements « n'ont aucune incidence sur l'approvisionnement du Danemark ». Mais le haut responsable a annoncé relever le niveau de vigilance du secteur de l'électricité et du gaz dans le pays nordique.

Le Danemark a dépêché sur place deux navires militaires accompagnés d'hélicoptères, tandis que le gouvernement suédois a convoqué une réunion d'urgence mardi soir.

Deux explosions sous-marines près des gazoducs

D'après l'institut sismique suédois, deux explosions sous-marines, « très probablement dûes à des détonations », ont été enregistrées à proximité des sites des fuites des gazoducs Nord Stream 1 et 2 peu avant leur détection. Une première « émission massive d'énergie » d'une magnitude de 1,9 a été enregistrée dans la nuit de dimanche à lundi à 2h03, heure locale (et heure de Paris) au sud-est de l'île danoise de Bornholm puis une autre de magnitude 2,3 à 19h04 lundi soir au nord-est de l'île, a expliqué à l'AFP Peter Schmidt, du Réseau national sismique suédois. « Nous l'interprétons comme provenant avec la plus grande probabilité d'une forme de détonation », a-t-il dit.

De son côté, l'exploitant des pipelines, le consortium Nord Stream, a indiqué ne pas avoir pu voir ni évaluer les dégâts, mais a reconnu le caractère exceptionnel de la situation. « Un incident durant lequel trois tuyaux éprouvent simultanément des difficultés le même jour n'est pas ordinaire », a déclaré un porte-parole à l'AFP. Selon une source proche du gouvernement allemand, citée par le quotidien allemand Taggesspiegel « tout parle contre une coïncidence ». « Nous ne pouvons pas imaginer un scénario qui ne soit pas une attaque ciblée.»

Refusant de « spéculer » sur les causes de ces fuites, un porte-parole du Conseil de sécurité nationale la Maison Blanche a déclaré : « Nos partenaires européens mènent l'enquête. Nous sommes prêts à soutenir leurs efforts ». « Cela illustre l'importance de nos efforts conjoints pour trouver des approvisionnements de gaz alternatifs pour l'Europe » a-t-il ajouté.

De son côté, le porte-parole du Kremlin s'est dit mardi « extrêmement préoccupé » par ces fuites détectées sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2, estimant qu'il ne fallait exclure « aucune » hypothèse, y compris celle d'un sabotage. « Aucune option ne peut être écartée.»

Pas de risque sanitaire ni environnemental

Selon les autorités, les incidents sont sans conséquences pour la sécurité ou la santé des résidents des îles danoises voisines de Bornholm et de Christiansø. L'impact environnemental devrait lui être local et limité, selon les premières évaluations.

La navigation a néanmoins été interdite dans un rayon de cinq milles nautiques (environ neuf kilomètres) autour des trois fuites, ainsi que leur survol pour les avions au-dessus de la zone dans un rayon d'un kilomètre.

Le pipeline Nord Stream 2, construit en parallèle au gazoduc Nord Stream 1, était destiné à doubler la capacité d'importation de gaz russe en Allemagne. Le chantier était quasiment terminé, mais l'autorisation d'exploitation a été bloquée par le gouvernement allemand en février, juste avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Le pipeline avait néanmoins été « préparé techniquement » et « rempli de gaz », a expliqué Ulrich Lissek, porte-parole de la société Nord Stream 2.

Le géant russe Gazprom avait réduit drastiquement ses livraisons de gaz ces derniers mois vers l'Allemagne à travers ce gazoduc, avant de les arrêter totalement. L'Allemagne, qui s'approvisionnait à 55% en Russie avant la guerre, doit donc se fournir ailleurs, à des prix beaucoup plus élevés.

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ZOOM- Pays-Bas : une « quantité minimale » de gaz sera extraite du gisement de Groningue

Les Pays-Bas ont annoncé lundi qu'une « quantité minimale » de gaz sera extraite à partir du mois prochain du gisement dans la région de Groningue (nord), qui connaît fréquemment des tremblements de terre en raison de son exploitation. Le gouvernement néerlandais a précisé vouloir fermer définitivement le robinet « à l'automne 2023, au plus tard d'ici 2024 », mais « si la situation géopolitique le permet ». Autrement si la Russie ne ferme pas complètement le robinet de gaz vers l'Europe pendant une période plus longue.

Même en cas de coupure du robinet russe, les Pays-Bas ne n'attendent pas à une pénurie de gaz au cours de l'hiver prochain, mais ils se préparent à l'éventualité, selon le gouvernement. Le gisement sera donc à partir du 1er octobre sur « flamme pilote » : une « quantité minimale de gaz sera extraite », soit 2,8 milliards de mètres cubes pour l'année gazière à venir. Cela représente aussi la quantité minimale de gaz à extraire pour faire fonctionner les sites et les infrastructures existants afin que le gisement soit « une ressource de réserve pour des situations exceptionnelles », a souligné l'exécutif.

L'année précédente, 4,5 milliards de mètres cubes avaient été extraits du gisement. En 2017-2018, plus de vingt milliards de mètres cubes avaient été extraits. Depuis 1986, les habitants de la région bordant le plus grand gisement de gaz naturel d'Europe ont subi une série de séismes dus aux poches de vide formées lors de l'extraction de gaz. Les Pays-Bas avaient en 2020 prévu la coupure définitive du robinet en 2022 mais, « en raison de la situation géopolitique incertaine, aucun lieu de production ne fermera en hiver ». L'exécutif a à nouveau souligné lundi, deux jours après qu'un séisme de magnitude 2,7 a été ressenti dans un village à proximité du gisement, que son exploitation ne sera ré-envisagée « seulement s'il n'y a vraiment pas d'autre moyen ».

(avec AFP)

Commentaires 21
à écrit le 29/09/2022 à 3:39
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Qui ne voulait pas que l'Allemagne s'approvisionne en Russie ,qui a tout fait pour que le gazoduc ne vois pas le jour .Qui a des intérêts pour que l'Europe achète ses énergies autre part .Qui a convoqué il y a quelques jours un président européen ...

à écrit le 28/09/2022 à 23:51
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C est drôle depuis le début du conflit je m attendais a un sabotage russe des pipelines ou du câble internet reliant l Europe aux usa …. Voilà déjà une case cochée…

à écrit le 28/09/2022 à 22:39
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Excellent article du Courrier des Stratèges qui présente une toute autre version en identifiant les éléments us sur zone les jours précédents, "L’Allemagne capitule face à la destruction américaine de sa puissance économique et politi...

à écrit le 28/09/2022 à 22:36
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Ça sent l'gaz cette affaire. Ça craint du boudin.. pas tout à fait dans les cordes de francs tireurs esseulés. Donc pour que la situation soit bien irréversible les usa ? l'otan ? Pologne ? Pays baltes ?.. Ukraine très compliqué, Russie ce serait pl...

à écrit le 28/09/2022 à 18:34
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C'est de bonne guerre et l’hiver arrive et avec lui le général hivers et les militaires qui viennent du froid.. Nos démocraties sont très fragiles..

à écrit le 28/09/2022 à 16:44
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"L'Allemagne, qui s'approvisionnait à 55% en Russie avant la guerre, doit donc se fournir ailleurs, à des prix beaucoup plus élevés." 18 aout : La Commission européenne a accepté la demande de l'Allemagne de baisser temporairement son taux de ta...

à écrit le 28/09/2022 à 11:00
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en fait la grande question à se poser est : à qui profite le crime ? Sachant que : "Qui contrôle la nourriture contrôle les populations, qui contrôle l'énergie contrôle les nations et celui qui contrôle la monnaie contrôle le monde." (Henry Kissinger...

à écrit le 28/09/2022 à 5:39
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Chercher à qui profite le crime. De fait, aux USA, qui frapperaient ainsi l'Europe et la Russie en même temps.

le 28/09/2022 à 15:18
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ou est le probleme puisque tous refuse le gaz venant de russie ou il se remplisse les poches en cachette avec ce gaz ce n'est pas tres clair et en plus mme von der leyen on s'en tape elle n'est pas une elue ces gesticulations non aucune importanc...

à écrit le 27/09/2022 à 19:43
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les 3 candidats coupables sont les US, Les anglais ou les polonais, c'est à dire ceux qui se sont opposés le plus fortement à l'ouverture de NS2! Donc un de ces pays vient de déclarer une certaine forme de guerre hybride à l'Allemagne (et nous aussi ...

à écrit le 27/09/2022 à 18:53
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Poutine va accuser un pays vosiin ( petit de préférence) qui veut rejoindre l'OTAN et ensuite il déroule son plan foireuw: invasion, punition, élection bidon et annexion forcée... . A qui le tour?

le 28/09/2022 à 7:55
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Les pipelines étaient la principal source de revenus de la Russie. C'est pourquoi elle avait menacé l'Ukraine de graves représailles si elle s'y attaquait. Il n'y avait aucune raison pour que la Russie détruise son principal levier de chantage. Enven...

à écrit le 27/09/2022 à 18:32
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Bonjour, Pour ma part je crois plutôt du sabotage . Mais bon la bonne question est de savoir à qui profite la destruction du gazoduc Nord stream 2 dans tous les cas nous attendons les résultats de l'enquête ... Elle aura sûrement lieu sur cette inci...

à écrit le 27/09/2022 à 18:20
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À la limite on s'en fou ,nous avons banni la Russie ,l'Europe n'achète plus rien à la Russie surtout pas le gaz ! À moins que ....

à écrit le 27/09/2022 à 16:56
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A qui profite le crime ? Suivez l'argent et les intermédiaires ! Ce n'est pas politique au sens propre !

à écrit le 27/09/2022 à 16:51
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Les Russes continuent à se tirer dessus ?

à écrit le 27/09/2022 à 16:02
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J'attends une réaction indignée des partis "écologistes" européens qui prétendent que le gaz est une énergie "verte".

à écrit le 27/09/2022 à 12:40
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La thèse de l'accident est à privilégier au regard de la combustion spontannée de Notre-Dame...

à écrit le 27/09/2022 à 11:15
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A qui profite le crime? Pas aux allemands bien sûr, pas aux européens, et pas aux russes...

le 27/09/2022 à 14:45
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C'est juste : c'est sûrement un coup des Chinois ;-)

à écrit le 27/09/2022 à 8:00
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Coquille sur le titre "Le gazoduc Nord Stream 1 touché par une fuite" non, le 2 pas ouvert mais rempli

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