Les étrangers foulant le sol russe devront peut-être faire attention à ce qu'ils disent. L'agence de presse publique TASS a en effet indiqué ce mercredi 29 novembre qu'un projet de loi les obligeant à signer un « accord de loyauté » serait dans les cartons du ministère russe de l'Intérieur.
« L'accord de loyauté, c'est une autorisation des autorités de la Fédération de Russie pour laisser entrer un citoyen étranger en Russie et l'accord d'un citoyen étranger entrant en Russie pour respecter des interdictions instaurées afin de défendre les intérêts nationaux de la Russie », précise le document consulté par TASS.
Le Kremlin a, lui, refusé de se prononcer sur cette initiative. « Nous n'avons aucun commentaire à faire », a déclaré ce mercredi lors de son briefing quotidien, Dmitri Peskov, porte-parole de la présidence russe.
Panoplie d'interdictions
Le document liste toute une série d'obligation. Ainsi, un citoyen étranger signant cet accord n'aura notamment pas le droit pendant son séjour de « discréditer, sous toute forme, la politique extérieure et interne de la Russie ». Il sera également interdit « d'abuser du droit de la liberté d'information, notamment en diffusant des informations visant à déprécier ou à nier des valeurs morales importantes inscrites dans la Constitution ». Ces « valeurs » à ne pas critiquer concernent notamment « l'idée du mariage comme l'union entre un homme et une femme » (inscrite dans la Constitution depuis 2020).
Les étrangers signant ce document auront également l'interdiction de diffuser des informations faisant « la propagande de relations sexuelles non-traditionnelles » ou visant « à déformer la vérité historique sur l'exploit du peuple soviétique » dans « sa contribution à la victoire sur le fascisme » lors de la Seconde guerre mondiale.
Le texte prévoit aussi d'interdire aux étrangers arrivés en Russie d'appeler à la modification ou à l'introduction de lois, ou d'avoir une « attitude négligente » envers l'environnement et les « valeurs matérielles et culturelles » du pays, toujours selon TASS.
L'agence TASS ne précise pas quelles sanctions seraient possibles en cas de violation de cet accord. Pour l'heure, le texte n'a pas été soumis à la Douma, la chambre basse du Parlement, en vue d'une adoption.
Taire toutes les voix dissidentes
Depuis le début de son offensive en Ukraine en février 2022, le pouvoir russe a renforcé la répression de toute voix dissidente. Ce serait toutefois la première fois qu'il viserait des citoyens étrangers.
Jusqu'à présent, seuls les citoyens russes étaient concernés. Ainsi, la quasi-totalité des opposants d'envergure sont en prison ou en exil à l'étranger. La semaine dernière, par exemple, la justice russe a classé « agent de l'étranger » l'ex-Premier ministre Mikhaïl Kassianov, devenu opposant au pouvoir, et qui a quitté la Russie en dénonçant la guerre en Ukraine. Ce statut impose aux personnes ou entités visées de lourdes contraintes administratives, dont un contrôle régulier de leurs sources de financement. Il impose également d'accompagner obligatoirement toute publication, y compris sur les réseaux sociaux, du label « agent de l'étranger ».
Les autorités russes s'en prennent aussi à « monsieur et madame tout le monde », quel que soit l'âge. Des centaines de Russes, accusés d'avoir « discrédité » l'armée russe, ont notamment été poursuivis. Le procès d'un étudiant de 18 ans, le plus jeune Russe jugé pour avoir diffusé de « fausses informations » sur l'armée russe, a d'ailleurs débuté ce lundi. Maxime Lypkan risque jusqu'à 10 ans de prison en raison d'avoir prévu d'organiser une action de protestation contre l'offensive russe en Ukraine.
Un cas loin d'être isolé. Alexandra Skotchilenko, une artiste russe de 33 ans, est en détention provisoire depuis 18 mois. Elle a été arrêtée en avril 2022 pour avoir remplacé les étiquettes de prix sur des produits dans un supermarché par des messages dénonçant l'invasion russe en Ukraine. Elle pourrait être condamnée, elle aussi, à 10 ans de prison.
(Avec AFP)