Le temps des diplomates

Les premiers camions d’aide humanitaire sont entrés dans Gaza. Le chef d'État français mène d’importantes tractations pour tenter notamment de libérer les otages français, avant un déplacement dans la région.
(Crédits : KEROLOS SALAH / AFP)

Emmanuel Macron prépare sa tournée au Proche-Orient. Hier, il a échangé avec le roi Abdallah II de Jordanie. Avant-hier, il a conversé avec, entre autres, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed Ben Salmane, l'émir du Qatar, le président égyptien mais aussi Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne. À chacun, il a pu répéter la position d'équilibre de la France : « Condamnation sans équivoque des attaques terroristes, résume-t-on à l'Élysée, droit pour Israël de se défendre, et dans le même temps nécessité de protéger les civils à Gaza et de faire respecter le droit international humanitaire. Enfin, agir pour éviter l'extension du conflit et mettre fin dès que possible à cette période de violence tout en ouvrant un horizon politique. »

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L'une des parties les plus délicates qu'Emmanuel Macron ait eu à jouer depuis son élection, tant la situation au Proche-Orient peut avoir des répercussions sur notre sol. Les autorités attendent avec appréhension les nouvelles manifestations propalestiniennes prévues cet après-midi dans toute la France. D'autant que les débats au Parlement sur le sujet, lundi et mardi, risquent de raviver les joutes politiques. Sur le front extérieur, le chef de l'État l'a lui-même concédé devant des journalistes vendredi soir, il n'est absolument pas certain de pouvoir être efficace. « En fonction des discussions que je poursuivrai durant les prochains jours, j'envisagerai un déplacement. Simplement, je veux pouvoir essayer d'obtenir des choses utiles. Il dépendra des échanges que j'aurai dans les prochaines heures, les prochains jours avec tous les dirigeants de la région », a-t-il confié tout en reconnaissant : « On fait tout pour éviter l'escalade, mais la situation sécuritaire demeure par définition instable, car elle est à un niveau de tension et de pression très élevé. »

La France dirige une partie de ses efforts en direction du Liban, en faisant passer par le biais de son ambassadeur des « messages de modération » au Hezbollah.

Un des buts inavoués de ce ballet diplomatique est de retarder au maximum l'entrée de l'armée israélienne dans Gaza. « De toute manière, observe une source française au fait du sujet, opérationnellement, les Israéliens ne sont pas sûrs du tout de réussir. Et intervenir, oui, mais avec quelle finalité ? Ils ne vont pas occuper Gaza pendant des années. » De son côté, l'Élysée, accusé d'avoir délaissé la question palestinienne, insiste sur les aides accordées : 95 millions d'euros en 2022 et l'acheminement annoncé vendredi de médicaments par avion dans les plus brefs délais.

Emmanuel Macron s'active aussi pour libérer les otages français, dont le nombre exact reste à ce jour totalement inconnu. « Nous avons au total sept disparus. La jeune Mia Shem est la seule dont le statut d'otage est confirmé, a encore confié Emmanuel Macron. Pour les six autres, il y a une présomption de prise d'otage mais sans certitude. ». Vendredi soir, Joe Biden a affirmé être « au comble de la joie » après la libération par le Hamas de deux citoyennes israélo-américaines par l'entremise du Qatar. Le président français assure activer les mêmes canaux : « Les discussions que nous avons avec les services et avec les autorités israéliennes, et à travers divers contacts par le truchement du Qatar notamment, nous maintiennent dans l'espoir que nous pourrons trouver des solutions pour sortir le maximum d'otages. »

Sommet pour la paix au Caire

La libération des premières prisonnières était certainement dans les têtes de tous les dirigeants présents au Caire hier pour un « sommet pour la paix ». Premier État à avoir signé la paix avec Israël en 1979 et pays frontalier de la bande de Gaza, l'Égypte veut jouer un rôle de médiateur entre les Israéliens et les Palestiniens. Mais difficile d'attendre autre chose que des exhortations alors qu'autour de la table Israéliens et Iraniens étaient absents. Les dirigeants arabes ont plaidé pour un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, et ont appelé à trouver une solution politique à soixante-quinze ans de conflit.

Alors que l'opération terrestre promise par Tel-Aviv en représailles aux attaques terroristes du Hamas n'a pas commencé, et que les objectifs précis de Tsahal font l'objet de débats en Israël, l'urgence pour les Occidentaux et les pays arabes est d'aider la population de Gaza prise au piège des bombardements. « L'attaque barbare du Hamas doit être condamnée [mais elle] ne peut pas être un prétexte à une punition collective du peuple palestinien », a d'ailleurs a rappelé vendredi António Guterres, le secrétaire général de l'ONU. Depuis douze jours, les Gazaouis vivent un siège total de la part d'Israël, qui n'a aucune intention d'ouvrir Kerem Shalom et Erez, les deux points de passage qu'il contrôle avec la bande de Gaza. La pression s'exerçait donc sur l'Égypte, qui gère avec Gaza le poste frontière de Rafah.

Après des jours de tractations entre Tel-Aviv, Washington, Le Caire et l'ONU, des tonnes d'aide humanitaire ont pu pénétrer hier dans le territoire palestinien. Des vivres, des médicaments, 44 000 bouteilles d'eau. Un soulagement, mais ces 20 camions représentent à peine une goutte d'eau pour les 2,3 millions habitants : soit un camion pour 100 000 habitants. D'autant qu'avant la guerre une centaine de camions transitaient chaque jour par le poste de Rafah. Faute de pouvoir développer des industries, le territoire ne produit en effet que 10 % de son alimentation. Le reste doit être importé ou est distribué par les organisations alimentaires.

« Il faut agir maintenant pour mettre fin au cauchemar », a exhorté le secrétaire général de l'ONU au sommet du Caire. Faute de carburant - qu'Israël refuse toujours de laisser entrer -, les usines de désalinisation de l'eau de mer sont à l'arrêt. Les habitants boivent de l'eau saumâtre remontée des puits agricoles. L'OCHA, le bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU, craint d'ailleurs des épidémies de maladies infectieuses. Dans cinq jours, les rares boulangeries qui peuvent encore fonctionner ne disposeront plus de farine de blé. Débordés, en manque de médicaments, les hôpitaux sont au bord de l'effondrement.

Hier midi, la barrière du poste-frontière de Rafah s'est refermée après le passage d'une première aide humanitaire. Rien ne devrait traverser aujourd'hui. ■

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