Les banques afro-américaines au secours des minorités rejetées par les banques classiques

Implantées dans les quartiers défavorisés, les banques communautaires fondées ou gérées par les Afro-Américains allient services financiers, mission de service public et activisme, conscientes qu'elles sont l'ultime recours pour éviter l'exclusion des minorités du système financier.
Les banques communautaires créées ou gérées par des Afro-Américains ont émergé après la Grande Dépression et ont accéléré leur développement dans les années 1950 et 1960 en parallèle avec le mouvement des droits civiques aux États-Unis.
Les banques communautaires créées ou gérées par des Afro-Américains ont émergé après la Grande Dépression et ont accéléré leur développement dans les années 1950 et 1960 en parallèle avec le mouvement des droits civiques aux États-Unis. (Crédits : Reuters)

Ernisha Randolph fait partie des innombrables Afro-Américains qui se sont vu refuser à plusieurs reprises un crédit, en dépit du fait qu'elle n'avait ni incidents de paiements, ni dette ni découvert.

Il y a un peu plus de sept ans, sa société de prestations de service traiteur, Juanita's Kitchen, a remporté un contrat avec le gouvernement, ce qui lui garantissait des revenus pendant trois ans.

Mais pour remplir ses obligations, elle devait augmenter les capacités et a par conséquent déposé une demande de crédit auprès de la banque Wells Fargo.

"J'ai demandé un prêt de 50.000 dollars. On me l'a refusé. J'ai alors demandé 25.000 dollars. Rien", narre-t-elle à l'AFP.

Lasse, elle s'est tournée vers OneUnited, une banque communautaire assumant servir principalement les Afro-Africains.

Avec le soutien de OneUnited, Ernisha a transformé, à Miami, son activité de traiteur en un mini-empire de la restauration, Sweet Butter Hospitality Group, comprenant un restaurant, Shucking and Jivin, qui devrait survivre à la pandémie de coronavirus, pourtant dévastatrice pour les commerces de proximité et les PME.

"Nous ne savions pas que des banques détenues par des Afro-Américains existaient. Je leur suis très reconnaissante", raconte cette femme d'affaires.

Les récentes manifestations contre les violences policières après la mort de George Floyd, un Afro-Américain de 46 ans aux mains de la police, ont mis en exergue les disparités économiques et les discriminations affectant les minorités visibles, comme l'accès aux services financiers.

Lire aussi : Des actes et non des mots: les patrons américains face aux tensions raciales

"Qui le ferait ?"

Les banques fondées ou gérées par les Afro-Américains constituent le plus souvent leur salut.

Implantées dans les quartiers défavorisés, elles allient services financiers, mission de service public et activisme, conscientes qu'elles sont l'ultime recours pour éviter l'exclusion des minorités du système financier.

"Nos services sont conçus pour notre communauté", raconte Teri Williams, directrice des opérations de OneUnited. "Si vous allez dans une banque classique on vous parlera de prêt pour jouer au golf ou acheter un bateau. Nous, nous proposons aux clients de pouvoir avoir accès à leur salaire deux jours avant que celui-ci ne soit versé; nous sommes activistes; nous soutenons [le mouvement] Black Lives Matter" [Les vies noires comptent]".

Michael Pugh, PDG de Carver Federal Savings Bank, qui dispose d'agences dans les quartiers populaires de New York, affirme que "80 cents de chaque dollar mis sur un compte d'épargne sont réinvestis dans nos communautés via des crédits accordés aux commerces et entreprises détenus par des minorités visibles et des femmes".

"Si nous ne le faisions pas qui le ferait ?" interroge-t-il.

Si les critères d'ouverture d'un compte épargne ou d'octroi des prêts sont quasi similaires à celles des banques traditionnelles, ces établissements offrent en revanche toute une série de services allant des ateliers de formation financière à des séances de coaching.

"Si nous ne pouvons octroyer un crédit nous disons à la personne ce qu'elle doit améliorer pour que nous disions 'oui' la prochaine fois", explique le patron d'Industrial Bank Doyle Mitchell, tout en ajoutant que les taux d'intérêt de la firme sont "très compétitifs".

Amendes

Les banques communautaires créées ou gérées par des Afro-Américains ont émergé après la Grande Dépression et ont accéléré leur développement dans les années 1950 et 1960 en parallèle avec le mouvement des droits civiques aux États-Unis. À l'époque, les Afro-Américains étaient exclus des programmes publics favorisant l'accès à la propriété et au crédit.

"C'était le seul lieu où un Afro-Américain pouvait emprunter de l'argent pour acheter une voiture, démarrer une entreprise, acheter une maison", rappelle Doyle Mitchell, dont le grand-père a fondé Industrial Bank en 1934, avec des compagnons, dans la capitale fédérale Washington.

Quatre vingt-six ans ans plus tard, il explique que les banques communautaires noires n'ont jamais aussi été demandées car l'accès au crédit a été durci après la crise financière de 2008, provoquée par les crédits immobiliers subprimes écoulés par les banques classiques notamment auprès des Afro-Américains.

Lire aussi : « Aux États-Unis, les banques sous-estiment la catastrophe à venir »

Donnell Williams, président de Nareb, association de courtiers et agents immobiliers afro-américains, juge que les nouvelles conditions s'assimilent à "une taxe anti-Afro-Américains", ce qui explique que moins de la moitié (44%) était propriétaire au premier trimestre.

Or "le logement sert le plus souvent de collatéral pour sécuriser un prêt bancaire afin de financer une création d'entreprise ou pour en développer une", dit-il.

Les minorités visibles ont de fortes chances de se voir refuser un crédit immobilier classique, selon une enquête de 2018 du Center for Investigative Reporting.

Cette situation est à l'origine d'enquêtes qui ont valu des amendes de plusieurs millions de dollars, lors des trois dernières années, à Bank of America, JPMorgan Chase et Wells Fargo.

Commentaires 3
à écrit le 09/06/2020 à 8:37
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Attention à ce que cela ne devienne pas des banques subprimes: les banques qui prêtent inconsidérément aux clients insolvables jusqu'au jour où par manque de liquidité, elles tombent en faillite...

à écrit le 08/06/2020 à 18:11
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L’oligarchie est raciste par définition et forcément misogyne également tout en étant méprisante vis à vis des pauvres, notre système repose sur ce mode de gestion millénaire, entre les mains de familles et amis qui le sont presque tout autant, regar...

le 09/06/2020 à 16:48
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Notre pauvre planete la Terre n'a pas des ressources pour tous.C'ewt pour cela il y a des hommes et des Hommes.

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