Le président français a prévenu hier Israël que l'objectif d'une « destruction totale du Hamas » devait être « précisé », car il risquait d'engendrer « dix ans » de guerre. Quelles seront ses chances d'obtenir un résultat tangible à Doha ? Une chose est sûre : son homologue israélien, Benyamin Netanyahou, a fait rentrer ses émissaires du Qatar, dont une équipe du Mossad, estimant que le dialogue était « dans l'impasse », puisque le Hamas n'a « pas respecté sa part de l'accord prévoyant la libération de tous les enfants et femmes selon une liste reçue et approuvée par lui ».
Vu d'Israël, ce périple d'Emmanuel Macron suscite peu d'attentes. La trêve d'une semaine rompue par le Hamas avec des tirs de roquettes vendredi à l'aube, la reprise des opérations militaires de Tsahal à Gaza, et la confirmation depuis vingt-quatre heures de la mort de sept otages israéliens civils, après la libération au compte-gouttes de 84 femmes et enfants israéliens (dont 4 des 8 otages ou portés disparus français) sur 240 captifs, a changé le contexte.
Le dernier souci des Israéliens
La position que le président français défend sur le conflit israélo-palestinien en général, et depuis les événements du 7 octobre en particulier, passe mal. « Déjà, la visite en Israël du président Macron le 24 octobre a été ici jugée tardive, rappelle, à Tel-Aviv, l'historienne Miriam Rosman, spécialisée dans les relations franco-israéliennes. Il n'avait pas d'autre choix après la venue du président américain, Joe Biden, et celle du chancelier allemand, entre autres. Et le fait que 40 ressortissants français ont été tués pendant les massacres, le plus grand nombre de victimes civiles françaises tuées hors de l'Hexagone ces dernières années. Emmanuel Macron a rencontré les familles des otages et des victimes français. Il a tenu de beaux discours, mais l'interview accordée à la BBC durant laquelle il a exhorté Israël à arrêter de tuer des femmes et des enfants à Gaza a beaucoup choqué. »
« Le soutien de la France en ce moment, c'est un peu le dernier souci des Israéliens, avance pour sa part Élodie Tordjman, une résidente de Rehovot (sud de Tel-Aviv) d'origine française, qui officie comme coach pour dirigeants d'entreprise. Dans ce dossier, le président Macron est considéré comme hors jeu, à la différence de Poutine, dont le rôle a été évoqué dans la libération des otages russo-israéliens. » À l'en croire, la position d'Emmanuel Macron à l'égard de la recrudescence des actes antisémites dans l'Hexagone n'est pas non plus passée inaperçue. « C'est un peu facile de dire "je suis contre" ou que "s'en prendre à un Juif c'est toujours chercher à atteindre la République" et de ne pas participer à la marche à Paris. Cela revient à exacerber des problèmes identitaires que la France a manqué de résoudre depuis quarante ans. Le président veut ménager sa large minorité musulmane, et a peur de fâcher. »
Ses déclarations sur la défense israélienne ont aussi eu le don de hérisser. « L'affirmation selon laquelle "Israël a le droit de se défendre, mais en respectant le droit international" est paternaliste, fait valoir pour sa part Valérie Kalifa, une franco-israélienne de Tel-Aviv. Israël n'est pas une ancienne colonie de la France. Macron sait que nous le connaissons parfaitement, que nous le respectons ; mais l'Occident, au vu de ses guerres menées, a peu de leçons à donner. Sa proposition éphémère d'une force internationale pour contrer le Hamas a été très peu commentée ou critiquée. »
Mobilisation pour les otages
En attendant, hier soir, « place des otages » à Tel-Aviv, face au QG de l'armée, l'heure était de nouveau à la mobilisation pour soutenir les familles de captifs. Elles avaient rencontré ce week-end le procureur de la Cour internationale de Justice de La Haye, Karim Khan. « Je serais totalement inutile si je n'enquêtais pas sur les cas dans lesquels des enfants ont été kidnappés dans leur lit et des survivants de l'Holocauste emmenés captifs », leur a-t-il confié, pour sa première visite dans le pays.
Parmi les orateurs annoncés lors du rassemblement, on comptait certains otages libérés lors de la trêve militaire, dont les récits de captivité relatant les tortures physiques et psychologiques ont bouleversé le pays pendant toute la semaine. Mais aussi Shai Gross, le plus jeune survivant de l'opération Entebbe, mise sur pied en 1976 par l'État hébreu à la suite du détournement d'un vol Air France. Tout un symbole.