Les Palestiniens fêtent le retour de leurs prisonniers

Entre embrassades familiales et optimisme prudent, des associations de détenus rappellent l’arbitraire de certaines arrestations.
Près de Naplouse (Cisjordanie), Aseel Atiti, l’une des prisonnières palestiniennes libérées par les forces israéliennes, retrouve sa petite sœur dans le camp de réfugiés de Balata.
Près de Naplouse (Cisjordanie), Aseel Atiti, l’une des prisonnières palestiniennes libérées par les forces israéliennes, retrouve sa petite sœur dans le camp de réfugiés de Balata. (Crédits : © Nasser Ishtayeh/SOPA Images/Sipa USA via Reuters)

L'attente de la famille Abu Ziadeh était interminable. « Nous ne voulions pas y croire, confie, émue, Naimeh Nahleh, la mère de Rawan Abu Ziadeh, âgée de 29 ans. Quand nous avons vu que son nom était dans la liste des premiers détenus à sortir, c'était une explosion de joie. » Cela fait huit ans qu'elle n'avait pas pu serrer sa fille dans ses bras. Condamnée à neuf ans de prison en 2015 pour avoir attaqué au couteau un soldat à proximité de la tour militaire de son village de Cisjordanie occupée, Rawan Abu Ziadeh a été libérée vendredi soir.

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Depuis la publication des 300 premiers noms de prisonniers palestiniens libérables, les familles affichent un optimisme prudent. Seuls 150 seront en effet relâchés lors de cette première phase d'échange. La majorité sont de jeunes hommes mineurs : 123 ont moins de 18 ans (dont 5 ont 14 ans) et 144 viennent d'avoir 18 ans. Il y a aussi 33 femmes.

Parmi les libérations les plus attendues, le nom d'Israa Jaabis retenait l'attention des Palestiniens. Cette mère de famille de 39 ans originaire de Jérusalem a été arrêtée il y a huit ans. Israël l'a accusée d'avoir voulu commettre un attentat terroriste alors qu'une bouteille de gaz de cuisine, posée dans sa voiture, a explosé à 500 mètres d'un check-point. Condamnée à onze ans de prison, Israa Jaabis a toujours nié. Elle devait être libérée hier soir.

 Lors de l'explosion, 65 % de son corps a été brûlé, huit de ses doigts, fondus, ont été amputés. Les rapports des médecins israéliens des prisons exigeaient qu'elle subisse neuf opérations chirurgicales. Elle n'a été autorisée qu'à deux. « Son cas est emblématique de la négligence médicale qui règne dans les prisons, explique Shatha Odeh, infirmière de métier, défenseuse des droits de l'homme et ancienne codétenue d'Israa Jaabis. Ces opérations n'étaient pas de la chirurgie esthétique, elles sont nécessaires pour qu'elle puisse vivre convenablement. Sa remise en liberté est une urgence. »

Arrêtés et emprisonnés d'après des « informations secrètes »

À la différence de la libération de prisonniers en échange du retour du soldat israélien Gilad Shalit en 2011, aucun Palestinien « n'a de sang sur les mains » cette fois, une condition israélienne. La majorité allait sortir d'ici quelques mois et la plupart sont accusés de violences mineures. Pas encore condamnés, 230 d'entre eux sont d'ailleurs en détention administrative, un régime renouvelable à l'infini pour des périodes de trois à six mois. Cette pratique n'est pas illégale selon le droit international mais « son utilisation arbitraire par les autorités israéliennes pose problème », affirme Sahar Francis, directrice d'Addameer, l'organisation palestinienne de défense des droits des prisonniers. Les individus ciblés sont arrêtés et emprisonnés d'après des « informations secrètes » que ni les avocats ni les détenus ne connaissent, soupçonnés d'être « une future menace pour la sécurité de l'État d'Israël », sans autre justification.

Hanan Barghouti avait été arrêtée le 5 septembre sous ce régime. Vendredi soir, quelques minutes après sa libération, cette mère de 59 ans, dont quatre de ses fils sont en prison, a déclaré devant un parterre de journalistes : « C'est une punition collective, il n'y a pas d'autre raison. » Après des scènes de liesse, de retrouvailles et d'embrassades, Hanan Barghouti pensait surtout aux 3 000 Palestiniens arrêtés depuis le 7 octobre. Face à la répression larvée en Cisjordanie occupée, Israël multiplie les arrestations. « Ce sont nos otages à nous », explique Qaddura Fares, le président du Club des prisonniers palestiniens, qui rappelle que le nombre de détenus est le plus élevé depuis treize ans : 6 700, selon l'organisation israélienne HaMoked.

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