« Nous naviguons selon les attentes de l’opinion » (Jean-Louis Bourlanges, député MODEM des Hauts-de-Seine)

ENTRETIEN - Le président de la commission des affaires étrangères est l’un des parlementaires les plus expérimentés de la majorité. Il s’est abstenu lors du vote final mardi sur le texte issu de la CMP.
Selon Jean-Louis Bourlanges, sur le thème de l’immigration, « personne ne pose les bonnes questions, la faute politique est là ».
Selon Jean-Louis Bourlanges, sur le thème de l’immigration, « personne ne pose les bonnes questions, la faute politique est là ». (Crédits : © Eric Dessons/SIPA)

LA TRIBUNE DIMANCHE - La loi sur l'immigration est votée par la droite et l'extrême droite tandis qu'une partie du centre et de la gauche de Renaissance ne l'a pas adoptée. Est-ce la fin du « en même temps » ?

JEAN-LOUIS BOURLANGES - Cette formule constitue le point d'équilibre de la République française. Des fondateurs de la IIIe République jusqu'à Emmanuel Macron en passant par le général de Gaulle et les centristes, la France a toujours voulu concilier l'ordre et la liberté. On ne peut pas diriger ce pays à gauche contre la droite et inversement, cela ne marche jamais. Récemment, le président de la République a donné le sentiment d'hésiter, nous sommes passés du « en même temps » au « successivement » et, in fine, le texte de loi a suscité de l'insatisfaction.

Lire aussiLoi immigration : de nombreux économistes vent debout

Pourquoi vous êtes-vous abstenu ?

D'abord parce que certaines des dispositions du texte sont inconstitutionnelles, ce que nous savions. C'est indigne du Parlement. François Hollande avait déjà recours à cette manœuvre avec ses frondeurs. En outre, plusieurs articles de cette loi envoient à l'égard des immigrés des signaux malveillants qui ne sont pas bienvenus en ces temps de tensions. Enfin, l'intégration des travailleurs en situation irrégulière est ignorée au regard des enjeux de régulation des flux migratoires.

Comment en est-on arrivé à cet état d'incompréhension, de perte de repères pour les élus macronistes ?

Cette question est très importante. Cela tient au fait que le président de la République n'a pas exposé, au moment de sa réélection, un projet pour l'ensemble du quinquennat, comme en 2017. Son programme, comme celui des députés, répondait surtout aux urgences à trois mois. La vision pour l'avenir du pays n'a pas été perçue. Faute d'avoir été clairs, nous naviguons selon les attentes de l'opinion. Parfois avec intelligence, mais sans perspective évidente.

Certes, mais la majorité se déchire sur l'immigration, comme lors du premier quinquennat. Est-il impossible d'être rassembleur sur ce thème ? Ou bien a-t-il été mal posé ?

Je faisais les mêmes critiques au moment de la loi Collomb. Ce sujet doit être réfléchi de manière globale, en termes français et européens. Personne ne pose les bonnes questions, la faute politique est là. D'abord, comment résolvons-nous l'enjeu démographique dans une Europe qui fait moins d'enfants ? Ensuite, comment nous situons-nous par rapport au tiers-monde ? Devons-nous le priver de ses forces ou l'aider à se développer ? Enfin, comment contrôler vraiment les flux migratoires, avec quels moyens et quelles conséquences humaines ? Si bienvenues qu'aient été certaines dispositions du projet Darmanin, l'immigration ne se traite pas à la petite semaine par des moyens administratifs. Le problème est toujours devant nous.

En 2022, la vision pour l'avenir du pays n'a pas été perçue

Que voulez-vous dire ?

Le problème principal est le détournement du droit d'asile. Autrefois, il s'agissait de protéger des gens contre la tyrannie ; aujourd'hui, c'est une filière pour avoir une vie meilleure. À partir du moment où les demandeurs sont sur notre territoire, il est impossible de les placer en centre de rétention, l'État est impuissant. L'Angleterre oblige à déposer une demande au Rwanda, et l'Italie à l'Albanie. Veut-on cela pour la France ? Par ailleurs, veut-on chasser les dizaines de milliers de travailleurs sans papiers qui contribuent à la richesse nationale ? Il y a un devoir de vérité devant lequel nous avons tendance à fuir, et la loi n'y répond pas.

La loi peut-elle faire reculer le RN, comme l'anticipe le président ?

Non. Elle ne changera pas davantage la situation que celles qui ont précédé. Je le répète, il faut d'abord répondre à deux questions : combien et quels émigrés voulons-nous recevoir et comment faisons-nous pour contrôler les flux ?

Comment ressouder la majorité ? Quelle perspective commune lui donner ?

L'enjeu politique fondamental, ce sont les élections européennes de juin prochain. Nous devons affirmer la place que nous donnons à la France en Europe et à l'Europe dans le monde face aux enjeux de l'immigration, de la sécurité des frontières, la défense de l'Ukraine, la paix au Moyen-Orient, la souveraineté numérique, etc. Les angoisses des Français trouvent en grande partie leurs racines dans les problèmes géopolitiques. Notre offre géopolitique doit y répondre avec clarté.

Commentaires 4
à écrit le 24/12/2023 à 20:30
Signaler
À l'écoute de l'opinion tout en parlant de "signaux malveillant envoyé vers les immigrés", encore un grand clown comme on en fait que dans la cinquième République

à écrit le 24/12/2023 à 10:10
Signaler
Bonjour, l'opinion ons sans contre fiches. Se qui compte s'est la volonté du peuples français... Certe , depuis bien longtemps les politiques n'entends plus cette volonté, d'ailleurs cela explique la disparition des grand partis... Certains in...

à écrit le 24/12/2023 à 9:44
Signaler
Sachant que les médias forment et déforment l'opinion nous voyons bien le résultat ! Ils anticipent cette "navigation" ! ;-)

à écrit le 24/12/2023 à 8:57
Signaler
" Est-ce la fin du « en même temps » ?" Ben non c'est en plein dedans, cela lui permet de faire voter des lois en prenant son allure de sainte nitouche. Tiens ça doit être la première fois que je l'écris ce terme alors que ça leur va tellement bien ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.