Nucléaire iranien : un accord encore sur la corde raide ?

Paris n'exclut pas un nouveau rebondissement venant compromettre la signature d'un accord définitif sur le nucléaire iranien fin juin.
"Les négociations avec les Etats-unis ne m'ont jamais rendu optimiste, cependant, j'ai accepté les négociations et soutenu, et je continue de soutenir, les négociateurs", a expliqué le guide suprême de la révolution iranienne, l'ayatollah Khameneï

Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius n'exclut pas un éventuel rebondissement qui viendrait compromettre la signature définitive d'un accord sur le nucléaire iranien fin juin. Un accord préliminaire a été conclu début avril à Lausanne entre l'Iran, les Etats-Unis, la Chine, la Russie, la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Il prévoit notamment de limiter l'enrichissement d'uranium par la République islamique pendant dix ans, contre la perspective d'une suspension des sanctions internationales imposées à Téhéran.

Un nouveau rebondissement venant compromettre la signature d'un accord définitif n'est "pas l'hypothèse la plus probable", estime Laurent Fabius dans une interview au "Parisien Dimanche""Mais on ne peut l'écarter", ajoute-t-il. "Plusieurs sujets sensibles n'ont pas encore été réglés. Par exemple, comment s'assurer que l'Iran ne se dotera pas d'un programme à dimension militaire ? A quel rythme lever les sanctions, et si l'accord n'est pas respecté, comment les rétablir ?"

Des opposants aux Etats-Unis et en Iran

Selon Laurent Fabius, les Iraniens pourraient aujourd'hui construire la bombe atomique en deux mois. L'accord définitif envisagé allongerait ce délai d'un an et permettrait aux grandes puissances de réagir le cas échéant, précise-t-il. La question se pose aussi de savoir comment le Congrès américain d'un côté, le Guide suprême iranien de l'autre, vont accueillir cet accord, juge le chef de la diplomatie française. "Cela fait encore beaucoup d'interrogations. On va donc plutôt vers un accord mais rien n'est définitivement acté", souligne Laurent Fabius.

De son côté, Barack Obama s'est dit optimiste samedi quant à l'issue des négociations sur le programme nucléaire iranien, malgré la fermeté des propos tenus cette semaine par l'ayatollah Ali Khameneï, guide suprême de la Révolution. Soulignant les particularités de la politique intérieure iranienne, le président des Etats-Unis a estimé qu'il fallait contenter le camp conservateur. "Même quelqu'un qui porte le titre de 'guide suprême' doit se soucier de ses électeurs", a-t-il déclaré.

En Iran, des divergences sur l'accord préliminaire?

"Il doit y avoir moyen d'élaborer un accord définitif satisfaisant pour leur fierté, leur optique, mais conforme à nos principaux objectifs pratiques", a estimé Barack Obama, s'adressant à la presse en marge du sommet des Amériques, à Panama. L'ayatollah Khameneï, qui s'exprimait pour la première fois sur l'accord-cadre conclu la semaine dernière à Lausanne, a notamment exigé jeudi que toutes les sanctions soient levées dans le cadre du règlement définitif auquel les parties doivent aboutir avant le 30 juin.

Le guide suprême de la révolution iranienne a refusé jeudi de soutenir ou de dénoncer l'accord-cadre signé la semaine dernière à Lausanne avec les pays du groupe "P5+1", tout en réclamant une levée immédiate des sanctions si un accord définitif est trouvé. Dans un discours télévisé, il a ajouté que les détails de l'accord prendraient une importance primordiale et que la publication d'un document américain témoignant de divergences avec la perception iranienne témoignait des intentions "diaboliques" des Etats-Unis. "Je ne le soutiens pas et je ne m'y oppose pas", a-t-il dit. Ali Khamenei a réaffirmé que l'Iran ne cherchait pas à se doter de l'arme atomique.

"Ce qui a été réalisé pour l'instant ne garantit pas qu'un accord soit signé, ni même que les négociations aillent à leur terme", a-t-il expliqué. "Les négociations avec les Etats-unis ne m'ont jamais rendu optimiste, cependant, j'ai accepté les négociations et soutenu, et je continue de soutenir, les négociateurs."

Les Républicains hostiles

"Nous avons toujours dit qu'il y avait un risque de retour en arrière", a poursuivi le président américain, qui s'en est pris aux parlementaires américains hostiles à toute entente avec l'Iran, tel que le sénateur républicain John McCain. Ce dernier a jugé cette semaine les propos de Khameneï plus crédibles que ceux du secrétaire d'Etat américain John Kerry, selon lequel les sanctions seront levées par étapes et rétablies en cas de non respect de l'accord.

"Ce n'est pas comme cela que nous devons conduire la politique étrangère, quel que soit le président ou le secrétaire d'Etat", a estimé Barack Obama, ajoutant avoir évoqué le rôle du Congrès pour la ratification de l'accord final avec les responsables de la commission sénatoriale des Affaires étrangères. "Ce qui m'importe, c'est qu'on ne préjuge pas de ce qu'il sera et que ceux qui sont hostiles à un accord n'aient pas recours à une méthode procédurière pour le rendre impossible", a-t-il fait valoir.

Le Pentagone veut des garanties

Le règlement définitif du contentieux nucléaire auquel l'Iran et les grandes puissances doivent parvenir avant la fin juin doit prévoir l'inspection des sites militaires, a estimé vendredi le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter. Pourtant, l'ayatollah Ali Khameneï, guide suprême de la Révolution iranienne, avait exclu la veille qu'il soit assorti de "mesures de surveillance extraordinaires". Ce règlement définitif auquel l'accord-cadre a ouvert la voie "ne peut pas reposer sur la confiance", a affirmé le numéro un du Pentagone dans un entretien accordé à CNN lors d'une visite en Corée du Sud. "Il doit y avoir des dispositions adéquates pour les inspections", poursuit-il, jugeant "absolument" nécessaire que les sites militaires soient concernés.

Ashton Carter assure par ailleurs que l'armée américaine dispose de bombes conventionnelles capables de détruire des cibles enfouies profondément sous terre, laissant entendre que le site souterrain d'enrichissement d'uranium de Fordow, près de la ville sainte de Qom, n'est pas à l'abri. Recourir à la force, a-t-il souligné, ne retarderait toutefois le programme nucléaire iranien que d'un an. C'est également le temps qu'il faudrait à Téhéran pour se doter de l'arme nucléaire en cas de rupture de l'accord en cours de négociation, a ajouté le ministre.

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