Pétrole : Mohamed Ben Salmane, le prince qui voulait changer l'Arabie saoudite

Mohamed Ben Salmane, le jeune vice-prince héritier d'Arabie saoudite se présente comme le grand réformateur du royaume dépendant du pétrole. Fin avril, il a dévoilé "Vision 2030", un vaste programme pour diversifier l'économie, et asseoir son autorité.
Sarah Belhadi
Ryad qui produit 12 millions de baril par jour (bpj) cherche à diversifier ses activités.

Il n'a que 30 ans et dispose d'un maroquin élargi au sein du gouvernement saoudien. En plus d'être le plus jeune ministre de la Défense au monde, Mohamed Ben Salmane, surnommé MBS, est aussi à la tête du conseil économique de développement. On aurait presque fini par oublier que Mohamed Ben Nayef, son cousin, est premier dans l'ordre de succession au trône. Qu'importe l'ordre établi, Mohamed Ben Salmane s'est donné pour mission -- et non des moindres -- de changer le paradigme de la pétromonarchie du Golfe. On l'assimile à Margaret Thatcher, chantre de la privatisation, même si l'analogie semble surannée en raison d'un contexte très différent, dans un pays où 80% de la population occupe un emploi public. "C'est difficilement comparable, le secteur public était moins développé (au Royaume-Uni, ndlr), et le fait de se diriger vers une privatisation n'est pas l'apanage de Thatcher", nuance Céline Antonin, économiste à l'OFCE.

Fin avril, le jeune prince MBS (en réalité vice-prince héritier, et donc second dans l'ordre de succession), a présenté "Vision 2030", un vaste programme pour sortir l'Arabie saoudite de sa dépendance au pétrole. Dans une interview accordée à la chaîne Al Arabiya, il assure que le Royaume pourra s'en passer dès 2020. Une échéance "peu réaliste" pour Céline Antonin, "car 87% des recettes de l'Etat proviennent des revenus du pétrole", rappelle l'économiste. Une annonce peu crédible également pour Jean-Pierre Favennec, spécialiste de l'énergie, ancien directeur du Centre Economie et Gestion de l'IFP School. "Il faut que l'Arabie saoudite trouve des activités et développe le commerce, le tourisme". Bref, en dépit des annonces de MBS, l'après-pétrole ce n'est pas pour tout de suite.

Un " plan comm' "

Si le plan présenté par le vice-prince héritier évoque une diversification des activités du Royaume, la seule mesure concrète annoncée pour le moment est celle de l'ouverture au marché de 5% du capital du géant Saudi Aramco, qui détient 23% des réserves mondiales de pétrole. La vente de ces actifs permettrait d'alimenter son fonds souverain, à hauteur de 2000 milliards de dollars (contre 700 milliards de dollars actuellement). Il deviendrait ainsi, et de loin, le plus important fonds souverain au monde. Toutefois, pour l'instant, la date de cette entrée en Bourse n'a pas été annoncée officiellement. De quoi alimenter les doutes sur la faisabilité du plan, et sa réalisation. "Ce plan est plein de promesses mais la plupart des économistes s'interrogent", note également Stéphane Lacroix, chercheur au CERI (centre d'études et de recherches internationales de Sciences Po), spécialiste de l'Arabie saoudite.

Au-delà des annonces de réformes qui ressemblent davantage à un " plan comm' " du jeune prince, Ryad cherche surtout à faire rentrer du cash dans les caisses. Car, si l'extraction de brut ne coûte pas cher au royaume (entre 2 et 5 dollars contre 50 dollars en moyenne aux Etats-Unis), la manne pétrolière n'est plus aussi généreuse. Depuis 2014, le pétrole nord-américain de gaz de schiste et de sables bitumineux inonde le marché. Le résultat est mécanique : l'offre est supérieure à la demande mondiale, et les prix chutent. Si Ryad maintient la pression -- pas question de changer sa politique et de réduire ses parts de marché -- le baril de pétrole poursuit sa chute.

MBS, sauveur et maître en son royaume

Officiellement, Ryad campe sur ses positions, mais se voit toutefois contraint de réduire son train de vie. Avec des comptes publics dans le rouge -- l'Arabie saoudite a atteint un déficit équivalent à 20% de son PIB en 2015, et projette un déficit de 87 milliards de dollars cette année -- il faut tailler dans la dépense publique. Et revoir sa copie en matière d'état-providence. Depuis janvier, Ryad a réduit les subventions pour l'essence, et s'attèle aussi à l'eau et à l'électricité. Dans ce contexte, MBS se présente comme un sauveur, capable de redresser la barre. Fin avril, dans une interview accordée à Bloomberg, il raconte comment la découverte des comptes publics au printemps 2015 lui a donné des sueurs froides.

Mais s'il veut faire passer ses réformes, il devra être prudent. La réduction des subventions, gage de paix sociale, pourrait constituer une menace. MBS doit absolument se mettre la société civile dans la poche. "Il se présente comme celui qui porte les aspirations de la jeunesse", observe le chercheur Stéphane Lacroix. MBS promet d'ouvrir davantage le marché du travail aux femmes, et n'hésite pas à casser les codes : comme cette interview d'une heure accordée à la chaîne Al Arabiya, aux allures d'entretien télé à l'américaine. "C'est quelque chose de complètement inédit", confirme le spécialiste.

Si en apparence le jeune prince lâche du lest, il cherche surtout à asseoir son autorité. Officiellement, le départ du ministre du Pétrole depuis 1995, Ali Al-Naimi, 81 ans, était prévu. Début mai, il a été remplacé par Khaled Al-Faleh, PDG d'Aramco. "Ali Al-Naimi agissait comme un contre-pouvoir, capable de lui faire de l'ombre. On peut supposer que l'autre sera plus en phase", détaille Stéphane Lacroix. "Par son ancienneté, par son âge, il faisait partie de ces quelque non-royaux qui avaient réussi à acquérir un réel pouvoir", rappelle le chercheur au CERI-Sciences Po. "Le nouveau est un technocrate, moins susceptible d'être un contre-pouvoir". En attendant, Ryad peut toujours parier sur la remontée des prix du pétrole, ce qui lui permettrait de renoncer au changement.

Sarah Belhadi
Commentaires 4
à écrit le 19/05/2016 à 16:24
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c'est ou l' Arabie c'est ou dites. C'est par là mec---)

à écrit le 19/05/2016 à 14:39
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Le coup de la plage privé avec ascenseur c'est un test car quand ils n'auront plus de pétrole ils viendront s’installer en France les achats qu'ils font ces des placements pour le futur.

à écrit le 19/05/2016 à 13:24
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Se n'est pas si simples de changer, certe ce pays est tres riche, mais il n'y a pas d'économie autre que le pétrole, pas d'industrie, et ils vivaient dans un désert de sable.... La population est plus Enclin à toucher les dividendes que de travail...

à écrit le 19/05/2016 à 12:43
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Comme disent certains experts de cette région, l'Arabie Saoudite est un DAESCH qui a réussi. Je refuse m'intéresser à ce pays. S'il crève de la baisse du pétrole, tant mieux.

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