Pied de nez à Trump, l'UE et le Japon signent un accord de libre-échange "historique"

A rebours de la logique de guerre commerciale lancée par les Etats-Unis, le Jefta (Japan-UE free trade agreement) va créer une zone de libre-échange couvrant près d'un tiers du produit intérieur brut (PIB) mondial et quelque 600 millions d'habitants. Les secteurs grands bénéficiaires de l'accord seront l'agroalimentaire européen et l'automobile japonaise.
Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker (de g. à d.), le Premier ministre japonais Shinzo Abe, et le président du Conseil européen Donald Tusk lors de la conférence de presse qui a suivi la signature de l'accord.
Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker (de g. à d.), le Premier ministre japonais Shinzo Abe, et le président du Conseil européen Donald Tusk lors de la conférence de presse qui a suivi la signature de l'accord. (Crédits : Reuters)

L'Union européenne (UE) et le Japon ont signé mardi à Tokyo un accord de libre-échange ambitieux qui se veut "un message puissant contre le protectionnisme" de Donald Trump. "Aujourd'hui marque un jour historique alors que nous célébrons la signature d'un accord commercial extrêmement ambitieux entre deux des plus grandes économies du monde", ont déclaré le Premier ministre japonais Shinzo Abe, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et le président du Conseil européen Donald Tusk dans un communiqué publié à l'issue de la signature du texte.

Les trois dirigeants ont longuement insisté sur leur rôle de porte-drapeau du libre-échange au moment où le président américain fait planer sur le monde la menace d'une guerre commerciale.

"La signature de cet accord de partenariat économique montre au monde la volonté politique inébranlable du Japon et de l'Union européenne de se faire les champions du libre-échange et de guider le monde dans cette direction alors que s'est répandu le protectionnisme", a insisté Shinzo Abe au cours d'une conférence de presse conjointe.

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Les principaux partenaires de l'Union européenne

(Le Japon est le 6e partenaire de l'Union européenne, loin derrière les États-Unis et la Chine. Un graphique de notre partenaire Statista)

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"Il n'y a pas de protection dans le protectionnisme"

"Nous envoyons un message clair disant que nous faisons front commun contre le protectionnisme", a renchéri Donald Tusk, tandis que Jean-Claude Juncker poursuivait sur la même note: "Nous montrons que nous sommes plus forts et mieux positionnés quand nous travaillons ensemble (...) Il n'y a pas de protection dans le protectionnisme".

Le texte doit être soumis d'ici la fin de l'année au Parlement européen en vue d'une entrée en vigueur en 2019, si le Parlement japonais le vote lui aussi rapidement. Contrairement à l'accord UE-Canada, actuellement contesté par l'Italie, il ne doit pas être ratifié par tous les Parlements de l'UE.

Baptisé Jefta (Japan-UE free trade agreement), il porte sur une zone de libre-échange couvrant près d'un tiers du produit intérieur brut (PIB) mondial et quelque 600 millions d'habitants.

Le secteur agroalimentaire européen grand gagnant

Côté européen, le secteur agroalimentaire sort grand vainqueur des discussions. Au final, 85% des produits agroalimentaires de l'UE pourront entrer au Japon sans droits de douane, mais parfois à l'issue de périodes de transition. D'autres, comme le boeuf, verront les taxes imposées progressivement réduites. Le riz, un produit hautement symbolique pour les Japonais, est exclu de l'accord.

Tokyo s'engage à reconnaître plus de 200 indications géographiques comme le Roquefort, le Tiroler Speck autrichien, le Jambon d'Ardenne belge ou la Polska Wódka (vodka polonaise), qui bénéficieront "du même niveau de protection qu'en Europe".

Les négociations ont été particulièrement complexes sur les produits laitiers, secteur sensible pour Tokyo. L'accord éliminera les droits de douanes très élevés sur plusieurs fromages, mais la période de transition pourra atteindre 15 ans. Les Japonais obtiennent de leur côté un libre accès au marché européen pour leur industrie automobile, mais seulement à l'issue d'une période transitoire de plusieurs années. Cet accord comprendra aussi un chapitre sur le développement durable.

Rien dans l'accord sur la protection des investissements

La protection des investissements est le principal point d'achoppement des discussions et n'est pas comprise dans l'accord signé mardi. La plupart des ententes commerciales du monde laissent la possibilité à une entreprise qui s'estime lésée par la politique d'un Etat après y avoir investi de l'attaquer pour obtenir réparation. Ces différends sont généralement tranchés via un système d'arbitrage dont les Européens ne veulent plus entendre parler. C'est l'absence de cette partie sur la protection des investissements qui évite à l'accord de passer par les Parlements nationaux, précisent des sources européennes.

Étape chinoise

Avant de se rendre au Japon mardi, les dirigeants européens avaient fait une halte lundi en Chine, à l'occasion du 20e sommet UE-Chine, dans la même optique de resserrer les rangs face au président américain. "Le multilatéralisme est attaqué, c'est une attaque sans précédent depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale", avait lancé Jean-Claude Juncker, Donald Tusk estimant de son côté qu'il était "encore temps d'éviter le conflit et le chaos".

Les tensions commerciales actuelles pourraient compromettre à brève échéance la croissance économique de la planète, a prévenu le Fonds monétaire international (FMI). Junichi Sugawara, chercheur au Mizuho Research Institute, souligne que l'attitude de Donald Trump a "poussé le Japon et l'Union européenne à accélérer les négociations". Le Premier ministre japonais Shinzo Abe "a de bonnes relations avec Trump mais, concernant le commerce, le Japon s'est placé du côté de l'UE".

(avec AFP)

Commentaires 11
à écrit le 18/07/2018 à 11:43
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Une administration hors sol et un pays souverain s'accorde pour imposer leur politique aux peuples concernés!

à écrit le 17/07/2018 à 16:49
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C'est plutôt un pied de nez à l'histoire des relations commerciales tellement contrôlées et contigentées entre le Japon et l'Europe, tant les questions de stratégie industrielles et de protection des champions nationaux y sont marquantes.

à écrit le 17/07/2018 à 16:27
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"Les secteurs grands bénéficiaires de l'accord seront l'agroalimentaire européen" Le peuple européen n'a toujours pas été concerté, lamentable UE qui au lieu de se remettre en question face à la suprématie américaine continue d'exploiter ses cito...

à écrit le 17/07/2018 à 15:38
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Çà, pour être historique cela va être historique, un accord entre la carpe et le lapin, une administration hors sol et un pays souverain! C'est historique!

à écrit le 17/07/2018 à 15:31
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l'union européenne sera t'elle également en capacité d'offrir la même protection militaire au japon que celle fournie par les états unis , j'en doute fortement ; cet accord commercial n'est qu'une gesticulation de l'union européenne

à écrit le 17/07/2018 à 14:47
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" un libre accès au marché européen pour leur industrie automobile " : étrange, ça veut dire quoi ?

à écrit le 17/07/2018 à 14:34
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"Le multilatéralisme est attaqué" Le libre échange, ce n'est pas du multilatéralisme!

à écrit le 17/07/2018 à 14:33
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Autrement dit, les parlements européens n’ont pas leur mot à dire ! Simplement en ne parlant pas des investissements ? Bien joué techniquement. De fait les italiens ne pourront même pas contester ! Ça c’est de la démocratie

à écrit le 17/07/2018 à 14:25
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Le suicide collectif continue...

à écrit le 17/07/2018 à 13:52
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Trump se moque éperdument de tout et même de son pays depuis qu'il cause bisnesse avec son pote milliardaire comme lui Poutine!

à écrit le 17/07/2018 à 13:50
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ricky a la houpe va etre furieux et expliquer que lue et le japon sont des pays sataniques, vu qu'ils refusent ' america first', et l'ecrasement qu'ils meritaient! les sanctions vont etre terribles, les tweets vont pleuvoir !

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