Plafond de la dette : les Etats-Unis déjà pénalisés par la crise politique

Le gouvernement américain fait face à une hausse de ses coûts d’emprunt, avertit Janet Yellen, évoquant ainsi des effets concrets liés à la crise politique du plafond la dette. La secrétaire au Trésor exhorte le Congrès à sceller un accord. Sans ce dernier, les Etats-Unis seront en défaut de paiement le 1er juin, a-t-elle confirmé.
Janet Yellen tire la sonnette d'alarme sur la crise de la dette américaine pour la deuxième fois.
Janet Yellen tire la sonnette d'alarme sur la crise de la dette américaine pour la deuxième fois. (Crédits : MARY F. CALVERT)

Deuxième signal d'alarme formulé par la secrétaire au Trésor, aux Etats-Unis. Janet Yellen affirme que les Etats-Unis subissent déjà les conséquences négatives de la crise politique relative du plafond de la dette. Et pour cause, le gouvernement américain se retrouve déjà contraint d'emprunter plus cher que dans des conditions ordinaires.

« Les investisseurs sont devenus plus réticents à détenir de la dette souveraine qui arrive à échéance en juin », souligne la ministre des Finances de Joe Biden, dans un discours qu'elle doit prononcer devant l'Association des banquiers locaux américains (ICBA), et dont le Trésor a publié des extraits à l'avance.

Lundi, le taux d'intérêt des bons du Trésor à un mois est ainsi monté à 5,74%, au plus haut depuis au moins vingt ans. A titre de comparaison, il était de 3,29% à la mi-avril. Et chose rare, il est même sensiblement plus élevé que le taux directeur de la banque centrale américaine, situé dans une fourchette comprise entre 5,00% et 5,25%.

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Outre le renchérissement du coût de l'emprunt pour les Etats-Unis, « trop d'entreprises doivent passer du temps à se préparer à l'hypothèse d'un défaut » du pays sur sa dette, explique encore la secrétaire au Trésor avant de poursuivre : « Et trop de ménages doivent se préoccuper de savoir s'ils vont s'en sortir sans l'argent que leur a promis le gouvernement ». Le FMI s'est inquiété jeudi dernier des « graves répercussions » sur l'économie mondiale.

Sans accord, le défaut de paiement interviendrait au 1er juin

Cette déclaration intervient alors qu'une réunion cruciale doit se tenir ce mardi (19 heures GMT) aux Etats-Unis. Le président américain Joe Biden doit rencontrer l'opposition républicaine pour tenter de s'entendre sur la dette et les dépenses publiques.

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Si aucun accord n'est trouvé au Congrès pour relever le plafond de la dette, les Etats-Unis pourraient être en défaut de paiement dès le 1er juin, précise de nouveau Janet Yellen. Cette date du 1er juin avait déjà été publiée début mai. La secrétaire au Trésor la confirme donc « avec les informations supplémentaires désormais disponibles ». En clair, dans moins de quinze jours, les Etats-Unis risquent de se trouver dans l'incapacité de faire face à leurs obligations et échéances financières.

Et si la situation se prolonge, le gouvernement fédéral ne pourra plus ni verser salaires ou retraites, ni rembourser les créanciers, ni assurer le service de la dette. Ce serait alors, pour la première fois, un défaut de paiement de la première puissance économique mondiale.

Tensions politiques

Mais les négociations restent empoisonnées par les tensions politiques. Cette limite de la dette ne peut être rehaussée que par un vote majoritaire au Congrès. Sauf qu'en l'état, les républicains de la Chambre des représentants refusent de relever le plafond sans contreparties et un encadrement strict des dépenses publiques. Les équipes des différents partis et du gouvernement négocient sans discontinuer depuis une semaine.

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Joe Biden lui tente de se montrer optimiste. « Je pense vraiment qu'il y a une volonté de leur part et de la nôtre de parvenir à un accord. Je pense que nous y parviendrons », a déclaré le président américain le weekend dernier. La Maison Blanche a par ailleurs affirmé que pour l'instant le président américain prévoyait toujours de s'envoler mercredi pour une tournée diplomatique en Asie et dans le Pacifique.

Le 14e amendement, la solution miracle ?

Parmi les solutions avancées pour sauver les Etats-Unis en l'absence d'accord, figure le recours au 14e amendement de la Constitution. Ce dernier, ajouté en 1868 à la Constitution américaine, après la guerre de Sécession, stipule que « la validité de la dette publique des Etats-Unis, autorisée par la loi, (...) ne doit pas être remise en question ». Autrement dit, les dépenses déjà votées doivent pouvoir être honorées.

Au sortir de la guerre civile, en effet, « les inquiétudes grandissaient (au sein des Etats du Nord, vainqueurs, ndlr) quant au fait que les législateurs du Sud réadmis au Congrès continueraient de détruire notre union fédérale, mais de l'intérieur, en répudiant la dette fédérale occasionnée par la guerre », explique à l'AFP Robert Hockett, professeur de droit à l'université Cornell. Le plafond de la dette est ensuite venu, en 1917, se superposer à ce texte.

En laissant entendre qu'il pourrait y avoir recours, « ce que dit Biden, c'est que si le Congrès ne vote pas pour relever le plafond de la dette, il peut de toute façon payer les obligations car c'est son devoir constitutionnel », souligne Mark Graber, professeur à la faculté de droit de l'université du Maryland. Pas de procédure particulière, puisque Joe Biden doit « demander à la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, de simplement continuer à émettre cette dette si nécessaire pour payer les factures de la nation », indique Robert Hockett. Et donc faire comme si le plafond de la dette n'existait pas.

Des risques persistent

Mais à ce stade, le président a exclu d'y recourir à court terme, pour cause de complications juridiques, prévoyant plutôt de laisser passer la crise pour y réfléchir. Le principal obstacle serait un recours en justice intenté par l'opposition républicaine. Le professeur Robert Hockett pense qu'ils ne le feront pas. Cela les mettrait « dans une position très inconfortable parce qu'ils intenteraient des poursuites pour forcer le président à faire défaut sur la dette nationale », estime-t-il.

Pour Mark Gruber au contraire, aucun doute, « les républicains vont contre-attaquer en disant (que Joe Biden) ne comprend pas le 14e amendement qui se réfère à la dette uniquement, et qu'il peut donc pas rembourser la dette (déjà cumulée) sans engager de nouvelles dépenses », assure Mark Graber. Dans les deux cas, les risques existent, souligne Neil Buchanan, professeur de droit à l'Université de Floride.

(Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 16/05/2023 à 22:30
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"Et pour cause, le gouvernement américain se retrouve déjà contraint d'emprunter plus cher que dans des conditions ordinaires." De l'aveu même de la Fed, le marché obligataire de la dette US est manipulé par les banquiers centraux (e.g. Robert S...

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