Pour donner du pouvoir d’achat aux Américains, Biden prêt à lever les droits de douane sur les produits chinois

En annonçant vouloir réduire les taxes sur les importations de produits chinois, le président des Etats-Unis vise à redonner du pouvoir d'achat au consommateur américain aux prises avec une inflation croissante. Ce dernier bénéficiera aussi du soutien public de Pékin à son industrie et à son commerce, sous la forme d'un transfert du contribuable chinois vers le consommateur américain.
Robert Jules
Le président des Etats-Unis, Joe Biden.
Le président des Etats-Unis, Joe Biden. (Crédits : Reuters)

En annonçant lundi à Tokyo qu'il pourrait lever les droits de douane sur les importations chinoises, qui "ont été imposés par la dernière administration", Joe Biden ne cherche pas tant à se démarquer de son prédécesseur Donald Trump qui avait engagé une guerre commerciale avec le géant asiatique qu'à donner la priorité au pouvoir d'achat du ménage américain. La croissance régulière de l'inflation, 8,3% en avril, qui culmine au plus haut depuis 40 ans aux Etats-Unis est en train de bousculer les priorités du président américain.

Une taxe de 25%

En effet, en réduisant les taxes sur les produits importés, ceux-ci deviennent mécaniquement moins chers pour le consommateur américain. Lorsqu'il est arrivé à la Maison Blanche en janvier 2021, Joe Biden a maintenu ces droits de douane. Ils s'élèvent à 25% sur tout un éventail de biens et de composants industriels chinois représentant 250 milliards de dollars. A l'époque Katherine Tai, la secrétaire au Commerce, avait justifié cette décision dans l'espoir "de remédier à une situation commerciale déséquilibrée et injuste", ajoutant qu'une suppression soudaine de ces taxes pourrait nuire à l'économie américaine (voir graphique). Visiblement, ce n'est plus le cas. La situation du consommateur de plus en plus mécontent est devenue plus préoccupante que celle du producteur exportateur américain.

Exportations chinoises vers les Etats-Unis en valeur (en milliards de dollars)

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Exportations chinoises vers US

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Dans ce nouveau contexte, le "dumping" de Pékin est également favorable au pouvoir d'achat du consommateur américain. En subventionnant ses exportations vers les Etats-Unis, le gouvernement chinois opère un transfert d'argent de la poche du contribuable chinois vers celle du consommateur américain en diminuant le prix du produit final exporté de Chine vers les Etats-Unis.

La Chine est en effet le pays qui subventionne le plus au monde son industrie et son commerce. En 2019, elle a consacré 248 milliards de dollars d'argent public, soit l'équivalent de 1,73% du PIB,  à ce soutien sous la forme de prêts bonifiés ou encore de subventions, selon l'estimation établie dans un rapport publié par le Center for Strategic and International Studies (CSIS), un think tank basé à Washington, que s'est procuré le Wall Street Journal. Ce soutien est le plus élevé tant en montant qu'en part du PIB, souligne le CSIS, comparé aux sept autres économies passées au crible (Corée du Sud, France, Allemagne, Japon, Taïwan, Etats-Unis et Brésil). Le deuxième pays loin derrière la Chine est la Corée du Sud avec 0,67% de son PIB. De leur côté, les Etats-Unis y consacrent l'équivalent de 0,39% de leur PIB.

"Les préjudices pour les travailleurs et les entreprises"

La décision de Joe Biden n'est pas pour autant un changement à 160 degrés. En octobre 2021, alors que le ralentissement économique devenait réalité après la sortie des confinements, et que l'inflation apparaissait de moins en moins "transitoire", Joe Biden se montrait aussi critique à l'égard de Pékin que son prédécesseur. "Lorsque le président Biden est entré en fonction, il a clairement indiqué que la phase 1 de l'accord (signé par Donald Trump en janvier 2020) ne répondait pas à nos principales préoccupations à l'égard de la Chine, qui sont d'ordre structurel et caractérisées par une approche étatique de l'économie et du commerce qui fausse la concurrence en soutenant les entreprises d'État, en limitant l'accès au marché et par d'autres pratiques coercitives et prédatrices en matière de commerce et de technologie. Les préjudices causés aux travailleurs et aux entreprises américains par ces pratiques sont bien documentés", expliquait un haut fonctionnaire, lors d'un brief de la Maison-Blanche.

D'autant que le "dumping" de la Chine va augmenter au fur et à mesure que son économie voit les difficultés s'accumuler. La Banque populaire de Chine a annoncé la semaine dernière une nouvelle baisse de taux, après celles de décembre et de janvier. L'inflation n'est pas pour le moment un sujet d'inquiétude. elle s'est affichée à 2,1% en avril sur un an. En revanche, certains indicateurs passent au rouge. Le taux de chômage atteint 6,1%, revenant pratiquement à son niveau de 2020 du début de la pandémie, où il avait atteint un pic historique. Les exportations n'ont progressé en avril que de 3,9% sur un an, un brusque infléchissement par rapport aux 14,7% de mars. De leur côté, les ventes au détail ont chuté de 3,5% sur un an, en baisse pour la première fois depuis juillet 2020.

Risque de récession en hausse

"Le risque de récession est en hausse, augmentant les défis pour Pékin d'atteindre son objectif d'une croissance de 5,5% en 2022", indiquent les experts de la banque japonaise Nomura, qui prévoient pour le moment un PIB en progression de 3,9% pour cette année. Au premier trimestre 2022, la croissance s'est affichée à 4,8% sur un an, mais les conséquences du confinement pour juguler la propagation du Covid-19, notamment à Shanghaï, et le ralentissement de l'activité mondiale entraîné par la guerre en Ukraine vont avoir un impact dans les mois prochains. Dans ces conditions, une levée des taxes américaines sur ses exportations serait toujours bonne à prendre pour Pékin.

Robert Jules
Commentaires 2
à écrit le 25/05/2022 à 9:11
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En parlant de droit de douane : Le Conseil de l'Union européenne, qui représente les 27 États membres, a approuvé mardi la suspension pour un an des droits de douane sur tous les produits importés d'Ukraine afin de soutenir l'économie du pays atta...

à écrit le 23/05/2022 à 23:15
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" Selon Bloomberg , la devise russe est devenue la devise la plus performante au monde cette annee malgres sa forte baisse en avril provoquee par des sanctions economiques sans precedent imposees a la Russie . " ... E ...

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