Pour remplacer le pétrole russe, les Etats-Unis se tournent vers... le Venezuela

Les pressions pour bannir les importations de pétrole et de gaz russes augmentent dans le camp occidental. Washington a entamé hier des négociations avec le Venezuela, à qui il a imposé des sanctions sur ses exportations pétrolières depuis 2019, pour augmenter sa production en attendant qu'un accord sur le nucléaire iranien permette de lever les restrictions sur le pétrole iranien.
Robert Jules
(Crédits : Reuters)

C'est le New York Times qui l'a révélé dimanche, une délégation d'officiels de haut rang de l'administration Biden s'est rendue à Caracas (Venezuela) pour négocier la levée des sanctions économiques imposées à la république bolivarienne, notamment les restrictions imposées par l'administration Trump en 2019 sur les exportations pétrolières.

Le président vénézuélien, Nicolàs Maduro, a confirmé la réunion lundi soir, la qualifiant de "respectueuse, cordiale et diplomatique", sans entrer dans le détail des questions abordées.

"Il m'a paru important de pouvoir discuter en face à face des questions d'un grand intérêt pour le Venezuela", a-t-il poursuivi. "Je réaffirme, comme je l'ai dit à la délégation, toute notre volonté, par la diplomatie, le respect, et le maximum de ce qu'il y a de mieux dans le monde, de pouvoir faire avancer un agenda qui permette le bien-être et la paix des peuples de notre hémisphère, de notre région".

La Maison Blanche a confirmé la rencontre lundi, soulignant que les discussions avaient porté notamment sur "la sécurité énergétique" américaine alors que le Venezuela exportait presque toute sa production vers les Etats-Unis avant la rupture avec Washington.

Une démarche motivée par les appels croissants - notamment du ministre ukrainien des Affaires étrangères - à cesser toute importation d'hydrocarbures russes pour isoler davantage Moscou. En réalité, ces discussions ont débuté depuis quelques mois, notamment pour rétablir le dialogue entre le régime de Nicolàs Maduro et son opposition en vue de la tenue de l'élection présidentielle de 2024, ainsi que pour négocier un échange de prisonniers.

Un pays paria

Toutefois, c'est une ironie de l'histoire qui conduit Washington à se tourner vers la république bolivarienne, sa bête noire sur le continent sud-américain, pour punir Moscou. Sans que le régime de Nicolas Maduro n'ait fait aucune concession, le voilà redevenu fréquentable aux yeux de l'Oncle Sam, ce qui confirme la vieille loi des relations entre Etats : les intérêts priment sur l'éthique.

Le Venezuela est en effet devenu un pays paria dans l'économie mondiale depuis 2017 lorsque Donald Trump a imposé des sanctions économiques, élargies au secteur pétrolier en 2019.

Si le pays sud-américain est très loin de pouvoir compenser les 10,5 mbj de brut produits en 2021 par la Russie, soit 14% de la production mondiale, la démarche de Washington montre que tout baril qui ne sort pas du sol russe semble bon à prendre puisque même le brut iranien, lui aussi sous sanction américaine, pourrait revenir sur le marché en cas d'accord international sur le dossier nucléaire américain dans le cadre des négociations menée sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Depuis plusieurs jours, la signature d'un accord est imminente, mais traîne en raison des... Russes. L'enjeu est important, car l'Iran pourrait rapidement faire grimper sa production de 2,5 mbj à 3,6 mbj au deuxième semestre de cette année, selon les calculs des experts du Oxford Institute for Energy Studies, dans un note d'analyse sur le conséquences de la guerre en Ukraine.

60% des exportations de pétrole russe vont vers l'Union européenne

Toutefois, remplacer les volumes russes relève d'une mission impossible. Sur les 10,5 mbj, les exportations s'élèvent à 4,27 mbj, dont 60% sont livrées à l'Europe et 35% à l'Asie (1,44 mbj, dont 56% (805.000 b/j) par la Chine). "La Russie est aussi un centre important de raffinerie et un exportateur de produits raffinés comme le diesel, l'essence, et le fuel domestique. En 2021, les exportations de produits raffinés ont atteint 2,69 mbj. Comme le pétrole brut, elles ont aussi une dimension mondiale avec l'Union européenne constituant un important marché pour le diesel russe (580.000 barils par jour), le naphta (matière première pour la pétrochimie) et l'essence (234.000 barils par jour), le mazout (223.000 barils par jour) et le fioul domestique (214.000 barils par jour)", indiquent les experts du Oxford Institute for Energy Studies.

Des chiffres sans commune mesure avec la production du Venezuela, qui a produit selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE) 600.000 barils par jour en 2021, soit à peine le quart de ce que le pays produisait à la fin des années 1990. Selon des experts  cités par le Wall Street Journal, cette production pourrait monter à 1,2 mbj en 8 mois, si les compagnies présentes dans le pays, comme l'américaine Chevron, augmentaient leurs extractions.

Pour le moment, le Venezuela ne peut compter que sur la Chine, l'Iran et... la Russie pour maintenir son secteur pétrolier. Et si un accord lui permettait d'exporter son brut vers les Etats-Unis, cela ne ferait que compenser les achats de brut russe par les Etats-Unis (540.000 barils par jour en 2021), un volume à peine inférieur à celui que le Venezuela exportait aux Etats-Unis en 2018, avant les sanctions. Mais cela poserait un autre problème, ce volume est en partie livré à la Chine, suite à un accord financier qui permet au Venezuela d'emprunter pour ses besoins budgétaires en échange de pétrole.

Quant à une hausse de la production, elle prendra un certain temps. Depuis l'élection de Hugo Chavez, le pays a désinvesti dans son secteur pétrolier, notamment  dans la prospection et de nouveaux forages. Selon les experts, cités par le WSJ, il faudrait investir 12 milliards de dollars annuellement durant cinq ans pour revenir à un niveau significatif de production.

Comme l'Iran, le Venezuela compte d'importants stocks, évalués à 23 millions de barils, dont une partie sur des tankers. Cela pourrait ajouter 750.000 barils par jour à la production mondiale dès le premier mois de la levée des sanctions.

L'Allemagne met en garde sur un boycott trop rapide

En attendant, même si un tel accord était conclu rapidement - ce qui est loin d'être évident -, l'arrêt des importations de gaz et pétrole russes fragiliserait la fourniture énergétique en Europe. Aujourd'hui, sur le marché du gaz naturel des Pays-Bas, le TTF, le cours progressait dans l'après-midi de quelque 20%, à 230 euros le MWh, un nouveau record historique. Depuis le 21 février, il a bondi de 233%, traduisant le risque de pénurie.

Quant aux principaux intéressés, notamment en Allemagne, des sanctions visant le pétrole, le gaz et le charbon russes ne vont pas de soi. "Il faut pouvoir tenir sur la durée", a déclaré dimanche sur la chaîne allemande ARD la ministre des Affaires étrangères allemande, Annalena Baerbock, tout en précisant : "Ça ne sert à rien si, dans trois semaines, on découvre que nous n'avons plus que quelques jours d'électricité en Allemagne et qu'il faut donc revenir sur ces sanctions".

Le lendemain, le chancelier allemand s'est montré encore plus inquiet, soulignant que les importations d'énergie fossile en provenance de Russie sont "essentielles" pour la "vie quotidienne des citoyens" en Europe. "L'approvisionnement de l'Europe en énergie pour la production de chaleur, la mobilité, l'électricité et l'industrie ne peut pas être assuré autrement pour le moment", selon une déclaration écrite du chancelier qui rappelle que c'est "délibérémentque l'Europe a exclu les livraisons d'énergie de la Russie des premières salves de sanctions contre Moscou.

Lire aussi 4 mnPour sortir de la dépendance au gaz russe, l'Allemagne accélère sur un premier terminal méthanier (GNL)

Robert Jules
Commentaires 10
à écrit le 08/03/2022 à 9:20
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Les victimes du régime totalitaire de Maduro vont être heureux d'apprendre que Biden le grand démocrate finance leur bourreau...

à écrit le 08/03/2022 à 9:18
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Entre dictature socialiste on se comprend...

à écrit le 08/03/2022 à 8:29
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Est une coïncidence si les pays producteurs de pétrole sont tous fous ou bien est-ce que le pétrole, et donc l'argent qu'il procure rend fou ?

à écrit le 07/03/2022 à 21:17
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"en attendant qu'un accord sur le nucléaire iranien permette de lever les restrictions sur le pétrole iranien" la Russie va s'y opposer afin de ne pas voir de pétrole jaillir sur les marchés et lui poser problème (les sanctions doivent enquiquiner to...

le 08/03/2022 à 8:23
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Si vous vous faites votre film tout seul... tentons un léger effort de compréhension ? fait combien de temps, comme ca par hazard, que Biden est président des usa ? Fait combien de temps qu'il est contre Nord stream 2 ? Chercher pas, depuis qu'il es...

à écrit le 07/03/2022 à 19:25
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Nos élus européens doivent monter en délégation au Kremlin rencontrer Poutine et lui faire entendre raison. Faut arrêter les applaudissements et les plateaux télé faut mouiller le Marcel . Autrement , l'Europe va exploser en plein vol avec l'augmen...

le 08/03/2022 à 8:28
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Et ce ne serait pas mieux qu'elle explose finalement ? Parce que recréer l'urss mais sauce usa je ne comprends pas très bien l'avantage..

à écrit le 07/03/2022 à 19:24
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biden en visite chez les cocos pour les supplier de lui vendre du pétrole. Pays où les yankees ont essayé plusieurs fois de renverser le gouvernement local. Ca flippe grave chez les yankees en ce moment. 5 dollars le gallon d'essence la pompe !

à écrit le 07/03/2022 à 19:05
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tres spirituel, le yank......au passage, vu l'etat de delabrement avance de la republique socialiste venezuelienne ( ou chacun vit avec moins de 2 euros par jour, ce qui reduit les inegalites), le gouvernement venezuelien a vendu aux russes et aux ch...

à écrit le 07/03/2022 à 18:13
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Les USA achèvent de perdre etoute crédibilité en ce qui concerne les "sanctions" qu'ils imposent régulièrement à différents pays ou entreprises. Les Etats européens feraient bien de s'en apercevoir au lieu de les suivre avec autant de zèle et de s...

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