Présidentielle en Russie : Vladimir Poutine se dirige vers un nouveau mandat, faute d'opposants

La Russie organise ce week-end une élection censée offrir triomphalement à Vladimir Poutine, faute de véritable opposants, un nouveau mandat de six ans et asseoir sa légitimité, en dépit du trouble suscité par le conflit contre l'Ukraine. Le président russe en appelle ce jeudi au « patriotisme » de son peuple pour l'inciter à se rendre aux urnes.
Vladimir Poutine appelle son peuple à faire preuve de « patriotisme » en allant voter à l'élection présidentielle en Russie (photo d'illustration).
Vladimir Poutine appelle son peuple à faire preuve de « patriotisme » en allant voter à l'élection présidentielle en Russie (photo d'illustration). (Crédits : Sergei Savostyanov)

[Article publié le jeudi 14 mars 2024 à 11h09 et mis à jour à 13h32] Vladimir Poutine appelle son peuple à faire preuve de « patriotisme » en allant voter à l'élection présidentielle en Russie, du 15 au 17 mars. « Je vous demande d'aller voter et d'exprimer votre position civile et patriotique, de voter pour le candidat que vous avez choisi, pour un avenir radieux de notre Russie adorée », a déclaré le président russe ce jeudi dans une vidéo, diffusée à la télévision publique.

« Participer aux élections aujourd'hui, c'est manifester vos sentiments patriotiques », a-t-il souligné.

De son côté, l'Ukraine a appelé jeudi la communauté internationale à rejeter le résultat de la présidentielle russe, en qualifiant de « farce » le scrutin où Vladimir Poutine est assuré d'une réélection triomphale.

« L'Ukraine appelle les Etat étrangers et aux organisations internationales (...) à s'abstenir de reconnaître les résultats de cette "élection" », s'est ainsi exprimée la diplomatie ukrainienne dans un communiqué.

Depuis ces derniers jours, les attaques venues d'Ukraine se sont multipliées à l'approche de ces élections. Des combats à la frontière entre les deux pays sont même en cours jeudi et une nouvelle attaque de drones a visé la région russe de Belgorod, faisant au moins deux morts, à quelques heures de l'ouverture des bureaux de vote. Vladimir Poutine a enjoint ses compatriotes à ne pas se « détourner du chemin » lors du scrutin, une allusion à peine voilée à sa propre candidature.

Des affiches appelant au patriotisme russe

En Russie, dans l'espace public, des affiches appellent au patriotisme des Russes pour les inciter à voter. Elles portent un V, symbole des troupes russes en Ukraine, et le slogan : « Ensemble, nous sommes forts, votons pour la Russie ! ». Les autorités organisent des tombolas avec cadeaux et animations pour pousser les électeurs à se déplacer, dans un pays où la défiance à l'égard de la politique est très forte.

Lire aussiOTAN-Russie : pourquoi parler de « nouvelle guerre froide » est une dangereuse illusion

Parallèlement, l'Ukraine et ses alliés occidentaux sont présentés comme de potentiels fauteurs de troubles. En décembre, Vladimir Poutine avait ainsi mis en garde contre des « interférences étrangères » lors du vote et promis une « réponse sévère ».

Un scrutin sans opposition

Le scrutin présidentiel organisé ce week-end devrait, néanmoins, offrir triomphalement à Vladimir Poutine, faute de véritables opposants, un nouveau mandat de six ans et asseoir sa légitimité, en dépit du trouble suscité par le conflit contre l'Ukraine.

Les seuls candidats déclarés s'opposant au conflit en Ukraine, dont les libéraux Boris Nadejdine et Ekaterina Dountsova, soutenus par les signatures de dizaines de milliers de Russes, ont été interdits de participation, officiellement pour des erreurs de dossier.

Outre Vladimir Poutine, trois candidats ont été autorisés : le nationaliste Léonid Sloutski, le communiste Nikolaï Kharitonov et l'homme d'affaires Vladislav Davankov. Tous ont soutenu la campagne militaire en Ukraine. Selon les détracteurs du pouvoir, la participation de ces trois faux adversaires sert à canaliser le mécontentement de diverses strates de la société russe et donner un vernis pluraliste au vote, alors que l'opposition réelle a été laminée par des années de répression.

Lire aussiNucléaire : Poutine bombe le torse, vantant un arsenal « plus avancé » que les Etats-Unis

Les autorités ont plusieurs outils pour contrôler les résultats, toujours selon leurs opposants : trucage de votes effectués en ligne et à distance, bourrage d'urnes, falsification des procès verbaux après le dépouillement, pressions sur les millions de fonctionnaires à travers le pays pour aller voter pour le pouvoir.

Vladimir Poutine s'active pour renforcer sa légitimité

Malgré un résultat qui ne fait guère de doutes, le pouvoir s'investit activement dans la campagne. Objectif : renforcer la légitimité en interne et à l'international de Vladimir Poutine, en montrant qu'il jouit dans les urnes et dans la société d'un soutien massif.

Le président russe a multiplié les apparitions médiatiques ces dernières semaines, s'affichant avec des étudiants, dans des usines ou à bord d'un bombardier des forces de dissuasion nucléaire. Il ne participera à aucun débat électoral, ce qu'il n'a jamais fait depuis son arrivée au pouvoir il y a un quart de siècle.

Lire aussi« Nos dirigeants n'ont pas perçu la réalité du régime de Poutine » (Nicolas Tenzer, géopolitologue enseignant à Sciences Po)

Fin février, dans son discours annuel à la nation, il a fait une longue série d'annonces chiffrées, promettant des milliards de roubles pour moderniser les infrastructures, lutter contre la pauvreté et un déclin démographique prononcé, ou encore numériser le pays.

Des inquiétudes à canaliser

Même si l'économie russe s'est montrée plus résistante que prévu aux multiples sanctions occidentales, nombre de Russes s'inquiètent de la hausse des prix et, de manière générale, de la déstabilisation suscitée par la campagne militaire en Ukraine.

Des problèmes de ressources humaines s'accumulent avec la mort ou le départ au front de milliers de jeunes hommes et la fuite à l'étranger de centaines de milliers de personnes opposées au conflit ou craignant d'être mobilisées dans l'armée.

Les autorités se sont aussi montrées fébriles, ces derniers mois, face aux manifestations de femmes de soldats qui demandent leur retour du front, malgré les fortes sommes d'argent et les avantages sociaux promis aux familles de militaires. Autant de facteurs de mécontentement que le régime cherche à canaliser.

Vote en territoires occupés

Illustration du paradoxe des autorités russes qui veulent donner une image de normalité tout en menant un conflit de haute intensité, l'élection se tiendra aussi dans les territoires ukrainiens occupés depuis 2022 par Moscou.

Kiev affirme que les habitants y sont soumis à des menaces et violences pour aller voter, ce que Moscou dément. Des soldats russes déployés sur place ont déjà pu glisser leur bulletin dans l'urne, comme si de rien n'était, lors de scrutins anticipés.

La Moldavie a annoncé lundi la convocation de l'ambassadeur russe pour protester contre l'ouverture de bureaux de vote pour la présidentielle russe dans la région séparatiste de Transdniestrie, alors que six bureaux de vote ouvriront le 17 mars, le principal jour du vote, pour les 200.000 citoyens russes résidant en Transnistrie.

(Avec AFP)

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.