Programme nucléaire en Corée du Nord : la Russie impose la dissolution d'un système de surveillance onusien de sanctions

Un système de surveillance des sanctions de l'ONU visant la Corée du Nord vient d'être dissous via le veto de Moscou. Une action dénoncée sur la scène internationale, de nombreux pays accusant Pyongyang de livrer des armes à la Russie.
Moscou a imposé jeudi la dissolution du système de surveillance des sanctions de l'ONU contre la Corée du Nord et son programme nucléaire.
Moscou a imposé jeudi la dissolution du système de surveillance des sanctions de l'ONU contre la Corée du Nord et son programme nucléaire. (Crédits : KCNA/via REUTERS)

[Article publié le vendredi 29 mars 2024 à 08h19 et mis à jour à 12h35] Nouveau coup stratégique de la Russie. Moscou a imposé jeudi la dissolution du système de surveillance des sanctions de l'ONU contre la Corée du Nord et son programme nucléaire. Une action fustigée par les Etats-Unis ou encore l'Europe dénonçant la protection mutuelle entre les deux pays.

« Ce qu'a fait la Russie aujourd'hui avec cynisme sape la paix et la sécurité dans le monde, tout cela pour favoriser un troc vicié que Moscou a scellé » avec Pyongyang, sur de l'armement notamment, a réagi Matthew Miller, porte-parole du département d'Etat américain.

Le veto russe est « une tentative visant à dissimuler des transferts illégaux d'armes entre la Corée du Nord et la Russie », a estimé l'UE. « Cela aura de graves conséquences sur la capacité à mettre en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité et à répondre aux actions déstabilisatrices » de Pyongyang et « sapera l'architecture mondiale de non-prolifération », a-t-elle averti.

Sanctions depuis 2006

Pour rappel, la Corée du Nord est soumise depuis 2006 à des sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU liées à son programme nucléaire, renforcées plusieurs fois en 2016 et 2017. Mais depuis 2019, la Russie et la Chine mettent notamment en avant la situation humanitaire de la population nord-coréenne pour réclamer l'allègement de ces sanctions, qui n'ont pas de date de fin.

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N'ayant pas obtenu gain de cause, les Russes ont pris pour cible le comité d'experts chargé de surveiller l'application de ces mesures, comité dont les rapports font référence. Malgré plusieurs reports du vote pour permettre des négociations, la Russie a ainsi mis son veto jeudi à un projet de résolution prolongeant d'un an le mandat de ce comité. Le texte a recueilli 13 voix pour, la Chine s'étant abstenue.

Mais le coup de force de Moscou est intervenu après que le comité d'experts chargé de surveiller l'application de ces mesures a annoncé avoir commencé à enquêter sur « des informations » faisant état de l'exportation par la Corée du Nord « d'armes conventionnelles et de munitions » en violation des sanctions, notamment vers la Russie.

Un rapport de 600 pages

En effet, dans son dernier rapport de 600 pages début mars, le comité d'experts souligne que la Corée du Nord continue de « bafouer les sanctions du Conseil de sécurité », notamment en développant son programme nucléaire, en lançant des missiles balistiques ou encore en violant les sanctions maritimes et les limites d'importations de pétrole. Le comité affirme d'autre part avoir commencé à enquêter sur « des informations » faisant état de l'exportation par la Corée du Nord « d'armes conventionnelles et de munitions » en violation des sanctions, notamment vers la Russie.

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L'ambassadeur russe Vassili Nebenzia a justifié ce veto en estimant que, dans les conditions actuelles, le comité n'a plus lieu d'être, se concentrant sur « des questions sans intérêt, pas à la mesure des problèmes auxquels fait face la péninsule ». Il avait à la place proposé au Conseil une réévaluation du régime des sanctions. « S'il y avait un accord pour un renouvellement annuel des sanctions, le mandat du comité d'experts aurait un sens », a-t-il expliqué. Une proposition soutenue par la Chine.

« Pendant de longues années, les mesures de restrictions internationales n'ont pas aidé à améliorer la situation sécuritaire dans la région. Au contraire, en l'absence de mécanismes permettant de réviser et alléger ces sanctions, cet instrument est un obstacle majeur au renforcement de la confiance et au maintien d'un dialogue politique », a affirmé de nouveau le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.

« La situation actuelle dans la péninsule de Corée reste tendue et imposer aveuglément des sanctions ne peut pas résoudre le problème », a indiqué de son côté Lin Jian, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois.

Pas une première

Une action mal vue sur la scène internationale. « Ce veto n'est pas un signe de l'inquiétude pour la population nord-coréenne ou pour l'efficacité des sanctions. Cela concerne la Russie, obtenant la liberté de violer les sanctions en quête d'armes pour les utiliser contre l'Ukraine », a dénoncé l'ambassadrice britannique à l'ONU Barbara Woodward.

Ce veto « est en fait une admission de culpabilité. Moscou ne cache plus sa coopération militaire avec la Corée du Nord (...) ainsi que l'utilisation d'armes nord-coréennes dans la guerre contre l'Ukraine », a commenté sur le réseau social X le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba.

« La Russie a désormais utilisé son veto pour mettre un terme à deux comités d'experts, en raison du développement de ses relations militaires avec ces gouvernements », ont dénoncé dans un communiqué commun Etats-Unis, France, Japon, Corée du Sud et Royaume-Uni, en référence au Mali.

Car ce n'est pas la première fois que Moscou utilise ce procédé. En août dernier, témoignant de son soutien à Bamako, la Russie avait en effet bloqué une résolution qui aurait prolongé le mandat des experts ayant rendu des conclusions accablantes pour la junte malienne et ses « partenaires de sécurité étrangers ».

De son côté, la Corée du Sud a qualifié de « décision irresponsable » le veto de la Russie, via un communiqué du ministère sud-coréen des Affaires étrangères. « Il ne peut y avoir aucune justification à la disparition des gardiens du régime de sanctions », a fustigé jeudi l'ambassadeur sud-coréen Joonkook Hwang. « C'est comme détruire des caméras de surveillance pour empêcher d'être pris la main dans le sac ».

Des liens qui se renforcent

La Russie et la Corée du Nord sont toutes deux soumises à des sanctions internationales : Moscou pour son invasion de l'Ukraine et Pyongyang pour ses essais d'armes nucléaires. En septembre, le président russe Vladimir Poutine et le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un ont tenu un sommet dans l'Extrême-Orient russe au cours duquel Kim a déclaré que les liens avec Moscou étaient la « priorité numéro un » de son pays.

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Les Etats-Unis ont ensuite affirmé que Pyongyang avait commencé à fournir des armes à Moscou. La Corée du Sud a, elle, déclaré début mars que la Corée du Nord avait expédié environ 7.000 conteneurs d'armes à la Russie pour sa guerre contre l'Ukraine depuis le début des transferts en juillet. Pyongyang cherche à obtenir en retour une série d'aides militaires, telles que la technologie relative aux satellites et la modernisation de son équipement militaire datant de l'ère soviétique, selon Washington.

Des liens qui se renforcent de plus en plus. Le chef du renseignement russe s'est même déplacé à Pyongyang en début de semaine pour discuter de la coopération en matière de sécurité, a indiqué jeudi l'agence nord-coréenne KCNA.

Le directeur du renseignement extérieur russe (SVR), Sergueï Narychkine, a rencontré le ministre nord-coréen de la sécurité d'Etat, Ri Chang Dae, lors de sa visite qui s'est déroulée de lundi à mercredi. Les responsables ont discuté du renforcement de la coopération « pour faire face à l'espionnage et aux complots de plus en plus nombreux des forces hostiles », a rapporté KCNA.

« Les deux parties sont parvenues à un consensus complet sur les questions en suspens lors des deux entretiens qui se sont déroulés dans une atmosphère de camaraderie et d'amitié », selon la même source.

(Avec AFP)

Commentaires 6
à écrit le 30/03/2024 à 0:50
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On a un axe du « mal «  contre les démocraties qui se confirme : Moscou- Teheran-Pyonyang-Pekin et dans une moindre mesure l’hypocrisie d’ Ankara … bienvenue dans le nouveau monde ! J ai déjà intégré cet axe dans ma consommation et mes loisirs tour...

à écrit le 30/03/2024 à 0:50
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On a un axe du « mal «  contre les démocraties qui se confirme : Moscou- Teheran-Pyonyang-Pekin et dans une moindre mesure l’hypocrisie d’ Ankara … bienvenue dans le nouveau monde ! J ai déjà intégré cet axe dans ma consommation et mes loisirs tour...

à écrit le 29/03/2024 à 12:57
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"La Corée du Sud a, elle, déclaré début mars que la Corée du Nord avait expédié environ 7.000 conteneurs d'armes à la Russie pour sa guerre contre l'Ukraine". Selon le Washington Post, la Corée du Sud pourrait livrer en 41 jours 330 000 obus de 15...

à écrit le 29/03/2024 à 9:32
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Ca marche pas les Sang siong ! C'est juste fait pour entretenir des ronds de cuirs qui voyagent en 1ère classe et s'indignent ! Des emplois ficitifs à un fric fou !

à écrit le 29/03/2024 à 8:40
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Bonjour et merci de nous donner la parole, savez-vous, où en sont concrètement les livraisons d’armes et d’avion à l’Ukraine ?

à écrit le 29/03/2024 à 8:34
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"un système de surveillance onusien de sanctions" Bah de toutes façons plus les intitulés sont longs plus l'intérêt est court. Encore une usine à gaz imposée par l'UE pour engraisser un de ses multiples réseaux pourtant déjà bien trop gras... Parce q...

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