Relèvement du plafond de la dette américaine : le ton des discussions s'améliore entre Joe Biden et Kevin McCarthy

Après « une discussion productive » le Président Joe Biden et le président de la Chambre des représentants Kevin McCarthy ne sont pas parvenus à un accord pour augmenter le plafond de la dette. Les Républicains majoritaires au Parlement demandent en effet au gouvernement de réduire drastiquement la dette, ce que Joe Biden refuse. Mais si les discussions s’éternisent, l’échéance d’un défaut de paiement des Etats-Unis se rapproche.
Joe Biden a rencontré le président républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy lundi à la Maison-Blanche pour tenter de le convaincre d'augmenter le plafond de la dette.
Joe Biden a rencontré le président républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy lundi à la Maison-Blanche pour tenter de le convaincre d'augmenter le plafond de la dette. (Crédits : KEVIN LAMARQUE)

Tic tac, tic tac, il ne reste plus que dix jours à Joe Biden pour faire voter une augmentation du plafond de la dette avant que le pays ne se retrouve théoriquement en défaut de paiement.

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Joe Biden et le chef de l'opposition Kevin McCarthy ont voulu croire lundi à une sortie de crise, mais leurs désaccords ne sont pas encore surmontés. Après leur rencontre ce lundi, Joe Biden et Kevin McCarthy, le dirigeant républicain de la Chambre des représentants ont voulu croire à une sortie de crise, même si leurs désaccords ne sont pas encore surmontés.

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« Nous n'avons pas encore d'accord mais une discussion productive dans des domaines où nous avons des différences d'opinion », a déclaré à la presse Kevin McCarthy, ajoutant que « le ton des discussions était meilleur que toutes les fois précédentes ».

Un défaut de paiement possible dès le 1er Juin

Les choses semblent donc avancer petit à petit même si le torchon brûle toujours entre les parlementaires et le président américain. En effet, contrairement aux autres économies, la première puissance mondiale ne peut dépasser un certain montant d'endettement, fixé à 31.400 milliards de dollars depuis 2017. Si Joe Biden veut relever ce plafond pour payer toutes ses charges, il lui faut négocier avec le Sénat et la Chambre des représentants afin que ces deux organes législatifs votent en faveur d'un rehaussement.

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Problème, il y a aujourd'hui urgence à relever le plafond de la dette. La secrétaire au Trésor Janet Yellen a rappelé lundi qu'il était « très probable » que les Etats-Unis se retrouvent à court d'argent public après le 1er juin si l'Etat fédéral ne pouvait pas emprunter à nouveau. Une situation exceptionnelle et qui imposerait à l'Etat fédéral de geler le fonctionnement de certaines administrations, la rémunération de certains fonctionnaires ou les retraites d'anciens combattants, à titre temporaire.

Pour éviter ce scénario catastrophique, le Président tente de convaincre le Parlement d'accepter de relever le plafond. Mais des divergences profondes empêchent pour l'instant les deux parties de se mettre d'accord.

Les républicains veulent diminuer la dette

Les républicains, majoritaires au sein de la chambre des représentants exigent, pour donner leur feu vert, une forte réduction des dépenses publiques. « Il faut changer de trajectoire, notre dette est trop grande », a dit Kevin McCarthy avant sa réunion avec Joe Biden. Mais ce point rebute Joe Biden, qui fait campagne pour sa réélection en 2024 sur une promesse de justice sociale. Le président américain a, de son côté, expliqué qu'il était certes favorable à une réduction du déficit, mais qu'il fallait « s'intéresser aux niches fiscales et assurer que les riches paient leur juste part » d'impôts.

Toujours est-il que l'échéance se rapproche et que pour éviter un défaut de paiement, Joe Biden souhaite « arriver à un résultat que nous pourrons vendre des deux côtés », a-t-il reconnu lundi. L'aile gauche du parti démocrate voudrait plutôt le voir passer en force en invoquant le 14e amendement de la Constitution américaine, qui interdit de « remettre en question » la solvabilité de la première puissance mondiale. Dans ce cas, le gouvernement émettrait de nouveaux emprunts, comme si le plafond de la dette n'existait pas. Cette stratégie est toutefois lourde de dangers juridiques, surtout lorsque l'on fait face comme Joe Biden à une Cour suprême fermement ancrée à droite.

Quelles conséquences en cas de défaut ?

Fonctionnaires sans salaire, Bourse qui s'affole, économie mondiale qui plonge, ... Quelles pourraient être les conséquences d'un défaut de paiement de la première économie du monde, une situation inédite ?

Pour les Américains

« Tout Américain qui dépend de manière directe ou indirecte, d'un paiement du gouvernement, ne sera plus payé », résume Gregory Daco, chef économiste pour EY Parthenon, dans un entretien à l'AFP. Cela concerne les salaires et retraites des fonctionnaires et militaires, les prestations sociales liées à l'enfance, aux soins de santé, aux bas revenus, aux personnes âgées, ...

Le Trésor risque « de manquer de liquidités pour payer des centaines de milliards de dollars » de factures, souligne Nancy Vanden Houten, économiste pour Oxford Economics. Et « les entreprises qui travaillent pour le gouvernement ne seront plus payées non plus », ajoute Gregory Daco. Par ailleurs, « si les marchés boursiers chutent, (...) l'épargne des gens et l'épargne-retraite seraient pénalisées », a indiqué à l'AFP Nathan Sheets, chef économiste pour la banque Citigroup.

- Pour les marchés mondiaux

« D'un point de vue des marchés financiers, on aurait un stress énorme », souligne Gregory Daco.

En 2011, lorsque le pays était passé à deux doigts du défaut de paiement, la Bourse de New York s'était effondrée, avec une chute du S&P 500 "de l'ordre de 13-14% », rappelle-t-il. Ce qui ferait tout basculer : le fait que les Etats-Unis soient incapables de rembourser les porteurs de bons du Trésor, placement roi de la finance mondiale.

Les investisseurs internationaux décideront-ils de se replier et ne plus investir?, interroge Gregory Daco. D'ores et déjà, « les investisseurs sont devenus plus réticents à détenir de la dette souveraine qui arrive à échéance en juin », a récemment alerté la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen.

Et, si le prix des obligations américaines s'effondre, « la situation serait catastrophique pour tous les organismes qui détiennent beaucoup d'obligations publiques émises par les États-Unis, comme les banques, les fonds de pension, les compagnies d'assurance, ou les fonds de placement collectifs », note Eric Dor, directeur des Études économiques à l'école de commerce IESEG.

Avec, souligne-t-il, un risque de faillites et « des effets en chaîne avec une nouvelle crise financière globale ». Quant au dollar, il « se déprécierait très fortement », relève-t-il encore. Or, le système financier mondial « dépend de la stabilité du dollar », soulignait le Center for american progress dans une note du 11 mai.

Mais, comme en 2011, l'or pourrait être le grand gagnant : « c'est la valeur refuge », parce que dans le cas d'une menace de défaut de paiement, « le dollar va baisser, les rendements obligataires vont baisser et les actions chutent », a prévenu Jack Ablin, de Cresset Capital, à l'AFP.

- Pour l'économie américaine

L'impact économique vient simplement du fait que le gouvernement arrête de dépenser », souligne Gregory Daco.

La consommation des ménages est en effet la locomotive de l'économie américaine. Avec un « effet multiplicateur », ajoute-t-il, car une dépense plus faible du gouvernement signifie « que la famille qui ne touche pas son chèque (...) ne va pas pouvoir dépenser la même chose en allant faire les courses, ce qui (...) va affecter le magasin dans lequel ils font leurs courses, ce qui va ensuite affecter leurs propres décisions de recruter, ... »

Par ailleurs, le gouvernement n'étant plus en mesure de payer ses fournisseurs, « les sociétés dont l'Etat américain est client seraient menacées (...) de faillite », ajoute Eric Dor. Les impacts financier et économique cumulés pourraient coûter à l'économie américaine 5% de PIB, estime Gregory Daco: « on parle d'un choc plus significatif que la contraction du PIB pendant la crise financière. On parle d'un choc énorme ».

- Pour l'économie mondiale

Les effets d'une crise économique américaine pourraient évidemment se propager à l'échelle mondiale. D'autant plus que les taux d'intérêt des "obligations émises par les États-Unis augmenteraient très fortement", avec des réactions en chaîne : « baisse de l'investissement des entreprises et des ménages, ainsi que de la consommation, et donc une forte récession aux États-Unis », qui pourrait se propager « en Europe et ailleurs », anticipe Eric Dor.

« Je ne pense pas que la croissance mondiale ou la croissance américaine seront affectées cette année de manière significative », nuance cependant Nathan Sheets.

La situation pourrait, paradoxalement, profiter à certaines entreprises américaines exportatrices, car une dépréciation du dollar « augmenterait la demande étrangère pour leurs produits en les rendant effectivement moins chers », selon une note du Council on Foreign Relations du 2 mai.

(AFP)

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