Relèvement du plafond de la dette : tout comprendre sur le risque de défaut de paiement des Etats-Unis

Le bras de fer entre Joe Biden et les Républicains sur le relèvement du plafond de la dette se durcit, et menace la solvabilité des Etats-Unis, leur économie et par ricochet toute l’économie mondiale. Comment en est-on arrivé là ? Réponse en quatre questions.
Joe Biden refuse de céder aux coupes budgétaires massives que réclament les républicains à la Chambre des représentants.
Joe Biden refuse de céder aux coupes budgétaires massives que réclament les républicains à la Chambre des représentants. (Crédits : KEVIN LAMARQUE)

Les négociations entre la Maison-Blanche et l'opposition républicaine sur le relèvement du plafond de la dette ont fait, le week-end dernier, « un pas en arrière », selon les propos d'un porte-parole du gouvernement américain. Et pourtant cet accord est plus que nécessaire pour la première économie mondiale qui risque, autrement, un défaut de paiement. Explications.

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Pourquoi la dette américaine est-elle plafonnée ?

Contrairement aux autres économies, la première puissance mondiale ne peut dépasser un certain montant d'endettement, fixé actuellement à 31.400 milliards de dollars. Un plafond, mis en place en 1917, et qui avait initialement pour but de permettre au Trésor américain, en temps de guerre, d'obtenir des marges de manœuvre budgétaires sans solliciter en permanence les parlementaires. Ces derniers pouvaient conserver un droit de regard à travers cette limitation de la dette.

Une spécificité de l'État fédéral américain devenu depuis une contrainte pour les présidents successifs, qui dépendent donc de l'aval du Sénat et de la Chambre des représentants pour financer leur politique. En effet, une fois que le montant atteint, comme c'est le cas depuis fin janvier, il appartient au Congrès américain de voter un relèvement de ce plafond.

Quels risques pour l'économie américaine et mondiale si les Etats-Unis font défaut ?

L'absence d'accord mènerait le pays jusqu'au défaut de paiement. Concrètement, un défaut de l'Etat fédéral imposerait de geler le fonctionnement de certaines administrations, la rémunération de certains fonctionnaires ou les retraites d'anciens combattants, à titre temporaire. Le crédit de Washington auprès des investisseurs s'en trouverait lui aussi très amoindri. Cela se matérialiserait par une hausse des taux souverains, les détenteurs de bons du Trésor (T-Bond) pouvant légitimement craindre de ne pas être remboursés. Par ricochet, le coût des crédits, déjà élevés à cause de la hausse des taux directeurs de la Fed, s'envolerait pour les ménages et les entreprises.

Pour l'instant, les T-Bond restent l'un des actifs les plus sûrs du monde financier. Mais les conséquences du risque d'un défaut de paiement se font déjà ressentir. En fin de semaine dernière, à la suite de la rupture des négociations entre démocrates et républicains, les cours du pétrole ont reculé. Les investisseurs sont « plus réticents à détenir de la dette souveraine qui arrive à échéance en juin », a expliqué Janet Yellen. La secrétaire au Trésor consulte directement les grands patrons de Wall Street, en particulier leur vétéran Jamie Dimon. À la tête de JP Morgan depuis plus de quinze ans, ce dernier se montre très préoccupé par le risque de défaut. « Plus vous vous en approchez, plus vous aurez de panique », a-t-il expliqué à Bloomberg la semaine passée.

L'administration Biden tire donc la sonnette d'alarme depuis plusieurs semaines sur les risques d'une « catastrophe économique et financière » mondiale selon la ministre des Finances. « Faire défaut sur notre dette affecterait tellement les Etats-Unis et l'économie mondiale que je pense que cela devrait être considéré par tous comme quelque chose d'impensable », a-t-elle averti au début du mois lors du G7 finance au Japon. Et si le Trésor parvient pour l'instant à éviter le défaut par une série de jeux comptables, cette situation ne peut s'éterniser. Janet Yallet considère, en effet, qu'elle ne pourra durer que jusqu'à mi-juin au plus tard, avant que l'Etat américain ne se retrouve à court d'argent frais.

Pourquoi le relèvement du plafond bloque-t-il ?

Afin d'éviter un défaut de paiement, Joe Biden doit donc au plus vite trouver un accord avec les républicains. Ces derniers, majoritaires à la Chambre des représentants, conditionnent le relèvement du plafond de la dette à une réduction des dépenses fédérales. Ils souhaiteraient les ramener au niveau de 2022, ce qui reviendrait à couper 130 milliards de dollars de fonds publics. « Washington ne peut pas continuer à dépenser l'argent que nous n'avons pas », a déclaré dimanche sur Twitter le président de la Chambre des représentants des États-Unis sur Twitter Kevin McCarthy.

Sous la pression de Donald Trump, toujours très populaire auprès de l'électorat républicain et candidat déclaré aux élections présidentielles de 2024, les républicains sont donc appelés à faire chanter Joe Biden en brandissant la menace du défaut de paiement. « Aux élus, aux sénateurs je dis: s'ils ne vous donnent pas des coupes massives, vous allez devoir provoquer un défaut de paiement », a assumé l'ancien président sur CNN le 10 mai dernier.

En réponse, Joe Biden rejette l'option de coupes massives, se contentant de proposer la diminution de certaines dépenses et des hausses d'impôts sur les entreprises et les ménages les plus aisés. Selon lui, la position des républicains « protège des milliards (de dollars) de subventions pour les grandes sociétés pétrolières tout en mettant en danger les soins de santé de 21 millions d'Américains (...), et protège les riches fraudeurs fiscaux tout en mettant en danger l'aide alimentaire pour un million d'Américains ».

A-t-on déjà vu un défaut de paiement dans l'histoire américaine ?

Au printemps 1979, les Etats-Unis n'avaient plus été en mesure d'honorer certaines dettes à la suite d'erreurs administratives du Trésor. Le pays s'était temporairement retrouvé en défaut de paiement sur une infime partie de l'encours total de sa dette, soit 0,02%. Cet accroc avait déjà eu lieu dans un contexte de batailles politiques entre l'administration Carter et le Congrès pour remonter le plafond de la dette, alors bloqué à... 830 milliards de dollars. Soit 38 fois moins qu'aujourd'hui.

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Plus récemment, en juillet 2011, l'ancien président Barack Obama avait réussi à trouver un accord avec le Congrès in extremis à seulement un jour de la date butoir. L'agence de notation S&P avait alors dégradé la notation de la dette américaine, lui retirant pour la première fois la meilleure note AAA.

Puis, en octobre 2013, un énième désaccord entre Obama et le Congrès sur le budget fédéral avait cette fois-ci conduit à un shutdown, soit un arrêt de plusieurs administrations et services fédéraux en raison d'un manque de deniers publics.

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