( Mis à jour à 20h30 )
Le chef du groupe paramilitaire Wagner Evguéni Prigojine est entré en rébellion ce samedi contre le Kremlin et jure d'aller « jusqu'au bout » pour abattre le commandement militaire russe, qu'il accuse d'avoir bombardé et tué ses mercenaires. « Nous détruirons tout ce qui sera mis sur notre route », a affirmé Evguéni Prigojine dans un message audio sur Telegram, ce qui laisse à penser qu'il pourrait tenter de prendre le contrôle d'autres villes russes.
Pour l'instant, le chef de Wagner a affirmé tenir le quartier général de l'armée russe à Rostov, centre névralgique des opérations en Ukraine, et contrôler plusieurs sites militaires, après avoir fait franchir la frontière russe à ses hommes, jusqu'ici postés en Ukraine. « Nous sommes au QG, il est 07H30 du matin », a déclaré à l'aube Evguéni Prigojine dans une vidéo sur Telegram. « Les sites militaires de Rostov sont sous contrôle, y compris l'aérodrome ».
Dans la journée de samedi, des hommes de Wagner ont pénétré dans la région de Lipetsk à 400 kilomètres au sud de Moscou. Dans la capitale, la tension est palpable alors que des forces de sécurité ont été déployées. Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a toutefois précisé que Vladimir Poutine travaillait encore au Kremlin.
Le maire de Moscou a néanmoins appelé les habitants à limiter les déplacements en ville, en reconnaissait que la situation était « difficile » et en décrétant lundi un jour chômé. La région russe de Kalouga, dont la capitale régionale est à 180 km au sud de Moscou, a elle imposé des restrictions sur les déplacements face à la rébellion.
Wagner appelle les Russe à le rejoindre
« Le comité des commandements du groupe Wagner a décidé que ceux qui ont la responsabilité militaire du pays doivent être stoppés », a lancé le patron de Wagner dans un message audio, en appelant à ne pas opposer de « résistance » à ses troupes. Il dit disposer de « 25.000 combattants » et appelle d'autres Russes à les « rejoindre ».
« Nous sommes 25.000 et nous allons déterminer pourquoi le chaos règne dans le pays (...) Nos réserves stratégiques, ce sont toute l'armée et tout le pays », a poursuivi Evguéni Prigojine dans un message audio, disant vouloir « mettre fin au désordre ».
En réponse, Vladimir Poutine a dénoncé samedi dans une allocution à 7 heures du matin la « menace mortelle » et le risque de « guerre civile » que fait peser sur la Russie Evguéni Prigojine, sans jamais le nommer mais promettant de « punir » les « traîtres » qui le défient.
« Un coup de poignard », selon Vladimir Poutine
« C'est un coup de poignard dans le dos de notre pays et de notre peuple », a expliqué Vladimir Poutine dans une adresse à la nation. « Ce à quoi nous faisons face, ce n'est rien d'autre qu'une trahison. Une trahison provoquée par les ambitions démesurées et les intérêts personnels » de Prigojine, a-t-il insisté, reconnaissant que la situation était « difficile » à Rostov.
En réaction , le parquet général russe a ouvert une enquête pour « mutinerie armée » contre Wagner. Les autorités disent avoir renforcé les mesures de sécurité à Moscou où le « régime d'opération antiterroriste » vient d'être instauré. Le FSB (forces de sécurité) a lui exhorté les combattants de Wagner à arrêter leur chef.
En écho, l'influent général russe, Sergueï Sourovikine, a lancé un appel aux combattants de Wagner à cesser leur mutinerie. « Je (vous) demande de vous arrêter (...) avant qu'il ne soit trop tard, il faut obéir à la volonté et à l'ordre du président élu de la Russie », a-t-il dit dans une vidéo sur Telegram.
« Nous sommes des patriotes. Personne ne va se rendre à la demande du président, des services de sécurité ou de qui que ce soit », a rétorqué Prigojine qui s'en prend pour la première fois au maître du Kremlin.
Les dirigeants très attentifs côté ukrainien et occidental
« L'homme du Kremlin a évidemment très peur et se cache probablement quelque part. Je suis sûr qu'il n'est plus à Moscou », a déclaré Volodymyr Zelensky dans son allocution quotidienne. « Aujourd'hui, le monde a vu que les dirigeants russes n'ont aucun contrôle sur quoi que ce soit. Rien du tout. C'est un chaos total ».
Kiev voit dans cette rébellion « une fenêtre d'opportunité » pour l'Ukraine, selon la vice-ministre ukrainienne de la Défense, Ganna Maliar. La mutinerie du groupe Wagner révèle la faiblesse de la Russie, pays plongé dans « le mal et le chaos », a noté le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ajoutant que l'Ukraine protégeait le reste de l'Europe.
Cette guerre ouverte expose l'armée russe et les mercenaires de Wagner, supplétifs indispensables à la guerre que mène Moscou en Ukraine. La mutinerie risque de laisser des traces côté russe, et pourrait influer sur le cours des combats si le camp russe se désunit.
A Washington, la Maison Blanche a dit suivre de près la situation. « Le Président suit la situation de près. Nous restons concentrés sur le soutien à l'Ukraine », a également indiqué l'Elysée dans un communiqué. A Londres, l'opposant russe en exil et homme d'affaires Mikhaïl Khodorkovski pousse les Occidentaux à soutenir Evguéni Prigojine pour combattre le régime de Vladimir Poutine. « Oui, même le diable il faudrait l'aider s'il décidait d'aller contre ce régime! », a-t-il souhaité sur Telegram. Les ministres des Affaires étrangères du G7 se sont également entretenus samedi pour « échanger leurs vues sur la situation en Russie ».