Céréales ukrainiennes : Poutine impose ses conditions et menace (encore) de ne pas prolonger l'accord

Alors que l'accord sur l'exportation des céréales ukrainiennes a été prolongé le 19 mars dernier jusqu'au 18 mai, la Russie menace de ne pas le renouveler si ses exigences ne sont pas satisfaites. Moscou réclame notamment la levée des obstacles à ses exportations d'engrais déplorant qu'« à ce jour, aucun progrès réel n'a été réalisé » dans ce but.
L'accord permettant les exportations de céréales venues d'Ukraine a été, à nouveau, prolongé le 19 mars dernier.
L'accord permettant les exportations de céréales venues d'Ukraine a été, à nouveau, prolongé le 19 mars dernier. (Crédits : Reuters)

L'accord sur les céréales ukrainiennes, trouvé en juillet 2022, est à nouveau en péril. Permettant l'exportation de ces denrées par bateau via des corridors sécurisés dans la mer Noire, malgré la guerre qui a éclaté le 24 février 2022, il a été prolongé le 19 mars jusqu'au 18 mai.

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Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a d'ores et déjà présenté une « voie à suivre » pour permettre sa prolongation. Dans sa lettre au président russe Vladimir Poutine, il a ainsi tracé « les contours d'une voie à suivre proposée pour améliorer, prolonger et étendre » l'accord, selon les Nations unies.

« Nous n'avons vu pour l'instant que des promesses »

De son côté, Vladimir Poutine ne semble pas avoir été convaincu par les arguments onusiens. « Nous apprécions les efforts de l'ONU, [qui] essaie de faire de son mieux », a salué l'ambassadeur russe auprès des Nations unies à Genève Gennady Gatilov, ancien vice-ministre des Affaires étrangères, lors d'une conférence de presse.

« Mais nous n'avons vu pour l'instant que des promesses. L'ONU reconnaît qu'il y a des problèmes qui doivent être résolus. Je ne sais pas s'ils seront en mesure de réaliser des progrès suffisants dans le délai imparti », a-t-il taclé, tout en reconnaissant ne pas connaître les détails de la lettre d'Antonio Guterres.

Moscou déroule ses exigences

Mi-avril, la Russie a, en effet, à nouveau menacé de suspendre l'initiative sur les céréales, si ses cinq exigences n'étaient pas remplies. La Russie a, d'ailleurs, fait valoir qu'elle accepterait que l'accord ne court que pendant soixante jours, plutôt que la reconduction tacite initialement convenue de 120 jours.

Parmi les exigences formulées : la reconnexion au système bancaire international Swift de la banque russe spécialisée dans l'agriculture Rosselkhozbank, la reprise des livraisons en Russie d'engins et pièces détachées agricoles, l'annulation des entraves pour assurer des navires et accéder aux ports étrangers.

« Aucun progrès réel n'a été réalisé »

La Russie a également insisté sur le dégel des actifs de sociétés russes liées au secteur agricole situés à l'étranger et à la reprise du fonctionnement du pipeline Togliatti-Odessa. Ce dernier relie la Russie à l'Ukraine. Il permet la livraison d'ammoniac, un composant chimique très utilisé en agriculture. « À ce jour, aucun progrès réel n'a été réalisé dans la résolution de ces problèmes », a prétendu ce mercredi Gennady Gatilov.

Et d'ajouter : « Notre position sur l'avenir de l'extension de l'initiative reste inchangée. Nous avons besoin de progrès sur les questions que j'ai mentionnées », a-t-il martelé, en assurant que Moscou n'avait pas encore pris de décision sur l'avenir de l'accord céréalier : « Nous ne sommes pas encore là, nous avons encore du temps ».

Lutter contre la crise alimentaire mondiale

Or, cet accord est crucial pour tempérer la crise alimentaire mondiale qui frappe des centaines de millions de personnes. En l'espace de huit mois, ce texte a permis l'exportation d'un peu plus de 23 millions de tonnes de céréales selon les Nations unies. Près de la moitié a été livrée à des pays en développement (49 %), et quasiment à des pays développés (45 %). Seuls 6 % du total ont rejoint les pays les moins développés.

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La crainte de sa suspension était d'ailleurs au menu des discussions des réunions des ministres du G7, préparatoires au sommet des chefs d'Etat qui se tiendra à Hiroshima du 19 au 21 mai sous présidence japonaise. Le sujet s'est retrouvé au cœur du communiqué final publié le 23 avril par les ministres de l'Agriculture des pays membres du Groupe des Sept (ou G7, composé de l'Allemagne, le Canada, les États-Unis, la France, l'Italie, le Japon et le Royaume-Uni.) qui a appelé à « la prolongation, l'entière mise en œuvre et l'élargissement » de l'accord.

Déjà le 18 avril, les ministres des Affaires étrangères du G7 réunis à Karuizawa, avaient reconnus « le rôle capital que jouent les corridors de solidarité, l'Initiative céréalière de la mer Noire et le Programme sur les céréales en provenance d'Ukraine pour soutenir le rétablissement du secteur agricole ukrainien et prévenir l'apparition de nouveaux chocs dans les systèmes alimentaires ». Ils avaient dès lors appelé « la Russie à cesser de menacer l'approvisionnement mondial en denrées alimentaires et à permettre à l'Initiative céréalière de la mer Noire de fonctionner indéfiniment et au maximum de ses capacités ».

Et pour cause, « la pandémie de COVID-19 et la guerre d'agression illégale de la Russie contre l'Ukraine ont exacerbé la situation alimentaire et nutritionnelle mondiale déjà difficile »,  selon les membres du G7. En se basant sur les estimations de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), ils ont estimé que cette guerre avait poussé 10,7 millions de personnes supplémentaires en situation de faim chronique en 2022, s'ajoutant aux 800 millions de personnes déjà touchées. L'impact est néanmoins bien plus faible que celui de la pandémie de Covid-19, estimé à 150 millions de personnes supplémentaires en 2020.

(Avec AFP)

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