Télécoms : le réseau cuivre d'Orange, un trésor de plusieurs milliards d’euros

Alors que la fibre devient progressivement le réseau de référence pour l’Internet fixe, Orange s’apprête à démarrer un vaste chantier : celui de l’arrêt puis du démantèlement du réseau cuivre, utilisé pour le téléphone et l’ADSL. Avec la flambée du cours du cuivre ces deux dernières années, ces infrastructures valent, selon nos calculs, au regard de leur seul poids en métal, une fortune de 8,8 milliards d’euros. Une estimation qu’Orange juge « excessivement élevée ». L’opérateur devra, notamment, y soustraire d’importants frais de démontage et les coûts de retraitement des câbles.
Pierre Manière
Orange débutera la « dépose » de son réseau cuivre en 2030.
Orange débutera la « dépose » de son réseau cuivre en 2030. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

C'est une petite révolution dans les télécoms françaises. Aujourd'hui, la fibre est en passe de devenir le réseau de référence pour se connecter à Internet à la maison. Quand ils en ont la possibilité, les Français se ruent vers cette technologie, bien plus rapide que le vieil ADSL. D'après les derniers chiffres de l'Arcep, le régulateur des télécoms, l'Hexagone compte 15,5 millions d'abonnés à la fibre. Celle-ci représente près de la moitié (49%) des accès à haut et à très haut débit. Désormais, ce sont près des trois quarts des locaux et habitations du pays qui peuvent en bénéficier. Cette percée de la fibre va de pair avec la baisse des clients ADSL, sur le réseau cuivre. Leur nombre a chuté de 2,8 millions en un an, à 12,3 millions de fidèles.

C'est la raison pour laquelle Orange se prépare à éteindre, puis à démanteler, son réseau cuivre. L'ex-France Télécom est le seul propriétaire de cette infrastructure, qui a massivement été déployée dans les années 1970 pour apporter le téléphone aux Français. Elle a ensuite été modernisée pour fournir de l'ADSL à tous les foyers. Les opérateurs alternatifs comme SFR, Bouygues Telecom et Free louent aujourd'hui ce réseau à Orange pour servir leurs propres clients. L'opérateur historique a précisé, le 7 février dernier, les modalités d'extinction de cette infrastructure. Il ambitionne de boucler ce chantier en 2030. Pour Orange comme ses rivaux, conserver et entretenir deux réseaux Internet fixe relèverait, en effet, d'une aberration économique.

Orange est « assis sur une mine de cuivre »

Parmi les nombreuses questions qui se posent autour de ce chantier colossal, celle de la valeur de ce réseau cuivre figure en bonne place. On parle, ici, d'une quantité astronomique de métal. « Moi, je suis assis sur une mine de cuivre ! », rigolait Didier Lombard, ancien patron de France Télécom, dans un entretien à Libération en 2005. Un métal dont, qui plus est, le cours a flambé ces dernières années. Celui-ci se situe désormais à 8.514 euros la tonne. Il pourrait, en outre, encore grimper dans les années à venir, étant donné la demande croissante de secteurs comme le bâtiment, l'énergie ou l'automobile.

Interrogé à ce sujet, Orange affirme disposer de 1,1 million de kilomètres de câbles en cuivre dans l'Hexagone. Il y en a de tous types : des câbles souterrains, déployés en « pleine terre », ou « en aérien », via des poteaux le long des routes. Il n'y a, toutefois, pas grand-chose à tirer de ce chiffre. Certains câbles comprennent une seule ligne, d'autres beaucoup plus... En revanche, en 2010, un document de l'Arcep (1) précisait qu'Orange disposait de 110 millions de paires kilomètres de câbles. Dans le jargon des télécoms, on parle de « paires de cuivre », dans la mesure où les lignes sont « physiquement des câbles à paires symétriques », rappelle le régulateur. Ce chiffre a également été cité en 2019, dans un article des Echos. Mais Orange n'a pas été en mesure de nous le confirmer.

Tout le réseau ne sera pas démantelé

Quoi qu'il en soit, ce chiffre permet de calculer le poids en cuivre du réseau d'Orange, et donc sa valeur. D'après un dirigeant d'un industriel du câble, on peut estimer le poids en métal d'un kilomètre de paire de cuivre à 8,96 kg (2). Dès lors, le réseau d'Orange représenterait 985.600 tonnes de cuivre. Au cours actuel, on obtient un pactole de 8,83 milliards d'euros.

Il ne s'agit, ici, que d'une estimation. Elle est à prendre avec la plus grande précaution. A La Tribune, Orange l'estime « excessivement élevée », et « prématurée », dans la mesure où la « dépose » - c'est-à-dire le démontage du réseau - ne débutera qu'en 2030. Ce n'est, en outre, certainement pas le montant que l'opérateur encaissera. Et ce, pour plusieurs raisons. Primo : tout le réseau ne sera pas démantelé. Toutes les lignes aériennes le seront vraisemblablement. Mais pas l'intégralité du réseau enterré ou en pleine terre, qui est important. Il apparaît difficilement envisageable, à certains endroits, de défoncer le bitume ou d'arracher des arbres pour retirer des câbles... « La dépose du réseau enterré devra être étudiée selon les spécificités et ses possibles impacts sur l'environnement », précise l'opérateur historique.

Déposer et retraiter les câbles coûte cher

Secundo : il faudra retrancher à la valeur du cuivre récupéré les 'importants coûts de dépose et de retraitement des câbles. Notre industriel du câble en convient : « Les opérations de retrait des gaines, des isolants et des armures coûtent cher, affirme-t-il. Elles occasionneront aussi une perte de métal. » Il devrait malgré tout, selon lui, rester « quelques milliards » d'euros à Orange.

L'opérateur, pour sa part, s'agace qu'on présente sa « mine de cuivre » en potentielle mine d'or. Il faut dire que l'opérateur clame qu'il veut pas supporter financièrement seul le chantier de la fin du réseau cuivre. Il souhaite, en clair, que les autres opérateurs passent à la caisse. Orange argue qu'il débourse 500 millions d'euros par an pour entretenir cette infrastructure vieillissante, et que ces charges dépasseront à un moment les recettes. « Cette fin de vie du cuivre ne doit pas seulement être supportée par Orange en termes d'impact économique compte tenu du coût de ce réseau, qui augmente, alors que le nombre de clients baisse »a déclaré Fabienne Dulac, la patronne d'Orange France, l'été dernier. Des propos qui agacent copieusement les SFR, Bouygues Telecom et Free, qui feront tout, bien sûr, pour ne pas mettre la main au portefeuille.

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1. D'après l'Arcep, le réseau cuivre « représente 400.000 km d'artères de génie civil, 18 millions de poteaux et 110 millions de paires kilomètres de câbles ».

2. On estime ici que la moyenne de la « section » d'un câble télécom en cuivre (la surface de sa « partie cuivre ») est de 0,5 mm2, soit 1 mm2 pour une paire de cuivre. A multiplier par la densité du cuivre, à savoir 8,96 g/cm3.

Pierre Manière

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Commentaires 10
à écrit le 26/06/2022 à 9:06
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Quid de l'empreinte carbone (cf. consommation des équipements réseaux) du très haut débit notamment issu du piratage numérique... Par ailleurs, existe-t-il au moins une filière de revalorisation de fibre optique usagée plutôt que d'en importer d...

à écrit le 25/06/2022 à 7:19
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Rétirer les cables cuivre des réseaux sans endommager la fibre va devenir un sport de haut niveau .

à écrit le 24/06/2022 à 13:59
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Bien entendu France Télécom ne compte pas mettre en vente son installation cuivrée au bénéfice de la concurrence qui pourrait avoir la mauvaise idée de déployer massivement à peu de frais des lignes VDSL2 mais l'opérateur historique préfère dilapi...

à écrit le 24/06/2022 à 10:53
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Pour mes usages quotidiens de particulier, la fibre n'apporterait pas grand chose. Quant à la "qualité" des installations réalisées par des sous-traitances en cascade, selon quelques personnes de mon entourage, il y a des progrès à faire (pas de conn...

à écrit le 23/06/2022 à 23:14
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Faites un appel d'offre chez les " gens du voyage " ils vont pas s'embarrasser vous allez voir... question: le cuivre avec 2 téléphones à chaque bout ça fonctionne toujours et sans électricité... serait prudent de garder quelques fonctions de secours...

à écrit le 23/06/2022 à 17:47
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Le cuivre à fait ses preuves . l'entretien qui coûte cher est pour beaucoup du : au fait de payer de la sous traitance au lance Pierre et dans un second temps la composition du staff technique , nous y trouvons des hommes de métier et aussi toute un...

à écrit le 23/06/2022 à 14:50
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"Cette percée de la fibre va de pair avec la baisse des clients ADSL, sur le réseau cuivre.", en effet, quand la fibre est installée dans un immeuble, les fai imposent l'abonnement fibre au détriment de l'ADSL. Résultat : inflation de 20% de la factu...

le 23/06/2022 à 15:55
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Selon où on habite, l'ADSL parfois n'en a que le nom (chez feu mes parents dans le Loiret, coin perdu, ou ma tante à 20km de Cahors (elle a pris système satellite (cher ! Il faut compter le kilo octets))). Tout près de Paris, y a bien 20 ans (déjà !...

le 23/06/2022 à 17:32
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Faites donc un peu place aux jeunes. L'ADSL est terriblement limité, il est grand temps que la France s'équipe en fibre, après avoir perdu des années grâce au lobbyisme de Bouygues/SFR/Free qui voulaient plutôt voir subventionné le réseau 5g, netteme...

à écrit le 23/06/2022 à 14:46
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Bof perso je laisserai cela en sommeil ces installations sont encore bien utiles en cas de conflit. Quant à la valeur au poids c'est une blague, ce n'est pas du cuivre pur.

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