Transition énergétique : les métaux critiques, la bataille que ne doit pas perdre l'Occident

Imposée par la lutte contre le réchauffement climatique, la transition énergétique va déplacer la demande d'énergie fossile vers celle des métaux indispensables à la production croissante de véhicules électriques et de leurs batteries, d'éoliennes, notamment marines, de panneaux solaires et de kilomètres de réseaux électriques. Conséquence, la demande de métaux va exploser dans les prochaines décennies, faisant craindre des tensions sur l'offre en raison de la concentration de la production, sur laquelle la Chine exerce une position dominante. Une dépendance qui inquiète les puissances occidentales à l'heure des fortes tensions économiques et géopolitiques entre Pékin et Washington, mais aussi l'Europe. Pour les économies développées, qui ont délaissé ce secteur depuis des décennies, le salut se trouve dans le recyclage massif, et plus marginalement dans une relance de l'activité minière, pour moins dépendre des importations. Ce qui passe par des politiques à long terme. Analyse.
Robert Jules
Production de métal de cuivre dans une fonderie appartenant à l'entreprise KGHM, à Głogów (Basse-Silésie), une ville du sud-ouest de la Pologne, .
Production de métal de cuivre dans une fonderie appartenant à l'entreprise KGHM, à Głogów (Basse-Silésie), une ville du sud-ouest de la Pologne, . (Crédits : Reuters)

L'un des aspects les plus spectaculaires de la sortie - relative - de la crise de la pandémie du Covid-19 est la perturbation des chaînes d'approvisionnement qui entraîne des pénuries. Elle a montré la vulnérabilité des économies développées. Un point faible à traiter au plus vite pour rester dans la compétition internationale structurée autour de la nouvelle guerre froide menée entre les Etats-Unis et la Chine pour le leadership mondial. D'autant que cette guerre va s'intensifier, avec la transition énergétique et la numérisation accélérée des activités qui ajoutent un défi géopolitique supplémentaire pour sécuriser notamment les besoins des pays occidentaux et leurs accès à nombre de matières premières.

LIRE L'ÉDITOLes métaux critiques, le nerf de la guerre de la transition énergétique

En effet, la lutte contre le réchauffement climatique va nous imposer un nouveau paradigme économique : remplacer en à peine trois décennies la consommation d'énergies fossiles - charbon, pétrole, gaz naturel - sur laquelle s'est fondé le développement économique mondial depuis la révolution industrielle par l'utilisation croissante de métaux. Autrement dit, substituer des matières premières abondantes, bon marché, et efficientes mais dont la combustion dégage d'importantes émissions de gaz à effet de serre (GES) par d'autres matières premières dont la demande va considérablement augmenter.

Reconfiguration du marché des métaux

Le basculement du parc automobile mondial vers des véhicules 100 % électriques dotés de batteries spécifiques - qui utilisent 6 fois plus de métaux, notamment 4 fois plus de cuivre qu'un véhicule à moteur thermique -, la construction d'éoliennes (sur terre et en mer), de panneaux solaires, ainsi que l'extension de réseaux électriques vont reconfigurer le marché des métaux.

Si l'on raisonne en statique, la demande cumulée de certaines "terres rares", du lithium, du graphite, du cobalt et du nickel va quadrupler entre 2020 à 2040 (par 42 pour le seul lithium, par 19 pour le nickel et par 7 pour les "terres rares"). En revanche, si l'on raisonne en dynamique, c'est-à-dire en tenant compte de l'adaptation des acteurs - producteurs comme consommateurs - pour faire face à ces problèmes, ces estimations sont à minorer.

"Il y a des effets de substitution, par exemple du lithium par le sodium, ou la disparition du cobalt et du nickel des batteries LFP, voire du titane dans les piles à combustible", tempère Didier Julienne, expert international des marchés des métaux, président de Commodities & Resources .

En outre, les milliers de kilomètres des seuls réseaux électriques qu'il va falloir installer vont faire bondir de 50% les besoins en cuivre et de 44% ceux en aluminium entre 2020 et 2040, avertit l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dans un rapport qui fait référence, publié en mai 2021, "The role of critical minerals in clean energy transition" ("Le rôle des métaux critiques dans une transition énergétique propre").

Ce scénario de l'agence se base sur les différentes politiques mises en place actuellement par les Etats pour les prochaines années. Il est déjà en deçà de l'objectif de l'Accord de Paris qui vise la neutralité carbone en 2050, et qui dans ce cas prévoit que la demande sera multipliée par 6!

Dans cette perspective, les marchés de nombre de métaux stratégiques pourraient connaître des tensions : le lithium, le nickel, le cobalt, le manganèse et le graphite sont cruciaux pour la performance des batteries, leur longévité et la densité énergétique - même si de nouveaux modèle de batteries nécessitent moins de métaux -, le cuivre est omniprésent (véhicules électriques, électronique, réseaux électriques...), mais aussi le silicium (pour les semi-conducteurs et les panneaux solaires), et d'autres éléments moins connus comme l'indium, l'osmium, l'iridium, le titane (pile à combustible hydrogène), le chrome, le molybdène... dont les propriétés boostent les performances physiques.

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Il y a aussi les 17 métaux regroupés sous le nom des célèbres terres rares, présents dans les aimants permanents pouvant supporter des températures élevées, nécessaires au fonctionnement des turbines des éoliennes, notamment les éoliennes marines. Leur marché est encore dominé par la Chine - même si sa part a chuté de 90% à 58% -, qui a été tentée de s'en servir en 2010 comme arme diplomatique contre le Japon, les Etats-Unis et l'UE par une restriction de ses exportations.

"Mais ces menaces n'ont jamais été mises à exécution car la Chine est trop dépendante de l'Occident pour d'autres matières premières vitales pour son économie. Un embargo sur ses exportations de terres rares serait immanquablement suivi de sanctions sur des matières indispensables pour Pékin. Les marchés des matières premières ne sont jamais à sens unique", explique un bon connaisseur de l'économie chinoise.

C'est cette perspective qui a poussé Donald Trump à signer en octobre 2020 un décret d'urgence relevant de la sécurité nationale pour soutenir la production de terres rares aux Etats-Unis. Il a même envisagé à l'époque de racheter le Groenland pour y exploiter deux mines faisant hurler les associations environnementales! Véritables stéroïdes, ces métaux sont indispensables à la production d'équipements militaires et spatiaux de pointe.

Ainsi chaque avion de combat F-35 intègre 417 kilos de terres rares, un destroyer Arleigh Burke 2,36 tonnes, et un sous-marin Virginia SSN-774, 4,17 tonnes. En 2020, selon le dernier rapport de l'USGS, l'agence fédérale d'information sur les mines et les métaux, l'exploitation minière mondiale de terres rares a atteint 240.000 tonnes en 2020 dont 140.000 tonnes pour la seule Chine.

Dans la foulée de Donald Trump, la Commission européenne a révisé en décembre 2020 sa directive sur les batteries pour véhicules électriques. Elle fixe désormais à 65% le taux minimum de recyclage des métaux contenus dans les modèles qui seront produits dans les pays de l'Union européenne. Cette norme commune vise là aussi à moins dépendre des importations, et surtout à développer une production européenne de batteries et donc des métaux les composants, qui a démarré sur le tard (lire jeudi notre article sur la stratégie de l'UE).

Les entreprises européennes représentent à peine 1% des 3% de batteries produites hors de l'Asie, le restant étant concentré en Chine, au Japon et en Corée, selon une étude de Mckinsey. Et sur les 70 projets de gigafactories de batteries annoncés en 2018 dans le monde, la Chine en compte 46.

Pourquoi la Chine a-t-elle une longueur d'avance ?

Comment se fait-il que la Chine détient une longueur d'avance sur les Américains et les Européens qui ont vu empiriquement les conséquences lors de la crise sanitaire de la perturbation des chaînes d'approvisionnement : masques, appareils respiratoires... jusqu'aux spectaculaires pénuries de semi-conducteurs qui contraignent l'industrie automobile à tourner au ralenti ?

"En réalité, la problématique des métaux stratégiques ne date pas d'hier, elle a vu le jour dans les années 1990, même si pendant la guerre froide, il y a eu des inquiétudes sur les approvisionnements de certains métaux en provenance de Russie et d'Afrique du sud. La situation actuelle découle de la chute du Mur de Berlin et la fin de la guerre froide, il régnait une sorte d'optimisme béat en Occident.

Néanmoins, la crise des terres rares de 2010 a favorisé une prise de conscience qui avait débuté au début des années 2000, même si aucune avancée concrète n'a été réalisée", explique Raphaël Danino-Perraud, chercheur associé au Laboratoire d'économie d'Orléans, auteur d'une étude pour l'Ifri, "Les matières premières minérales de la filière batterie".

Selon lui, l'Occident a manqué de vision stratégique. "Nous sommes dans des démocraties de marché où prime le système capitaliste basé sur le libre échange et sur l'ouverture des marchés. Dans ce cas, vous achetez logiquement la matière première là où elle est la moins chère, sans vous préoccuper finalement de vos chaînes d'approvisionnement ni de votre dépendance. Les pays plus autoritaires n'ont pas cette vision. La Chine a des plans industriels à 50 ans. Nous, si nous en avons un à 5 ans, c'est déjà pas si mal", souligne Raphaël Danino-Perraud.

En outre, pour se développer et combler son retard sur les économies développées, la Chine a dû intensifier durant trois décennies ses achats de matières premières pour construire ses infrastructures et son boom urbain, notamment en matière d'énergie et de métaux. Ce choix initial a permis au pays de se retrouver dans une dynamique plus consciente par rapport à la transition énergétique, en investissant massivement dans le solaire, l'éolien, et en prenant une longueur d'avance de fait sur les batteries et les voitures électriques. Elle est cohérente d'ailleurs avec la politique menée par les dirigeants chinois depuis des années.

"La Doctrine "Ressources Naturelles et métaux stratégiques" chinoise ressemble à la stratégie gaullienne des années 1960 du pétrole puis du nucléaire des années 1970. Il s'agissait d'avoir un meilleur accès aux matières premières pour faciliter l'industrialisation du pays. Cette doctrine était facilitée par la formation des dirigeants. Il est plus simple d'atteindre l'objectif national lorsqu'on en comprend le chemin", souligne Didier Julienne, président de Commodities & Resources.

En effet, si l'on consulte les formations suivies par les six derniers Présidents et Premiers ministres - à l'exception du Premier ministre actuel, Li Keqiang, juriste -, tous ont reçu une formation d'ingénieur. Le président Jiang Zemin et le Premier ministre Zhu Rongji, en poste entre 1998 et 2003, étaient électriciens. Leurs successeurs entre 2003 et 2012, Hu Jintao et son Premier ministre Wen Jiabao, étaient respectivement hydro-électricien et géologue. Quant à l'actuel président, Xi Jinping, en poste depuis 2012, il est chimiste des procédés et maîtrise les problématiques agricoles.

La fin de "la mondialisation heureuse"

En Occident, il aura donc fallu la crise sanitaire du Covid-19 et l'arrêt des appareils productifs à travers le monde pour exhiber les faiblesses de la "mondialisation heureuse". Elle a remis au centre du débat public la question de la souveraineté nationale en matière d'industrie en retrouvant des vertus aux stocks (stratégiques) sur les flux (tendus). D'ailleurs, dans la guerre froide qu'il mène contre la Chine pour conserver le leadership mondial, Joe Biden s'est bien gardé de rompre avec l'héritage Trump, en reprenant sans le dire son slogan: "America first". Ainsi, la taxation imposée dès sa prise de fonction en 2017 par son prédécesseur sur les importations chinoises de métaux, il est vrai cantonnées à l'acier et à l'aluminium, n'a pas été remise en cause.

De même, les pays européens ont préféré importer leurs métaux que conserver une filière minière et métallurgique qui fut importante dans le passé. L'extraction minière en Europe est marginale malgré un réel potentiel car jugée trop polluante pour l'environnement et rencontre l'hostilité des citoyens au nom du "Nimby" ("Pas dans mon jardin"). Quant aux fonderies, en France, leur nombre a fondu comme neige au soleil. Économiquement, ces activités n'attirent pas les investisseurs contrairement à d'autres secteurs comme les services, la high tech, le luxe... qui présentent moins de risques et des retours sur investissements plus élevés.

"Les Européens ne sont pas les seuls fautifs, les Etats-Unis le sont aussi, car même s'ils conservent un secteur minier, ils ont disparu de la chaîne de valeur de certains métaux. Le retard pris par les Occidentaux s'explique aussi par le choix idéologique de ne se concentrer que sur les secteurs à forte valeur ajoutée de l'industrie manufacturière ou la technologie de pointe pour finalement délaisser les activités du secteur des métaux comme l'extraction, le raffinage, la transformation, en l'absence de forte valeur ajoutée.

Or, c'est une erreur. Si vous prenez le marché des terres rares, cela ne représente il est vrai que quelques milliards de dollars, en revanche, l'ensemble de la chaîne de valeur des terres rares pèse plusieurs milliers de milliards de dollars", explique Raphaël Danino-Perraud.

Ce manque de vision dont tirent profit aujourd'hui les économies émergentes, notamment la Chine, découle aussi d'une géopolitique des métaux qui est encore plus concentrée que celle des énergies fossiles. Trois pays extraient 60% du minerai de cuivre : Chili (29% à lui seul), Pérou et Chine; 54% du nickel : Indonésie (30% à elle seule), Philippines et Russie; 61% du manganèse : Afrique du Sud, Australie et Gabon. Plus spectaculaire encore est le cas du cobalt, dont les extractions sont concentrées à 69% en République démocratique du Congo (RDC) qui cumulées avec celles de la Russie et de l'Australie représentent 76%!

Des réserves de minerais qui ont augmenté ces dernières années

Il en est de même pour les réserves de minerai. 40% des réserves de cuivre sont concentrées au Chili et au Pérou, 80% de celles du lithium en Australie et au Chili, 40% du nickel en Indonésie et aux Philippines, 85 % du cobalt en RDC, et 75% des terres rares en Chine. Paradoxalement, contrairement aux critiques qui se focalisent sur les limites physiques, les réserves ont continuellement augmenté ces dernières années, tant pour le nickel, le lithium et le cuivre, l'aluminium et le cobalt, l'appréciation des cours et les innovations technologiques permettant d'aller prospecter de potentiels nouveaux gisements.

 A LIRE | Ces 10 métaux stratégiques qui vont voir leur demande exploser

Cette concentration se retrouve également chez les entreprises spécialisées. Une vingtaine de "majors" minières internationales - privées et publiques - dominent le marché : l'australien BHP Billiton, le britannique Anglo American, l'anglo-australien Rio Tinto, l'étatsunien Freeport McMorRan, le suisse Glencore, le russe Norilsk Nickel, le chilien Codelco, mais aussi de nombreuses compagnies chinoises comme Zijin Mining group, Chinese Northen Rare Earth Group, Jiangxi Copper, ou encore Gengfeng Lithium. Elles opèrent dans de nombreux pays asiatiques, d'Amérique du sud ou d'Afrique. Ainsi, 5 compagnies - différentes selon les métaux - extraient 30% du cuivre mondial, 61% du lithium, et 56% du cobalt.

Quant au raffinage du minerai en métal, la situation est encore plus spectaculaire. La Chine raffine 40% du cuivre mondial, 35% du nickel, 65% du cobalt, 58% du lithium et 90% des terres rares.

Ce déséquilibre entre une offre concentrée et une demande mondiale qui va exercer une pression croissante exige d'attirer les investissements pour se développer. Pas moins de 1.000 milliards de dollars devront être consacrés au secteur entre 2020 et 2035, selon les estimations du cabinet Wood Mackenzie, ce qui représente près du double des montants investis lors des 15 années précédentes. Or, le secteur minier comparé à d'autres secteurs ne génère pas des revenus à court terme sur des projets qui s'inscrivent nécessairement dans le long terme. Il faut 17 ans en moyenne (cela dépend du minerai) entre la découverte, l'exploration et la mise en production d'une mine, estime l'AIE, qui s'est basé sur l'analyse des projets miniers lancés entre 2010 et 2019. Et ce temps est difficilement compressible pour augmenter la prospection, l'extraction et les capacités de raffinage.

Tout dépend en effet de leur accessibilité en termes physiques et de la nature du gisement, la concentration du métal dans le minerai, du volet juridique des contrats, et last but not least, du niveau des cours qui pour toutes les matières premières tendent à être cycliques et volatils. Ainsi, entre janvier 2001 et janvier 2021, le prix de la tonne de cuivre n'a cessé d'évoluer en chutant au plus bas à quelque 1.320 dollars, et s'envolant au plus haut à quelque 10.250 dollars la tonne, soit pratiquement 8 fois plus. Depuis janvier 2021, le cours du métal rouge a progressé de 25%. Difficile dans ces conditions de faire des projections financières quand l'investisseur peut arbitrer avec d'autres secteurs plus stables.

Autre défi physique, au fur et à mesure de l'exploitation la teneur en métal du minerai tend à décroître. Depuis le début de la révolution industrielle, ce sont les gisements riches et facilement accessibles qui ont été exploités en priorité. Ainsi, la concentration de cuivre dans le minerai au Chili, premier pays producteur mondial, est passée en moyenne de plus de 1,1% en 2005 à moins de 0,8% en 2019, selon l'AIE.

Or plus de minerai à extraire et à traiter génère un volume de déchets plus important et nécessite davantage d'énergie pour l'exploiter et le raffiner : pour 1 million de tonnes, il faut 29 Gigajoules pour une teneur à 1% et 35 Gigajoules pour 0,8%. A l'avenir, il faudra donc de plus en plus d'énergie pour obtenir le même volume de minerai et de métal raffiné.

Or, comme tout le reste de l'industrie, le secteur minier doit aussi relever le défi de l'amélioration de son bilan carbone tout en augmentant la production. Aujourd'hui, l'énergie représente près de 20% du coût de l'extraction de cuivre, et 28% du coût de son raffinage. Pour le nickel, c'est respectivement 14% et 19%. La nécessité de baisser les émissions de GES oblige aussi les mineurs et les raffineurs à réduire l'emploi d'énergies fossiles. Le géant BHP Billiton recourt déjà sur certains de ses sites à une électricité issue du solaire et de l'éolien. Tout comme Rio Tinto, qui vise une réduction de GES de 15% en 2025 et 50% en 2030. Le groupe a vendu sa dernière activité dans le charbon en 2018, pour recentrer son portefeuille uniquement sur les activités qui visent la transition vers une économie bas carbone.

Ce changement d'attitude de la filière qu'impose le nouveau paradigme énergétique se reflète également par un transfert financier des énergies fossiles vers les métaux. Les revenus générés par ces derniers vont passer de 40 milliards de dollars en 2020 à 160 en 2030 puis 280 milliards de dollars en 2040. Dans le même temps, ceux du charbon vont tomber de 450 milliards en 2020, à 300 milliards puis à 180 milliards en 2040, ont calculé les experts de l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Enfin, dernière préoccupation du secteur minier, le stress hydraulique. L'exploitation minière requiert en effet beaucoup d'eau. Or la moitié des extractions de cuivre et de lithium se situe dans des zones où l'eau commence à se raréfier, notamment au Chili, où le problème va devenir de plus en plus prégnant.

Le recyclage est encore faible

Face à l'ensemble de ces contraintes, une alternative à la production primaire de la mine est la production secondaire issue du recyclage qui a par ailleurs l'avantage de présenter un meilleur bilan carbone. Celui-ci vise à réduire la dépendance à l'égard des importations - et à leurs prix - en valorisant le stock de métaux inclus dans tous les objets accumulés depuis des décennies. Par exemple, la concentration d'or dans un téléphone est 50 fois plus élevée que dans le minerai.

"Pour pouvoir produire demain nos batteries au lithium ou au nickel, nos moteurs électriques, qui sont faits de terres rares, nos solutions aéronautiques au titane, nous devons non seulement importer ces matériaux très concentrés géographiquement, mais les recycler massivement", avertissait Emmanuel Macron, lors de la présentation de son plan "France 2030", qui s'est fixé 10 objectifs ambitieux pour "verdir" et "numériser" l'économie du pays.

L'enjeu est non seulement de lutter contre le réchauffement climatique mais aussi de saisir cette opportunité historique pour relancer l'industrialisation de la France (et de l'Europe), dont l'économie a pâti des délocalisations et d'un développement en faveur du secteur des services. L'économie circulaire du recyclage va permettre d'ouvrir de nouveaux secteurs industriels avec des emplois à forte valeur ajoutée.

Or, hormis pour le cuivre et l'aluminium, le taux de recyclage - collecter les produits, séparer les métaux et les fondre pour un nouvel usage - reste aujourd'hui faible. Pour l'augmenter, la production secondaire doit être rentable par rapport à la production primaire, ce qui nécessite d'investir pour trouver des solutions techniques permettant de récupérer de plus en plus efficacement les métaux dans un produit. Ainsi, au niveau mondial, moins de 1 % du lithium est aujourd'hui recyclé et 6 % de graphite. Le taux de recyclage du cobalt atteint 32 %, celui du nickel 42 % et celui du manganèse 46 %. "Les taux élevés de ces trois derniers métaux ne doivent pas nous faire perdre de vue que ce sont bien les usages métalliques qui sont recyclés et beaucoup moins les batteries", souligne toutefois Raphaël Danino, dans son étude (Ifri).

Un bon exemple est celui de ce produit courant qu'est le téléphone portable dont les modèles démodés dorment dans nos tiroirs. Récupérer les métaux qu'il contient mais en quantités marginales est une opération complexe trop coûteuse pour le moment pour être compétitive, ce qui explique que le taux de récupération des smartphones reste faible, autour de 10% (autour de 15% en Europe), alors qu'il regorge de métaux. Le célèbre iPhone est composé d'aluminium, de magnésium, de zinc, de cuivre, de titane, de chrome, de manganèse, etc. Ses circuits intégrés et l'électronique interne fonctionnent grâce à des éléments intégrant du gallium, de l'arsenic, du silicium, du phosphore, de l'azote, de l'or, du cuivre, du tantale, etc.

Au bilan, sur les 40 éléments d'un téléphone, seuls 17 sont aujourd'hui récupérés à un taux maximum de 95 %, et encore ce chiffre est celui provenant d'usines de recyclage les plus innovantes comme celle d'Umicore, l'un des leaders de cette activité, située à Anvers (Belgique).

Car tous les produits ont leur spécificité. Si le recyclage d'une canette d'aluminium un mois après son utilisation ne présente pas de difficultés majeures, en revanche, il faut attendre une quarantaine d'années avant de pouvoir valoriser les métaux contenus dans les matériaux de construction. Ce qui nécessite d'avoir une nouvelle approche du BTP aujourd'hui pour prévoir et organiser une telle récupération, et qui va impliquer demain plusieurs métiers.

A l'exemple du partenariat créé en mars dernier entre Veolia, dont l'un des métiers est la valorisation des déchets, le constructeur automobile Renault et le chimiste Solvay, pour recycler les métaux contenus dans les batteries des véhicules électriques.

Si les industriels sont en train de s'adapter à ces nouveaux marchés, c'est en réalité toute l'économie qui va être concernée.

"Il y a une prise de conscience sur la nécessité de réindustrialiser, mais il ne faut pas le faire en étant hors sol. On ne peut plus se le permettre, car la production manufacturière va consommer de l'énergie et des matières premières. Et qu'il va bien falloir s'approvisionner quelque part. Autant cette donnée est prise en compte pour les batteries, autant ça ne l'est pas pour l'hydrogène et surtout pour les semi-conducteurs. On risque de connaître de mauvaises surprises sur l'approvisionnement de certains métaux indispensables à leur production", alerte Raphaël Danino-Perraud.

Visiblement, Emmanuel Macron en est conscient. La condition pour que son plan "France 2030" marche, a-t-il averti, est de "recycler massivement", le prix pour éviter une guerre - commerciale - des métaux et rester dans la compétition mondiale.

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Retrouvez l'intégralité de notre dossier sur "la guerre des métaux stratégiques" :

1/ Un enjeu décisif, édito

Métaux : la bataille à ne pas perdre pour l'Occident

Les 10 métaux stratégiques pour la transition énergétique

Entretien avec le professeur Philippe Chalmin

2/ Le raffinage, l'arme redoutable de la Chine pour dominer le marché

3/ Les Etats-Unis en quête d'autonomie relance le secteur

4/ L'Europe voit son avenir industriel dans le recyclage et les mines

5/ La France, l'innovation pour combler le retard et limiter les ruptures

6/ Semi-conducteurs : le risque de pénurie des... métaux

Robert Jules

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Commentaires 6
à écrit le 22/11/2021 à 14:53
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40 ans de fautes politique ne se comblent pas en quelques années. On découvre qu'on a perdu notre industrie et tous les secteurs stratégiques. Qu'on a donné toutes la technologie avec les marchés. Beaucoup d'hommes politiques, plus bavard qu'efficac...

le 22/11/2021 à 18:06
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un demi siecle a faire plaisir au ecolos et voici que nous somme a la merci de tout autre nation qui demain refuse de livrer ou une augmentation inconsidere ideologie que pronne m macron y compris droite et gauche confondu une acierie pollue le p...

le 22/11/2021 à 23:47
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Complètement d'accord ,on prend les français pour des imbéciles sans mémoire .

à écrit le 22/11/2021 à 13:06
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Pour la France, c'est foutu, Eramet est en phase de démantèlement. Les chinois sont sur le coup, comme en Nouvelle Calédonie.

à écrit le 22/11/2021 à 8:57
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ah ben mince! on va decouvrir qu'il faut des metaux pour faire tout ca!!!!!!!!! et on va decouvrir que la chine a mis la main sur l'afrique et l'amerique du sud dans pas longtemps!! ha ben ca c'est ballo! c'est a ca que ca sert d'avoir des gens haut ...

à écrit le 22/11/2021 à 8:56
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Quand la ferraille est rémunérée 40€ la tonne: aucun intérêt de la transporter, le néodyme, matière des fameux moteurs brushless, n'est toujours pas recyclé, on stocke en attendant , les cartes électroniques bourrées de métaux rares 30/40 cmes le kg,...

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