
« J'ai besoin de vous pour gagner la bataille du chômage, pour continuer la transformation du pays, j'ai besoin de vous ». C'est en ces termes que le président de la République s'est adressé aux patrons réunis pour leur Rencontre des entrepreneurs de France (Ref), leur traditionnelle université du Medef, qui s'ouvrait ce lundi, à l'hippodrome de Longchamp, à Paris. Dans une allocution enregistrée, le chef de l'Etat s'est adonné à une véritable opération séduction. Et pour cause, ces derniers jours, les patrons sont vent debout contre l'exécutif au sujet des impôts de production. Annoncé cette semaine, l'étalement sur plusieurs années de la suppression de la CVAE, la contribution sur la valeur ajoutée, en lieu et place d'une suppression dès l'an prochain comme prévu initialement, a mis le feu aux poudres. « Une rupture de confiance, un coup de canif dans le contrat, une douche froide, a pesté Patrick Martin, le président du Medef. « Annoncée pour 2024, cette suppression a été intégrée dans nos business plans. »
Tête-à-tête animé entre le chef de l'Etat et Patrick Martin
Selon nos informations, le successeur de Geoffroy Roux de Bézieux, a eu l'occasion de faire part de sa grogne directement au chef de l'Etat la semaine dernière, à l'occasion d'un tête-à-tête. Un échange courtois mais tendu. Reste qu'après ce rendez-vous, Emmanuel Macron a pris soin d'enregistrer un message à l'attention des chefs d'entreprise. Dans cette vidéo d'une dizaine de minutes, projetée en ouverture de la Ref, le chef de l'Etat a ainsi appelé les milieux d'affaires à faire preuve « d'unité », un mot qu'il a répété une dizaine de fois.
Dans un contexte difficile, où de nombreux défis se présentent à l'économie française, « alors que le moment est marqué par de nombreuses incertitudes géopolitiques, technologiques, climatiques », Emmanuel Macron les a assurés de son soutien : « Je veux vous dire ma confiance ... Je fais ce que je dis... J'attends de vous la même chose. »
Opération déminage de l'exécutif
Quelques minutes après cette allocution, Elisabeth Borne a tenté, elle aussi, de rétablir le lien de confiance avec le monde des affaires. Face à l'auditoire, elle a répété combien l'exécutif était attentif à la situation des entreprises : « Depuis 2017, nous menons une politique pro-business, nous n'allons pas changer de cap ».
Et de marteler, sur le sujet sensible de la fiscalité : « qu'il n'y aurait pas de hausses d'impôts. Les entreprises ne seront pas davantage taxées ». Concernant les impôts de production, Elisabeth Borne a toutefois confirmé le décalage de calendrier : « La totalité de la CVAE, la contribution de la valeur ajoutée des entreprises sera supprimée avant la fin du quinquennat, au rythme le plus rapide, compatible avec notre trajectoire budgétaire ».
Mais avec cette promesse : « Si on peut aller plus vite sur la suppression de la CVAE, on le fera ». De quoi susciter quelques espoirs chez les patrons de voir une baisse plus forte de la CVAE actée en 2025. Et de nourrir quelques applaudissements polis dans les rangs.
Concernant les arrêts maladie, Elisabeth Borne a également recueilli quelques satisfecit de l'auditoire. « Il n'y aurait pas de décision unilatérale tombant de haut sur les entreprises », s'est engagée la locataire de Matignon. Façon de dire, à demi-mot que l'idée de transférer aux entreprises la prise en charge de certains arrêts maladie était en passe d'être abandonnée.
Le patronat maintient la pression
En revanche, d'autres sujets promettent de maintenir la tension entre l'exécutif et les patrons. Et non des moindres. Patrick Martin a, par exemple, mis sur la table la question des excédents de l'Unedic, qui gère l'Assurance chômage. « Il serait sain de flécher les excédents pour baisser les cotisations des employeurs ou rembourser la dette du régime », a insisté le successeur de Geoffroy Roux de Bézieux.
Pas question en effet pour le Medef de laisser le gouvernement ponctionner le système d'assurance chômage pour financer des politiques publiques. Pour créer France Travail, - le futur guichet unique qui remplacera Pôle emploi et mènera des actions pour les demandeurs d'emploi et les bénéficiaires du RSA- , le gouvernement envisage, en effet, de ponctionner 10 à 12 milliards d'euros.
Sur ce point, Elisabeth Borne s'est montrée inflexible : « C'est grâce aux réformes du gouvernement qu'il y a des excédents. Et c'est un bon investissement pour l'Unedic de contribuer à l'effort de la Nation pour former les plus éloignés de l'emploi ». Sous-entendu, fermez le ban.
De quoi inciter les patrons à rester sur leurs gardes. Dans un contexte budgétaire contraint, ce lundi au Medef, ils semblaient décidés à maintenir la pression.