Dominique Schelcher, le patron de système U, ne cache pas son inquiétude. Dans ses 1.600 magasins de l'Hexagone, le sujet numéro un est l'absentéisme. En début de semaine, faute de bras, il n'a pas eu d'autres options que de fermer un entrepôt en Savoie. "Pour approvisionner les magasins du secteur, il a fallu acheminer les produits des entrepôts de Mulhouse et du Sud de la France." Dans la grande distribution, la crainte est grande de revivre la période du premier confinement en mars 2020, où une grande partie des salariés étaient contaminés.
La grande distribution gère... mais jusqu'à quand ?
Aussi, les plannings virent au casse-tête. "Il y a de nombreux magasins où l'on ferme des rayons, type la poissonnerie, la boucherie, etc., car on n'a personne", reconnaît un directeur d'Intermarché de l'ouest de la France, qui préfère rester anonyme.
Car le souci est bien de ne pas inquiéter les Français pour éviter aussi les épisodes que l'on a connus au printemps 2020, avec des foules remplissant des caddies de pâtes ou de papiers toilette par crainte de ruptures de stocks. Pour l'instant, il n'y a pas de problème de réassort particulier.
Alors qu'en temps normal, ces filières sont déjà affectées par des difficultés de recrutement, la situation est tendue en pleine période de propagation du variant Omicron. Il faut remplacer au pied levé, les salariés malades, mais aussi ceux qui doivent rester à la maison, pour garder les enfants atteints ou cas contacts. Dans ses effectifs, la grande distribution compte de nombreuses femmes - dont un grand nombre sont en situation monoparentale-.
Mais, pour l'instant, "alors que l'absentéisme monte notamment en Ile-de-France, ça reste tout à fait gérable, car nous avons recours à l'intérim", assure Jacques Creyssel, délégué général de la fédération de la grande distribution. La question est toutefois de savoir jusqu'à quand ? Car les viviers d'intérimaires ne sont pas extensibles.
Lundi prochain, réunion gouvernementale sur la continuité des services
Le gouvernement surveille de près les différentes filières stratégiques du pays. Preuve en est, la réactivation la semaine dernière de la cellule de crise qui avait été instaurée en mars 2020.
Au travers de celle-ci, il est en lien régulier avec les fédérations professionnelles, à qui il demande presque quotidiennement les indicateurs - le taux d'absentéisme dans les magasins, mais aussi celui de la filière logistique - qui couvre les entrepôts et les transports- ainsi que le taux de service des commandes - qui renseigne sur les difficultés que peuvent rencontrer les fournisseurs-. Chaque territoire est scruté à la loupe.
Et lundi prochain, le ministère de l'Agriculture accompagné des équipes de Bercy réunira les professionnels du monde agricole, des grandes surfaces, mais aussi du transport, et de la logistique.
Le transport et la logistique sous tension
Dans le transport, justement, de nombreux TER sont supprimés partout en France, car plusieurs cheminots sont positifs. Dans le fret, des redéploiements se mettent en place. Selon la SNCF, il n'y a toutefois pas de quoi s'alarmer, car la hausse de l'absentéisme reste inférieure à 5 %. Et les grandes lignes, pour l'heure, ne sont pas trop affectées. Reste que la situation pourrait se dégrader prochainement. Aussi, la compagnie est prudente.
Même vigilance dans le secteur du bâtiment. "Il y a beaucoup de cas positifs depuis ce retour de congés, note un porte-parole de la fédération du bâtiment, et les équipes sont clairsemées. Pour le moment, les entreprises tiennent le coup, en jonglant dans les planning. Mais si les absences continuent à ce rythme, ça va vite coincer, et des chantiers prendront du retard ou devront s'arrêter".
Et pour cause, la propagation rapide de l'épidémie, notamment à l'école, laisse présager des absences supplémentaires. En plus des malades, tous les secteurs s'attendent à voir des collaborateurs obligés de rester chez eux pour s'occuper de leurs enfants. "C'est encore un peu tôt, mais dans une dizaine de jours, il y aura forcément des ruptures de chaînes de production ou de distribution", prédit un professionnel de l'industrie. Jean-Michel Blanquer annonce en effet un taux d'absentéisme de 5 à 10% dans les écoles