Rarement une réforme d'assurance chômage n'aura été aussi dure. En réduisant la durée d'affiliation, c'est-à- dire le temps de travail nécessaire pour être éligible à une allocation - il faudra avoir travaillé huit mois sur les vingt derniers et non plus six sur les vingt-quatre précédents comme c'est le cas aujourd'hui -, l'impact se fera aussi sentir sur la durée globale d'indemnisation. Un chômeur de moins de 57 ans sera indemnisé jusqu'à quinze mois, contre dix-huit aujourd'hui.
Certes, le gouvernement maintient le régime spécifique des seniors - qui bénéficient d'une indemnisation plus longue -, mais il le décale de deux ans pour s'aligner sur la réforme des retraites. Et surtout, il met en place un dispositif de retour à l'emploi qui risque de faire polémique. L'idée de préserver le salaire des chômeurs les plus âgés - qui se voient souvent proposer des rémunérations plus faibles - est une mesure de protection. Mais elle ne manquera pas d'être vue par les syndicats comme un blanc-seing donné aux employeurs pour recruter de la main-d'œuvre expérimentée à bas prix. Dans le même temps, la généralisation du bonus-malus pour les entreprises est annoncée, mais elle sera progressive, dans un calendrier qui reste encore à définir.
De la CFDT à la CGT en passant par FO, tous les syndicats dénoncent l'acharnement de l'exécutif contre les privés d'emploi et les précaires. Mais Gabriel Attal assume : grâce aux nombreuses réformes du marché du travail, de l'assurance chômage, de la formation entreprises depuis 2017, la France crée des postes et sort, enfin, du chômage de masse. Le Premier ministre, qui parie sur une reprise de l'économie l'an prochain, réaffirme l'objectif présidentiel du plein-emploi d'ici à 2027.
Plusieurs paramètres seront modifiés
Quant aux économies attendues, le Premier ministre préfère balayer la question d'un revers de la main. À l'entendre, cette réforme n'est pas un gage donné aux agences de notation, alors qu'on attend le verdict de Standard & Poor's vendredi. Mais, selon les estimations de l'Unedic, puisque plusieurs paramètres seront modifiés, les économies promettent d'être massives : plusieurs milliards d'euros par an.
Le gouvernement promet un décret le 1er juillet pour une entrée en vigueur le 1er décembre. D'ici là, il entend lancer l'acte 2 de la loi travail. Une partie que le gouvernement espère plus « sucrée », qui vise à adapter le monde du travail aux nouvelles aspirations des Français, notamment les plus jeunes : semaine en quatre jours, compte épargne temps universel (Cetu) mais aussi CDI senior et index senior. Des mesures qui ont plutôt la faveur des syndicats.
Des concertations sont prévues après les Jeux olympiques, pour une loi au second semestre. Reste que les échanges promettent d'être tout aussi animés tant ces sujets divisent. Une fois n'est pas coutume, le camp patronal se fracture sur la question du compte épargne temps : favorable au dispositif, l'Union des entreprises de proximité (U2P, qui réunit les artisans) a signé un accord avec la CFDT et la CFTC quand de leur côté CGT et Medef, tous deux opposés au Cetu, cherchent des rapprochements. Mercredi dernier, Patrick Martin, le président du Medef, est même allé à Montreuil au siège de la CGT rencontrer Sophie Binet, la secrétaire générale, pour en parler. Inattendu.