« Attal doit faire du Attal » (Manuel Valls, ancien Premier ministre)

ENTRETIEN - Chef du gouvernement de 2014 à 2016, il a prononcé deux discours de politique générale. Il raconte les affres de cet exercice périlleux.
Manuel Valls
Manuel Valls (Crédits : © Elodie Gregoire/ABACAPRESS)

LA TRIBUNE DIMANCHE- Gabriel Attal doit prononcer son discours de politique générale mardi. Comment relancer le quinquennat lorsque le président est affaibli ?

MANUEL VALLS- Le changement d'incarnation est évident. Sa genèse et son style se sont très bien illustrés vendredi à la campagne, avec du courage, il va au contact. Il y a l'idée d'agir, il est dans une sorte de volontarisme. Mais au-delà du talent qu'on peut lui prêter, le problème sera de savoir quel cap il met en œuvre. Il doit parler directement aux Français et, au fond, expliquer pourquoi il est là. Ce qui, à mon avis, ne s'est pas totalement imposé encore dans l'opinion. J'ai trouvé que la conférence de presse du président n'avait pas donné un cap. Il a parlé de beaucoup de choses, mais quel est le sens de tout ça ? Depuis juin 2022, il ne le trouve pas. Ce quinquennat n'en finit pas de démarrer. Donc je pense que Gabriel Attal doit véritablement incarner le début de ce second quinquennat. Un discours réussi de politique générale vous donne du temps. Ça ne veut pas dire que ça va bien se terminer, j'en sais quelque chose, mais au moins cet exercice réussi vous permet de continuer sur votre élan.

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Comment doser la dimension plus personnelle que comporte un tel discours ?

Ce n'est pas la partie que les parlementaires apprécient le plus mais la presse et l'opinion peuvent en revanche aimer. Il faut imposer son discours. Et surtout essayer d'imprimer un style qui oblige à faire assez court. Le mien avait duré quarante-cinq minutes, un record. Et il faut que ce discours vous reflète. À lui de choisir ce qui peut faire sa méthode, la marque Attal : le style, la manière d'être, les convictions. La nomination du Premier ministre doit correspondre à des objectifs, des annonces, des réformes. Moi, je pouvais détailler le pacte de croissance annoncé plusieurs mois avant par le président de la République. La difficulté de Gabriel Attal, c'est qu'on est à la fois dans une crise conjoncturelle lourde des agriculteurs et, surtout, le président de la République s'est exprimé longuement il y a quelques jours à l'occasion de sa conférence de presse.

Emmanuel Macron ne préside pas, il gouverne

Trouvez-vous qu'Emmanuel Macron lui laisse trop peu de place ?

J'oscille. Je pense qu'en nommant un chef du gouvernement qui apparaît comme très politique et très communicant par rapport à ses deux derniers prédécesseurs, cela donne à la fonction une plus grande visibilité et opère une forme de rééquilibrage. Mais la conférence de presse de deux heures du président de la République m'a laissé penser qu'il ne veut pas changer de méthode de gouvernement. Il ne préside pas, il gouverne. Il doit laisser davantage le Premier ministre gouverner. Mais le style Attal, ce qu'on a vu vendredi, montre qu'il peut prendre aussi sa place en bonne intelligence avec Emmanuel Macron. De la même manière que François Hollande avait dit « Valls doit faire du Valls », c'est-à-dire être moi-même, Attal doit faire du Attal. Après, c'est dans la durée que tout cela se convertit ou pas.

Être un Premier ministre plus populaire que le président, est-ce une chance ou un problème ?

Ni l'un ni l'autre. Parce que ça dépend du fond de la situation. D'une certaine manière, l'arrivée d'un nouveau Premier ministre un peu différent et fort peut être l'opportunité pour les Français de voir ce qu'ils aimeraient de différent du président en place. On se grise facilement, y compris à Matignon. On ne peut pas dire que j'étais dans le même style que François Hollande, pour faire vite. Et avec Gabriel Attal, c'est plus compliqué parce que la différence de style entre les deux n'est pas forcément évidente. Mais à la fin des fins, les Français jugent la politique du président. Au fond, la réalité politique, à savoir les élections européennes du mois de juin et le nombre de 49.3 qu'il faudra utiliser d'ici là, s'imposera à un moment ou à un autre. La réalité de l'opinion, de la situation économique, sociale et sécuritaire vous rattrape. Si le style même du président n'évolue pas dans le rapport avec les Français, alors à ce moment-là les courbes à la baisse risquent de se rejoindre.

Je n'aime pas la nomination de Rachida Dati, c'est une provocation

Gabriel Attal a 34 ans. Pensez-vous que son âge peut-être une limite pour affronter l'enfer de Matignon ?

Certes, l'expérience peut être utile mais quels que soient l'âge et l'expérience que vous avez eue auparavant, vous découvrez ce qu'est Matignon. C'est une fonction totalement nouvelle. Vous découvrez forcément une autre relation que celle que vous avez pu avoir avec le président de la République. Et un autre rapport à l'opinion, puisque vous devenez le deuxième personnage de l'État. Et forcément aussi une autre relation avec les autres ministres et également avec le Parlement. Donc vous êtes obligé d'apprendre. Quand vous êtes ministre, vous pilotez vous-même votre ministère. Là, vous êtes devant un grand tableau de bord et vous devez observer tout cela. Expérience ou pas, vous êtes très vite submergé par les dossiers et les crises qui arrivent.

Quel regard portez-vous sur le gouvernement Attal ?

Je n'aime pas la nomination de Rachida Dati, c'est une provocation vis-à-vis de l'opposition LR, vis-à-vis du monde de la justice parce qu'elle est mise en examen, et vis-à-vis du monde de la culture. C'est un coup politique, ce n'est pas ce que les Français désirent.

Commentaires 5
à écrit le 28/01/2024 à 22:16
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Il fait parti de ceux qui se sont servi de l'appareil de l'état pour descendre un homme au lieu de bosser à relever le pays. Plus aucune crédibilité.

à écrit le 28/01/2024 à 16:27
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Alors lui il a vraiment pas la honte de se permettre des commentaires

à écrit le 28/01/2024 à 11:26
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Encore un qui essaie d’exister. Après son aller-retour en Espagne, Manuel Valls essaie toujours de rebondir mais il ne convainc personne. Juste avant les législatives de 2017, il était désigné comme la personnalité politique suscitant le plus de reje...

à écrit le 28/01/2024 à 10:30
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Ouais? Ca va Vallser!

à écrit le 28/01/2024 à 9:11
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Valls qui fait du Valls, bref tout les politiciens tournent en boucle. Et ils sont fiers d'eux en plus...

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