![Olivier Falorni à l’Assemblée nationale en mars.](https://static.latribune.fr/full_width/2379090/olivier-falorni-a-l-assemblee-nationale-en-mars.jpg)
C'est la deuxième grande réforme de société d'Emmanuel Macron, après la PMA. Les députés entament demain l'examen du projet de loi autorisant l'aide à mourir. Le texte donnera le droit à certains malades en fin de vie d'être accompagnés pour mettre fin à leurs jours, sous conditions. Une évolution historique, attendue depuis des décennies par les associations de malades. Seules les personnes majeures atteintes de pathologies mortelles irrémédiables dont les souffrances ne peuvent plus être soulagées y auront accès. Actuellement, la loi interdit en France le suicide assisté ainsi que l'euthanasie (assimilée à un homicide), contrairement à la plupart des pays voisins.
Bien qu'une majorité de Français se montre favorable à cette évolution, selon plusieurs sondages, le débat traverse tous les camps. « Ce n'est pas un sujet politicien. La question engage chaque parlementaire selon sa conscience. Aucun parti ne donnera de consigne de vote », observe Olivier Falorni, rapporteur (MoDem) de la commission spéciale qui a examiné le texte il y a dix jours. Les opposants se trouvent, pour beaucoup, au RN ou chez LR, mais ils sont aussi présents au sein de la majorité, et parfois à gauche.
Preuve que la mort n'est pas réductible aux clivages habituels, le projet de loi recevra le soutien de nombreux députés LFI. Plusieurs d'entre eux voient même dans la discussion à venir « une lutte des classes » qui opposerait des patients démunis dans la souffrance aux plus riches pouvant se rendre en Suisse pour leurs derniers instants. Au sein de la société, ce sont surtout les associations de soignants et les croyants conservateurs qui sont mobilisés contre (lire ci-dessous).
Plusieurs points vont cristalliser les débats cette semaine. Pour ouvrir le droit à l'aide à mourir, le texte réclamait dans sa version initiale un « diagnostic vital engagé à court ou moyen terme ». Cette formulation était issue de la convention citoyenne sur la fin de vie, qui s'est tenue l'an dernier à la demande d'Emmanuel Macron, avec l'objectif de préparer les débats de manière apaisée.
Mais le « moyen terme » a semblé indéfinissable à la majorité des députés réunis en commission spéciale, notamment pour des maladies neurodégénératives comme la maladie de Charcot, dont l'évolution peut être brutale. Les associations de malades et le Comité consultatif national d'éthique avaient soulevé la limite de cette expression. La commission spéciale l'a remplacée par la notion d'affection « en phase avancée ou terminale ».
Ce changement de mots a provoqué une levée de boucliers, allant du gouvernement aux oppositions en passant par la majorité. « Ce n'est pas l'équilibre de la loi qui a été souhaitée et qui a été présentée », a protesté l'ancienne ministre de la Santé Agnès Firmin Le Bodo (Horizons), présidente de la commission spéciale. Dans une interprétation extensive, le dispositif pourrait s'appliquer à des pathologies graves qui ne sont pas directement mortelles, comme le diabète. Les représentants des Églises catholiques et protestantes, eux, y ont vu une porte ouverte à l'euthanasie, à tout moment, pour des patients qui pourraient encore vivre plusieurs années.
La question n'est pas politique, elle engage chaque parlementaire selon sa conscience
Le gouvernement a vite réagi. Mercredi dernier, un petit déjeuner a été organisé à l'Assemblée, à l'initiative de la questeure Brigitte Klinkert (Renaissance), réunissant Catherine Vautrin et une cinquantaine de députés de la majorité, pour faire le point sur le sujet. La ministre de la Santé a prévenu : le gouvernement reste très attaché à la formulation de « diagnostic vital », il fera tout pour rétablir la version initiale du texte dans l'hémicycle. « Vous êtes députés de la majorité. Je suis ministre du gouvernement. J'ai discuté avec le président ce week-end, qui a réaffirmé son attachement à l'équilibre du texte », les avertit-elle. Un amendement gouvernemental en ce sens sera donc déposé (lire notre interview de Gabriel Attal page 2).
Pour Olivier Falorni, c'est un faux débat. « La commission spéciale n'a rien changé sur le fond », conteste le député. « La nouvelle rédaction permet au droit d'être applicable, contrairement à la version initiale. La notion de pronostic vital n'est pas du tout écartée. » Un consensus autour d'une nouvelle rédaction ne semble pas hors de portée.
Mais ce n'est pas le seul point de friction. Les députés devront aussi confirmer, ou non, le choix laissé au patient de demander à un proche d'administrer le produit létal. Une possibilité ouverte par un amendement de Cécile Rilhac (apparentée Renaissance). Le principe initial du texte est l'autoadministration du produit, l'intervention d'un tiers étant l'exception. La discussion devrait permettre de préciser le rôle de chacun, ainsi que celui des médecins, qui devront s'entourer d'au moins un spécialiste et un aide-soignant qui suivent le malade avant de rendre leur avis.
Quand les patients concernés pourront-ils accéder à ce nouveau droit ? La première lecture à l'Assemblée va durer deux semaines. À Matignon, on promet une application avant la fin du quinquennat. La discussion parlementaire pourrait néanmoins durer un an et demi.