Il souhaite que les praticiens ne soient pas associés à un geste donnant la mort. De manière plus générale, l'opposition au texte est menée, dans le milieu hospitalier, notamment par la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs. Elle mêle des considérations éthiques et religieuses conservatrices.
LA TRIBUNE DIMANCHE - Vous avez été ministre d'Emmanuel Macron, mais vous êtes défavorable au projet de loi dans son état actuel. Pourquoi ?
FRANÇOIS BRAUN - Depuis quarante ans, j'ai pris en charge des patients dans toutes les circonstances que vous pouvez imaginer. Chaque mort est différente. Moi, je ne parle donc pas de la fin de vie, mais de la fin d'une vie. Quelles que soient les circonstances, c'est toujours un drame. On ne la rendra pas plus douce avec une loi.
Il y a néanmoins une forte attente, et ce type de dispositif existe dans plusieurs pays voisins...
Je vois dans le monde politique une grande confusion. La mort n'est pas un sujet médical, c'est un sujet de société. Qu'est-ce que la fin de vie, quelle est sa place, quels rites voulons-nous y associer ? Avec ce projet de loi, on commence par dire comment avant de dire pourquoi. Le sujet n'est pas mûr. J'ajoute que la discussion parlementaire va durer au moins un an et demi.
Cette longue durée va accentuer la dualité entre partisans et opposants.
Que reprochez-vous concrètement au projet de loi ?
Dans le texte tel qu'il est aujourd'hui, il y a beaucoup de choses inacceptables. Par exemple, le médecin pourrait prendre une décision de mort sur dossier, sans examiner le patient. C'est impensable. La volonté de mettre fin à ses jours est individuelle. Si l'aide à mourir est mise en place, la responsabilité ne doit pas reposer sur le médecin. Si la société veut la mise en œuvre juridique d'une aide à mourir, elle doit s'organiser en ce sens tout en laissant le corps médical à sa juste place.
Laquelle, dans ce cas d'espèce ?
Le médecin doit, d'abord, échanger pleinement avec le spécialiste qui suit le patient, le médecin en soins palliatifs, un psychiatre. Et dire au patient, le cas échéant : vous êtes dans une souffrance inacceptable, avec une pathologie mortelle à laquelle on ne sait pas répondre. Il peut dire si cela correspond au cadre légal de la fin de vie, ou non. Mais le reste ne lui appartient pas. Si l'on va vers le suicide assisté, cela ne doit pas être un acte médical.
Ce serait donc à un ami ou à un membre de la famille d'accompagner l'acte ou de le réaliser, ce que le projet de loi permet ?
Le modèle suisse, qui correspond peu ou prou à cela, me paraît être le moins inacceptable.
Vous dites que le monde politique aborde mal la question. Avez-vous exprimé vos réserves à Emmanuel Macron quand vous étiez au gouvernement ?
J'ai participé en tant que ministre de la Santé à des rendez-vous sur le sujet avec le président de la République, je peux vous assurer qu'il a mené une réflexion remarquable. Mais la commission spéciale de l'Assemblée n'a pas suffisamment travaillé, elle n'a pas assez auditionné de médecins sur le fond. Elle a entretenu un antagonisme caricatural. Comme il s'agit d'un sujet de société, je le répète, il aurait fallu entendre le Medef, les syndicats, les autres corps intermédiaires... La représentation de la société civile est mise à mal.
Il y a eu une convention citoyenne...
Oui, les choses ont été bien expliquées dans ce cadre, mais beaucoup moins ensuite.
On a aussi bien entendu les arguments des soignants hostiles au texte....
L'euthanasie, c'est pour les chiens et les chats. Ce n'est ni le métier ni l'éthique des soignants. Si l'on place les médecins dans la situation de donner la mort, comme le prévoit le projet de loi, alors il est légitime qu'ils s'expriment et qu'ils soient entendus. Si c'est à eux de le faire, alors c'est à eux de poser les règles.