Gabriel Attal, 140 jours à Matignon

Au lendemain des européennes, Gabriel Attal va entrer dans une séquence budgétaire qui sera compliquée pour la majorité.
(Crédits : © LTD / ELIOT BLONDET/ABACA POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

« On aura au moins appris une chose, c'est que les Roumains ont de bonnes canalisations. » Jeudi, à l'issue de son duel avec Jordan Bardella sur France 2, Gabriel Attal décompresse au milieu de la centaine de militants venus regarder celui-ci au siège de Renaissance. Il sait que ce duel face à la tête de liste RN aux européennes a tourné à son avantage. Ce soir, le Premier ministre a été frappé par le niveau d'imprécision de son adversaire, qu'il connaît pourtant si bien. D'entrée de jeu, il a perçu que son absence de notes déstabilisait son rival, qui soudain n'avait plus su tout à fait quoi faire des siennes.

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Pour le chef du gouvernement, ce débat aura été un moment important. Il l'aura conforté au sein de son camp. Même si la majorité présidentielle sort, le 9 juin, très affaiblie du scrutin, qui imagine encore qu'il puisse être invité par le chef de l'État, le lendemain, à quitter le 57, rue de Varenne ? Depuis cent quarante jours, Gabriel Attal est un locataire qui s'y épanouit. « C'est la fonction la plus intéressante au moment le plus difficile », confiait-il récemment. L'ambitieux y façonne un peu plus son apprentissage du pouvoir, de ses rites. L'une des premières fois où il est allé à Souzy-la-Briche, là où se situe la résidence secondaire réservée au Premier ministre depuis que Nicolas Sarkozy a échangé celle-ci avec la Lanterne, il a passé deux heures à farfouiller dans la bibliothèque. Un jour, il avait lu que François Mitterrand avait annoté quelques exemplaires de la Pléiade qui y étaient rangés. Il n'a rien trouvé.

Surpris du comportement de l'Élysée

Très vite après sa nomination dans ses nouvelles fonctions, la tournure des événements n'a pas été celle que Gabriel Attal avait imaginée. La crise agricole ne lui a fait connaître aucun état de grâce. Elle a aussi donné moins d'écho à son discours de politique générale. Si, au ministère de l'Éducation, il avait réussi à montrer aux Français que ses annonces étaient suivies d'effets, à son nouveau poste il parvient moins à les convaincre de son efficacité. Les lourdeurs de l'État, les soubresauts perpétuels de l'actualité, l'absence de majorité absolue rendent moins aisé le récit qu'il voudrait imposer. Et puis le successeur d'Élisabeth Borne a été surpris du comportement de l'Élysée. Régulièrement, la presse a relayé des critiques présidentielles émises à l'égard de ce trentenaire qui prend tant la lumière. « L'épisode "Moi, quand je suis au Salon de l'agriculture, ça se passe bien" a laissé des traces », rapporte un proche du chef de l'État. « Le président trouve qu'il n'a pas d'idées », assure un poids lourd de la Macronie. Entre les conseillers des deux têtes de l'exécutif, les tensions sont parfois devenues vives.

Le 4 avril, Gabriel Attal a reçu Brigitte Macron à déjeuner à Matignon. Si ces agapes leur ont permis de décider d'actions communes (ils se sont rendus vendredi dans un lycée des Hauts-de-Seine afin d'évoquer le harcèlement scolaire), elles ont pu aussi être l'occasion de passer quelques messages... « Gabriel Attal a réussi à tisser un lien personnel avec les Français. Les gens le connaissent », estime Guillaume Kasbarian, ministre délégué au Logement, très proche de lui. Désormais, au sein de la majorité, le chef du gouvernement dispute à Édouard Philippe le titre de prétendant sérieux pour 2027. Dans cette catégorie ne figurent plus, pour le moment, Gérald Darmanin et Bruno Le Maire. Au lendemain de sa promotion, Gabriel Attal était conscient qu'une part de son autorité se jouerait sur ses relations avec les deux poids lourds de son équipe qui avaient donné tant de peine à Élisabeth Borne. Aujourd'hui, il est plutôt rassuré. Avec le ministre de l'Intérieur, les choses se passent bien; les deux hommes prennent un soin méticuleux à respecter leurs plates-bandes. Le locataire de Bercy, lui, a été très affaibli ce printemps par la nouvelle dégradation des comptes publics et ses relations compliquées avec l'Élysée.

Gabriel Attal devra faire vite

D'entrée de jeu, Jean-Pierre Raffarin, qu'il avait reçu dès janvier Rue de Varenne pour connaître les ficelles de son nouveau job, avait tranquillisé son lointain successeur. « Tu n'as ni Sarko, ni Fillon, ni Villepin, ni Borloo dans ton gouvernement. Tu ne dois pas trop t'inquiéter », lui avait expliqué celui-ci qui, il y a plus de vingt ans, avait dû gérer un tel casting.

Ces prochains mois, Gabriel Attal sait qu'il aura un défi : montrer qu'il possède une colonne vertébrale idéologique, quand nombre de ses détracteurs l'accusent de ne penser qu'en unité de bruit médiatique. « Il est entré en politique contre Nicolas Sarkozy. Aujourd'hui, ses mots, ses formules, ses choix, ses relations sont proches de Nicolas Sarkozy. C'est son droit, mais où est la cohérence ? Où sont les convictions ? », note cruellement François Hollande à propos de cet ancien jeune socialiste. « La nouvelle autorité sera sa nouvelle société », veut croire un de ses supporters en référence à la marque qui avait fait Chaban.

Pour imprimer la sienne, Gabriel Attal devra faire vite. Dès son arrivée, il a acté qu'à Matignon ses jours pouvaient être comptés. Il y a quelques semaines, l'élu des Hauts-de-Seine a reçu un ancien ministre qui venait de faire son retour à l'Assemblée. Il l'a beaucoup interrogé sur la manière dont s'était passé celui-ci, comme s'il commençait déjà à s'y préparer. Au lendemain des européennes, il entrera en effet dans une séquence budgétaire où l'incertitude sera la règle. À l'Assemblée, Les Républicains ont durci le ton et menacent ouvertement de déposer une motion de censure. Prévoyant, le Premier ministre a multiplié depuis sa nomination les rencontres en tête à tête avec les députés LR - il a déjà vu la moitié de leur groupe, qui compte 61 membres. Le 15 mai, il a également dîné en tête à tête avec Laurent Wauquiez à Matignon. Celui qui ambitionne d'être le candidat de LR sur la ligne de départ en 2027 veut de la stabilité et rejette toute alliance ou dissolution qui pourraient rendre sa stratégie plus compliquée. Ces prochains mois, à sa manière, le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes pourrait se révéler un allié.

Commentaires 3
à écrit le 27/05/2024 à 3:36
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Le moment de faire un bilan !

à écrit le 26/05/2024 à 18:16
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Le chaos se généralisé...m

à écrit le 26/05/2024 à 9:30
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Et rien mais on s'en doutait on est français.

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