« L’autonomie de la Corse est à portée de main » (Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse)

ENTRETIEN EXCLUSIF - À la veille d’une rencontre décisive organisée par Gérald Darmanin, le leader autonomiste dévoile les demandes des élus de l’île.
Le président du conseil exécutif de Corse à son bureau à Ajaccio, en janvier.
Le président du conseil exécutif de Corse à son bureau à Ajaccio, en janvier. (Crédits : © FLORENT SELVINI/MAXPPP)

LA TRIBUNE DIMANCHE - Dans quel état d'esprit vous rendrez-vous demain au dîner organisé par Gérald Darmanin avec les principaux élus corses pour faire un point d'étape sur l'évolution institutionnelle de l'île?

GILLES SIMEONI - Avec la ferme volonté de réussir. Et que le processus mis en place depuis mars 2022 nous permette de déboucher sur une révision constitutionnelle et un statut d'autonomie pour la Corse.

Dans Corse-Matin, le 16 février, Gérald Darmanin a dit qu'il proposerait lors de ce dîner « une écriture constitutionnelle », déplorant de ne pas en avoir une de votre part. Allez vous finalement venir avec votre propre projet de texte constitutionnel?

Oui. Ce n'est pas à Gérald Darmanin de tenir la plume. Le 28 septembre, lors de sa venue, Emmanuel Macron nous avait demandé de « trouver un accord des groupes politiques de l'Assemblée de Corse », allant plus loin que la large majorité qui s'était formée lors du vote de la délibération posant les principes de notre autonomie par l'Assemblée de Corse le 5 juillet. Celle-ci avait été votée par 46 voix sur 63. Aujourd'hui, même si ça pouvait paraître une gageure et si certains dans le camp nationaliste jugeaient que nous n'avions pas à le faire car notre légitimité démocratique était suffisante, nous y sommes parvenus, sans pour autant bien sûr édulcorer le texte de la délibération.

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Depuis novembre, nous avons eu douze réunions d'environ une demi-journée autour des principaux thèmes susceptibles de constituer les piliers d'une révision constitutionnelle et d'un statut d'autonomie. Nous avons travaillé non seulement au sein de l'Assemblée de Corse, mais aussi avec les trois députés nationalistes, le député Laurent Marcangeli, les deux sénateurs de Corse, le député européen, les maires de Bastia et d'Ajaccio, et les présidents des associations de maires de Haute-Corse et de Corse-du-Sud. Vendredi, avec la présidente de l'Assemblée de Corse, au terme d'une journée de travail essentielle, nous avons voté à une très large majorité une déclaration politique solennelle que nous communiquerons lundi au ministre de l'Intérieur, et autour de laquelle, à notre avis, doivent s'organiser les textes de la révision constitutionnelle et de la future loi organique qui sera également présentée. Nous sommes au rendez-vous malgré les conditions un peu tumultueuses de ces derniers jours.

C'est-à-dire?

Le président nous avait donné six mois pour essayer de trouver un accord, soit jusqu'au 28 mars. La semaine dernière, le ministre de l'Intérieur a accéléré les choses et dit, à notre avis de façon très excessive, que nous étions en retard. Nous avons néanmoins accepté d'accélérer.

Que contient ce texte?

Quatre demandes ont été votées à l'unanimité. Il y a d'abord la demande d'inscription dans la Constitution de la reconnaissance d'une « communauté insulaire, historique, linguistique et culturelle ayant développé au fil des siècles un lien fort et singulier avec sa terre: l'île de Corse ». C'est une façon de demander la reconnaissance du peuple corse, qui est la revendication structurante de la vie politique insulaire depuis ces soixante dernières années. Deuxièmement, nous demandons la constitutionnalisation du lien à la terre et de l'accès équitable à la propriété foncière, ce qui permettra de créer un statut de résidence. Troisièmement, nous demandons un statut de la langue corse et la mise en œuvre du bilinguisme. Et quatrièmement, nous voulons un principe d'autonomie fiscale dans le cadre d'un nouveau pacte budgétaire, fiscal et financier avec l'État. Il y a ensuite deux demandes votées à une majorité élargie par rapport à la délibération du 5 juillet, et dont même ceux qui ne les ont pas approuvées demandent qu'elles soient prises en compte par le gouvernement au titre du fait majoritaire. La première est la demande d'un titre spécifique consacré à la Corse, plutôt qu'un article, dans la Constitution. La deuxième est la mise en œuvre d'un pouvoir normatif de nature législative.

Je n'imagine pas que le chef de l'État et le ministre de l'Intérieur ne tiennent pas compte de nos propositions

Ce dernier point est très sensible. Que mettez-vous derrière cette formule?

Il ne peut y avoir autonomie sans pouvoir législatif. C'est un corollaire. De nombreuses grandes îles de la Méditerranée et de l'Arc atlantique, qu'il s'agisse des Baléares, de la Sardaigne, de la Sicile ou encore des Açores, disposent déjà d'un pouvoir normatif de nature législative. Nous demandons donc le transfert à la collectivité de Corse autonome de l'ensemble des compétences, à l'exception des compétences régaliennes. Nous proposons que cela se fasse très progressivement, par transfert de blocs et sur trois périodes successives de cinq ans. Au terme de chacune de ces périodes, une évaluation contradictoire entre la collectivité autonome de Corse et l'État sera effectuée. Ce pouvoir normatif sera également soumis au contrôle du Conseil constitutionnel. Le représentant de l'État en Corse, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu'un tiers des élus de l'Assemblée de Corse disposeront aussi d'un droit de saisine. Les premières compétences transférées pourraient être celles dont l'urgence est la plus caractérisée. Je pense à la question foncière, à la langue ou à certains aspects du développement économique.

Pensez-vous que le texte que vous allez proposer est de nature à convaincre le Parlement? Le vote d'un projet de loi constitutionnel sur l'autonomie de la Corse est très loin d'y être acquis...

Nous avons bien sûr conscience qu'il faudra convaincre. Notre canevas est extrêmement précis et détaillé. Sa légitimité démocratique est renforcée et à mon avis sans équivalent dans l'histoire politique contemporaine de la Corse. Nous allons désormais le porter ensemble, dans la diversité de nos convictions, et dire aux députés et sénateurs qui nous sommes et ce que nous voulons. Nous leur expliquerons que l'autonomie, ce n'est pas l'indépendance. Nous leur dirons aussi que cela permettra de prendre en considération ce que les Corses ont exprimé et demandé de façon très majoritaire depuis près de dix ans. Il nous faudra faire œuvre de pédagogie et de conviction. Nous savons que ce que nous demandons est très innovant et très éloigné de la tradition politique dominante autour de laquelle se sont construits l'État et la République. Aujourd'hui, notre volonté est de tourner la page d'une histoire tumultueuse et douloureuse faite de décennies de conflits et d'inscrire les relations entre la Corse et la République dans une nouvelle ère. Nous comptons sur la sagesse et sur l'esprit républicain de l'ensemble des parlementaires.

Vous avez eu de premiers contacts avec Gérard Larcher. Le président du Sénat aura un rôle décisif...

Lors du tête-à-tête que nous avons eu, je l'ai trouvé très à l'écoute. Il m'a fait part de
ses réserves sur la question du pouvoir législatif. Dans notre déclaration, nous avons pris des engagements qui, je pense, seront de nature à le rassurer.

La semaine dernière, Gérald Darmanin a déclaré que « s'il y a[vait] échec, ce ne
sera[it] pas » celui du gouvernement. Que lui répondez-vous?

Je lui réponds que j'espère que nous allons réussir et que cette réussite sera celle de la Corse, du gouvernement et de la République tout entière. Je n'imagine pas que le chef de l'État et le ministre de l'Intérieur ne tiennent pas compte de notre déclaration. Dans son discours en septembre, Emmanuel Macron avait lui-même déclaré qu'il fallait réintégrer la Corse dans une forme de normalité méditerranéenne, lui faire retrouver sa vocation méditerranéenne. Or la norme en Europe et en Méditerranée, c'est l'autonomie.

Vous pensez n'en avoir jamais été aussi près?

Oui. L'autonomie est à portée de main. Il faut maintenant la construire et la mettre en œuvre.

Commentaires 12
à écrit le 26/02/2024 à 7:27
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La CORSE restera dépendante de la FRANCE financierement, un vrai problème

à écrit le 25/02/2024 à 20:34
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Quarante ans après la première loi Defferre de décentralisation, les régions entendent changer de braquet. Elles réclament une révision constitutionnelle et l’attribution d’un « véritable pouvoir règlementaire » aux pouvoirs locaux. Le but de la manœ...

à écrit le 25/02/2024 à 20:18
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Que l'assemblée le sache, de mémoire française, jamais l'île n avait aussi mal prépare sa saison, faute a une organisation et des décisions au préjudice inclassable. Ainsi, le quai d acceuil a calvi est réservé aux croisière du ponant, impossible de...

à écrit le 25/02/2024 à 14:13
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It's a shame for motherland of Napoleon to separate Corse. Those who vote the autonomy and independence of Corse are reimbursed by the enemies and traitors of France, may be even from Rusia, China or Italy. These enemies need territories for military...

à écrit le 25/02/2024 à 13:27
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Bonjour, ils faut bien comprendre que l'ons ne peux pas avoir ne beurre et l'argent du beurre... Dons , ils devront bien choisir... car une fois les cartes tirer, ils sera difficile de revenir en arrière... Car la crémière n'est pas consentement.....

à écrit le 25/02/2024 à 11:16
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Mieux que l’ indépendance on met en vente les territoires y compris ultramarins y compris les l’île comme Mayotte ou le Guadeloupe , la Martinique, on ne garde et aide que ceux qui nous casse pas les B… on leur coupe les flux financiers .. ceux viv...

à écrit le 25/02/2024 à 11:16
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Aucune autonomie du tout. Le statut de département suffit amplement à la Corse. Pourquoi la Sicile, la Sardaigne, l’Alaska ou la Tasmanie ne réclament-elles pas l’autonomie ? Les séparatistes et les autonomistes sont alimentés par des traîtres et des...

à écrit le 25/02/2024 à 10:44
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Toutes les régions françaises auraient besoin d'une vraie autonomie fiscale. Mais cela doit aller de pair avec la responsabilité fiscale: on ne demande rien à l'état pour son fonctionnement et pour colmater les déficits. L'état ne devra plus avoir le...

à écrit le 25/02/2024 à 9:48
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D'accord à 100% et vite... et bon débarras de ces assistés.

à écrit le 25/02/2024 à 9:46
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L´ « autonomie » avec Macron ? La France a déjà une tradition centralisatrice, mais avec Macron, c´est une centralisation totale, ignorant parlement et collectivités : d´où l´intérêt des préfets chargés des besognes arrivant directement de Paris (et ...

à écrit le 25/02/2024 à 9:03
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Pas "l'autonomie" : "l'indépendance ". Et vite. Avec libération de tous les postes tenus par des Corses dans l'administration française. Chiche !

le 25/02/2024 à 9:48
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Indépendance totale : plus un sou de l'état français.

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