C'est l'un des rares sujets de divergence entre l'Élysée et Matignon. Le « cas » Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports et des Jeux olympiques sous le gouvernement Borne, qui a vu son portefeuille considérablement élargi à la faveur du dernier remaniement puisqu'elle a aussi hérité du ministère de l'Éducation nationale. Une super-ministre, cinquième dans l'ordre protocolaire gouvernemental, qui n'en finit pas d'enchaîner les fautes de carre. Dès sa toute première prise de parole, elle a remis en question l'école publique et ses « paquets d'heures non remplacées », pour tenter de justifier l'inscription de ses trois enfants dans le très sélectif établissement privé Stanislas à Paris. Des débuts impardonnables pour les syndicats de l'Éducation nationale. L'ampleur de la grève du monde de l'éducation jeudi dernier a sonné comme une première alerte. Un enseignant sur cinq s'est mobilisé contre la politique scolaire de l'exécutif, une nouvelle grève est prévue mardi.
« Attal est furieux »
Dernier rebondissement en date, la démission de Christophe Kerrero, recteur de l'Académie de Paris, désavoué par la ministre, qui a décidé d'un moratoire sur une partie de sa réforme des classes prépas de la capitale destinée à introduire davantage de mixité sociale. Une décision annoncée devant le Conseil supérieur de l'éducation sans que le recteur en ait été prévenu. « Trois ministres en moins de trois ans, des ordres et des contre-ordres ont fini par l'exaspérer, observe un proche du recteur. D'autant que son projet avait été approuvé par Pap Ndiaye, puis confirmé par Gabriel Attal. » Pour mémoire, la dernière fois qu'un recteur a ainsi claqué la porte, c'était sous Gilles de Robien. Il s'agissait de Nicole Belloubet, rectrice de Toulouse. Elle avait ensuite entamé une carrière politique, jusqu'à devenir ministre de la Justice sous Emmanuel Macron.
La démission de Christophe Kerrero a achevé d'agacer très fortement celui qui a voulu emmener avec lui la « cause de l'école » à Matignon, l'actuel Premier ministre, éphémère mais très apprécié ministre de l'Éducation nationale. « Attal est furieux contre Oudéa, autant que les profs contre elle et lui. L'institution est cul par-dessus tête. Les syndicats de gauche sont d'accord avec le recteur de Paris et pourtant ils étaient opposés à son projet. Tout part de travers », soupire un macroniste bien informé. « Gabriel veut faire partir Oudéa-Castéra de l'Éducation nationale », résume un intime du locataire de Matignon.
Macron ne veut rien lâcher
Emmanuel Macron et Gabriel Attal se sont vus vendredi après-midi pour évoquer la fournée de ministres délégués et de secrétaires d'État qui devrait compléter la liste gouvernementale en début de semaine prochaine.
Et pour le moment, pas question pour Emmanuel Macron de lâcher son ancienne condisciple de l'ENA. « Pour lui, faire partir Oudéa, ce serait se désavouer lui-même », observe un autre macroniste. Un conseiller de l'exécutif pense même que son périmètre entier sera sauvegardé : « Elle conservera aussi les Sports et il n'y aura pas non plus de secrétaire d'État aux Jeux olympiques. »
En tout, une quinzaine de nominations devraient être annoncées, dont une dizaine de reconductions de sortants. Parmi eux : Jean-Noël Barrot, Olivia Grégoire, Roland Lescure, Sabrina Agresti-Roubache. En difficulté, Agnès Pannier-Runacher n'est plus aussi certaine d'atterrir à la Santé. Si Catherine Vautrin, à la tête d'un gigantesque ministère, attend bien d'accueillir deux ministres délégués ou secrétaires d'État pour l'épauler, l'un à la Santé, l'autre aux Solidarités, mais aussi aux familles, à l'autonomie et au handicap, alors qu'elle pilotera en direct le Travail, elle a fait savoir qu'elle ne voyait pas d'un bon œil la candidature de l'ancienne ministre de la Transition énergétique. Une opinion partagée à Matignon. En petit comité, François Bayrou résume ces tractations par cette formule lapidaire : « C'est un combat. »