Pourquoi Adidas a misé sur le mini-Bercy parisien

L'équipementier a associé son nom à l'Arena Porte de la Chapelle, bâtie en vue des JO et inaugurée dimanche prochain. Un investissement sur fond de rap et de basket.
(Crédits : © Edgar Sapiña Manchado/EFE/maxppp)

L'air de rien, c'est une première mondiale pour Adidas. Jamais le géant allemand n'avait donné son nom à une enceinte sportive. C'est chose faite avec la salle multifonctions de la porte de la Chapelle, dans le nord de Paris, qui sera inaugurée dimanche 11 février avec un match de championnat de son club résident, le Paris Basketball, contre Saint-Quentin. « Il est symbolique que cette première survienne à Paris en 2024 », fait observer le directeur marketing d'Adidas France, Christophe Mazel, dans un clin d'œil appuyé aux Jeux olympiques.

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D'un coût de 106 millions d'euros et dotée de 8.000 places assises (9.000 places en « configuration spectacle »), l'Arena est l'un des rares équipements d'envergure construits pour l'événement. Elle accueillera les épreuves de badminton, de gymnastique rythmique, de parabadminton et de para-haltérophilie. Les matchs de basket auront paradoxalement lieu au stade Pierre-Mauroy de Lille puis à l'Arena Bercy, pour une question mal anticipée de hauteur sous plafond exigée par le CIO.

Conformément aux règlements olympiques, la nouvelle salle parisienne sera vierge de mention à son « namer » pendant les épreuves, comme l'Accor Arena, dont elle est complémentaire en matière de capacité. Ce n'est donc pas la lumière générée par les JO qui a poussé la marque à verser 2,8 millions d'euros de redevance à l'exploitant pendant cinq ans (plus sept en option). Ce qu'elle est venue chercher, c'est l'aura urbaine, la « street credibility », cette pièce maîtresse pour écouler ses produits.

Référence aux quartiers américains

« La stratégie marketing d'Adidas consiste à s'implanter dans les quartiers jeunes et populaires », éclaire l'économiste du sport Christophe Lepetit. Christophe Mazel valide: « La majeure partie de notre communication est en direction des 18-25 ans, notre cœur de cible. On essaie de parler avec leurs codes, de mener des actions concrètes auprès d'eux. Le fait que l'Arena soit un lieu de vie du quartier grâce à ses deux gymnases scolaires et qu'elle améliore le territoire sur un plan urbanistique et social a été un élément important pour nous. » Une exigence, d'abord, de la Ville de Paris, propriétaire du site. Ses élus ont d'ailleurs souhaité qu'une partie de la redevance (plus de 200.000 euros par an) soit versée à des associations locales.

L'exploitant, Paris Entertainment Company, également gestionnaire de l'Accor Arena et du Bataclan, n'a pas eu à phosphorer longtemps pour définir l'identité du lieu. « C'était une évidence, raconte Nicolas Dupeux, le directeur général des salles. Avec sa localisation, la dimension lifestyle du basket à Paris, cette salle devait devenir un espace de culture urbaine. Avant de signer avec Adidas, son nom de code en interne était d'ailleurs l'Arena District, en référence aux quartiers américains. » La programmation est à l'avenant : basket, musiques urbaines, MMA ou e-sport se succéderont lors des 110 à 120 dates annuelles espérées. Quatre jours après son inauguration, l'Adidas Arena accueillera la finale d'un important de tournoi de street football, ouvert gratuitement au public contre réservation et saupoudré de concerts de rap. Au regard de la visibilité trouvée, l'investissement pourrait sembler une aubaine pour une multinationale au chiffre d'affaires de 900 millions d'euros en France en 2022.

Polémique et viabilité économique

Ce serait méconnaître la fragilité du marché national du naming, juge Christophe Lepetit: « Ce que verse Adidas est dans la norme en France, où cette pratique est bien moins installée qu'aux États-Unis, en Allemagne ou en Grande-Bretagne. L'Emirates Stadium à Londres rapporte 17 millions d'euros par an à Arsenal. Culturellement, les Français ont encore du mal à l'accepter. C'est très visible avec Orange à Marseille, où les supporters continuent d'appeler leur stade le Vélodrome. C'est aussi vrai pour des équipements récents. À Bordeaux, les ultras ont choisi de rebaptiser le Matmut Atlantique "stade André-Gallice", du nom d'un ancien joueur. »

La polémique née au Conseil de Paris témoigne de cette réticence. Le groupe communiste a milité pour une Arena Alice-Milliat, pionnière du sport féminin. Finalement, seule la nouvelle esplanade porte son nom, le naming étant jugé indispensable pour la viabilité économique de l'enceinte. « Ce débat est tout sauf anodin, reprend Christophe Lepetit. Pour Adidas, il y a un vrai enjeu. Son investissement sera intéressant seulement si le public et des médias relaient son naming, se l'approprient. Ce qui n'est pas automatique. » Adidas devrait être vite fixé.

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