N’oubliez pas l'IA et la finance, monsieur Attal !

CHRONIQUE L'ŒIL DE L'ÉCO. Retrouvez chaque semaine la chronique de Philippe Mabille, directeur de la rédaction de La Tribune.
Philippe Mabille, directeur de la rédaction de La Tribune
Philippe Mabille, directeur de la rédaction de La Tribune (Crédits : © DR)

On se souvient encore du « mon adversaire, c'est le monde de la finance », prononcé par le candidat socialiste François Hollande lors du fameux discours du Bourget en janvier 2012. Une déclaration à replacer dans le contexte de l'époque, quatre ans après la faillite de Lehman Brothers et en pleine crise de la zone euro. Si elle reste depuis un marqueur fort du clivage gauche/droite en France, la finance n'est plus, en revanche, l'ennemi à abattre chez les travaillistes britanniques. Au contraire : de l'autre côté de la Manche, à quelques mois d'élections législatives que le Labour est en passe de remporter après quatorze ans loin de Downing Street, la gauche fait les yeux doux à la City de Londres.

Lire aussiEmmanuel Macron devrait s'inspirer de Gabriel Attal

« Le prochain gouvernement travailliste défendra sans complexe le secteur des services financiers du Royaume-Uni [...], qui soutient des millions d'emplois et des milliards de livres d'investissements », a assuré mercredi Rachel Reeves, la principale responsable économique du Labour. Celle qui deviendra probablement chancelière de l'Échiquier si le parti travailliste revient au pouvoir a même utilisé un argument sonnant et trébuchant : à la BBC, elle a promis que le plafonnement des bonus des banquiers instauré en 2009 et supprimé l'an dernier par le gouvernement conservateur ne sera pas rétabli. De quoi faire s'étrangler la gauche radicale, qui, de Jeremy Corbyn à Ed Miliband, n'a cessé de dénoncer la cupidité (« greed ») de la City alors qu'au lendemain de la crise financière le contribuable britannique a largement participé au sauvetage des banquiers.

5.500 banquiers sont déjà revenus de Londres

Devenu pro-business sous la conduite très pragmatique de l'avocat Keir Starmer, le programme économique du Labour veut aussi rétablir « une relation plus coopérative avec l'Union européenne », qui « reste l'un des principaux partenaires du Royaume-Uni en matière de services financiers ». Il faut dire que, depuis le Brexit, les entreprises financières britanniques ont perdu le « passeport » leur permettant d'exercer leurs activités dans l'Union européenne. Des villes comme Dublin, Amsterdam et Paris ont profité de la situation pour égratigner le leadership de la City.

La place financière de Paris est même devenue la « première place continentale post-Brexit », a souligné le gouverneur de la Banque de France lors de ses vœux le 9 janvier. Plus de 5 500 banquiers sont déjà revenus de Londres. Pour transformer l'essai, Bruno Le Maire a annoncé début janvier un projet de loi sur l'attractivité de la France dont une bonne partie concerne les activités fi nancières. Le texte pourrait comprendre des mesures renforçant les exonérations fiscales et sociales dont bénéficient les « impatriés », des salariés venus ou revenus en France pour y travailler, et allégeant les obligations sociales pour l'embauche des hauts cadres de la finance afin de réduire les coûts en cas de licenciement, fréquents dans ces métiers très mobiles. Des mesures peu coûteuses pour le budget, mais politiquement peu populaires.

Les travaillistes préparent la contre-offensive

L'enjeu est de convaincre qu'« investir dans l'attractivité de la finance est un bon investissement pour le pays », souligne Jean-Charles Simon, le délégué général de Paris Europlace. Car, souligne-t-il, « il est tout à fait possible d'espérer encore beaucoup de créations d'emplois dans les métiers de marché, mais aussi dans les activités administratives qui les accompagnent ». Rien qu'entre 2017 et 2022 17 300 emplois directs ont été créés dans ce secteur à Paris, ce qui, en y ajoutant les emplois indirects, a apporté des milliards d'euros de recettes fiscales et sociales supplémentaires au pays.

Les travaillistes britanniques en sont convaincus et préparent une contre-offensive pour conserver leur leadership, y compris dans les nouveaux métiers de la finance durable et dans l'intelligence artificielle appliquée aux services financiers. À Davos, mi-janvier, le président de la République, Emmanuel Macron, n'a pas caché que la France ne pourra continuer de financer son généreux modèle social qu'à la condition de créer davantage « de bons emplois bien payés ». Cesser de faire de la finance un ennemi, c'est une autre façon, par le haut, de « désmicardiser » la France, selon l'objectif fixé mardi par Gabriel Attal dans sa déclaration de politique générale. Notons qu'il n'a soufflé ni mot ni de la finance, ni de l'intelligence artificielle, en une heure et vingt-deux minutes d'un discours déclamé à la vitesse de la mitraille. L'agriculture, c'est important, certes, surtout quand les paysans bloquent Paris. Mais n'oubliez pas l'IA et la finance, monsieur le plus jeune Premier ministre de France !

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 04/02/2024 à 17:04
Signaler
Sommes nous autant d'imbéciles pour qu'il faille faire appel à l'IA pour tout et n'importe quoi ? Par parenthèse, si la finance était au service de la population et pas l'inverse, cela irait peut être mieux sur cette planète.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.