Baisse des taux : il ne faut pas trop attendre, avertit le gouverneur de la Banque de France

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a confirmé vendredi dans le quotidien belge L’Echo qu'il « paraît acquis » que les taux de la BCE baisseront cette année, et juge le risque de les baisser trop tard désormais « au moins » équivalent à celui de le faire trop tôt. Le même jour, Isabel Schnabel, membre du directoire de la Banque centrale européenne, appelait de son côté à ne pas prendre une telle décision « prématurément », craignant une inflation résiliente.
« Nous devons tracer le juste chemin entre deux risques: soit baisser trop tôt avec une inflation qui repartirait à la hausse, soit attendre trop et peser exagérément sur l'activité. Désormais, le second risque existe au moins autant que le premier », a fait savoir François Villeroy de Galhau vendredi.
« Nous devons tracer le juste chemin entre deux risques: soit baisser trop tôt avec une inflation qui repartirait à la hausse, soit attendre trop et peser exagérément sur l'activité. Désormais, le second risque existe au moins autant que le premier », a fait savoir François Villeroy de Galhau vendredi. (Crédits : Reuters)

Le principe d'une baisse des taux cette année paraît « acquis », a confirmé vendredi le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, mais quand interviendra-t-elle exactement ? Il s'agit de trouver le bon curseur, a-t-il fait savoir : ni trop tôt, ce qui risquerait de faire « repartir l'inflation » à la hausse ; ni trop tard, pour ne pas « peser exagérément sur l'activité ». « Nous devons tracer le juste chemin entre [ces] deux risques », qui sont désormais « au moins » équivalents, a-t-il en effet précisé dans un entretien au quotidien belge L'Echo.

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Le premier assouplissement pourrait ainsi intervenir assez rapidement. En effet, la Banque centrale européenne (BCE) a la possibilité de choisir le calendrier de la première baisse, puis le rythme et le niveau final de celles-ci. Or, selon François Villeroy de Galhau « disposer de ces trois degrés de liberté successifs peut être un argument de plus pour ne pas différer exagérément la première baisse ».

« Agir avec gradualisme et pragmatisme peut être préférable à décider trop tardivement et devoir ensuite surajuster », a-t-il insisté, appelant à ne pas « se précipiter ».

Sauf choc, l'inflation sera ramenée à 2% l'an prochain

Concrètement, une baisse est-elle exclue avant juin, au cas où la BCE voudrait disposer d'abord de données sur les salaires ? Pas forcément, selon le gouverneur, qui suggère de « tenir compte d'autres indicateurs plus prospectifs ». Et de citer « le degré de tension sur le marché du travail » mais aussi « ce qu'il se passe en matière d'accords salariaux négociés ». En France en tout cas, il observe que le pourcentage d'entreprises confrontées à des difficultés de recrutement est passé en six mois de 52% à 41%, et qu'il y a un ralentissement des hausses nominales des salaires pour 2024. Deux facteurs pointant vers un ralentissement de l'inflation.

Sur l'inflation totale et la transmission de la politique monétaire à l'économie, le gouverneur observe d'ailleurs des « indicateurs solides de désinflation ». De l'évolution de l'inflation sous-jacente [hors prix les plus volatils, ndlr], il dit seulement qu'elle est « encourageante ». Celui-ci affirme qu'il « garde comme [ses collègues] une boussole inébranlable, ramener l'inflation à 2% ».

« Sauf choc, nous atteindrons cet engagement d'ici l'an prochain », considère-t-il.

Pour rappel, dans l'optique de juguler l'inflation qui s'affichait à deux chiffres à l'automne 2022, la BCE a augmenté ses taux directeurs de 0% début 2022 à 4% et 4,75% aujourd'hui. Mais avec une inflation désormais attendue à 2,7% en 2024, selon les estimations données par la Commission européenne jeudi, la gardienne de l'euro pourrait décider de baisser ses taux directeurs prochainement, après les avoir maintenus plusieurs mois d'affilée à leur niveau le plus haut depuis 1999.

Estimant le « taux nominal neutre » de la BCE « autour de 2% ou légèrement supérieur », il considère que, sans que cela soit « une cible obligée », il y a « une marge significative de baisse » par rapport aux 4% actuels, « sans pour autant revenir à une politique monétaire accommodante ».

La BCE appelle à temporiser par crainte d'une inflation résiliente

Cependant, « la politique monétaire (de la BCE) doit rester restrictive », et il ne faut « pas ajuster prématurément » le niveau des taux, a averti de son côté Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, dans un discours prononcé vendredi à Florence. L'économiste allemande estime en effet que la zone euro fait face à un véritable problème qui pourrait maintenir l'inflation : le manque de productivité en Europe.

« La croissance de la productivité, toujours faible, voire négative depuis peu, exacerbe les effets de la forte croissance actuelle des salaires nominaux sur les coûts unitaires de main-d'œuvre des entreprises », a expliqué la banquière centrale.

Par conséquent, « cela augmente le risque que les entreprises répercutent la hausse des coûts salariaux sur les consommateurs, ce qui pourrait retarder le retour de l'inflation à notre objectif de 2% », a-t-elle ajouté.

Combinées à une faible productivité, les hausses de salaires pourraient de facto faire grimper les coûts unitaires de main-d'œuvre et donc les prix, avec le risque d'un effet de spirale redoutée par les responsables monétaires. Or, avant d'agir, les gardiens de l'euro voudront être « sûrs que l'inflation reviendra durablement à [l']objectif à moyen terme », afin d'éviter de devoir « adopter une politique de stop and go » sur les taux « semblable à celle des années 1970 », a insisté Isabel Schnabel.

La raison de ce repli de la productivité, selon elle : la « lenteur de la diffusion technologique », les entreprises de la zone euro n'ayant « pas réussi à profiter de la révolution des technologies de l'information et de la communication (TIC) ». Mais aussi un investissement public « depuis longtemps faible » dans la région depuis la fin de la crise de la dette souveraine et creusant aussi un écart défavorable avec les États-Unis.

« Le nationalisme économique croissant, les menaces qui pèsent sur notre sécurité territoriale et l'écart technologique croissant entre notre économie et d'autres économies avancées rendent encore plus urgents les arguments en faveur d'un renforcement de la compétitivité de la zone euro », a conclu l'Allemande.

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La Fed redoute également un rebond

Outre-Atlantique, par ailleurs, l'une des responsables de la banque centrale américaine (Fed) a également alerté vendredi sur la nécessité de « résister à la tentation d'agir rapidement lorsque la patience est nécessaire ». De quoi mettre en garde, à son tour, contre le risque lié à un démarrage prématuré de la baisse des taux. En effet, la Réserve fédérale, après avoir relevé ses taux à leur plus haut niveau depuis plus de 20 ans pour juguler la forte inflation, prévoit désormais de commencer à les abaisser dans les prochains mois.

« Nous devons résister à la tentation d'agir rapidement lorsque la patience est nécessaire et être prêts à réagir avec agilité à mesure que l'économie évolue », a en effet déclaré Mary Daly, présidente de la Fed de San Francisco, lors d'une discours à Washington.

Elle n'est pas la seule : de nombreux responsables de la Fed ont averti ces dernières semaines que commencer trop tôt à assouplir leur politique monétaire pourrait provoquer un rebond de l'inflation. « Nous avons besoin de continuer à observer des données favorables avant de pouvoir entamer le processus de réduction du taux des fonds fédéraux », a par exemple déclaré mercredi le vice-président de la Fed chargé de la régulation bancaire, Michael Barr, lors d'un discours devant les économistes du National Association of Business Economics (NABE) à Washington.

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Mary Daly a par ailleurs prévenu que la baisse des taux serait plus lente que ne l'a été leur hausse: « Je m'attends à ce que, dans un monde si incertain, nous n'ayons pas le même cycle d'assouplissement que celui de resserrement [...] qui a été rapide, l'un des plus rapides de l'histoire ».

Des « progrès » mais pas de « victoire »

Sur l'inflation, l'Américaine a salué des « progrès », mais pas de « victoire ». « Le plus frappant est peut-être la confiance dont font preuve les ménages, les entreprises et les marchés dans la poursuite des progrès en matière d'inflation », a-t-elle commenté. Mais il faut aussi veiller à ne pas attendre trop longtemps, a-t-elle souligné :

« Le ralentissement des progrès en matière d'inflation n'est pas le seul risque auquel nous sommes confrontés. De l'autre côté [...], le marché du travail pourrait faiblir », bien que ça ne soit pas le cas « pour le moment ».

Le président de la Fed, Jerome Powell, a à plusieurs reprises jugé peu probable que le comité de politique monétaire ait atteint d'ici là un niveau de confiance suffisant dans la trajectoire de l'inflation, pour qu'une première baisse soit décidée dès la prochaine réunion, en mars.

(Avec agences)

Commentaires 9
à écrit le 17/02/2024 à 20:48
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Tant que la FED ne baisse pas ses taux, la BCE ne fera rien , car il y va aussi des taux de change qui influe sur la compétitivité de l'Europe.

à écrit le 17/02/2024 à 13:55
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on croit rever!!!!!!! ils ont fait n'importe quoi avec l'argent gratuit, decouvrent que desormais c'est le bazar, et pour masquer tout ca ils veulent en remettre une couche........faut s'interesser aux chiffres d'inflation, pour commencer, et regarde...

à écrit le 17/02/2024 à 13:30
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On sait quand çà monte , mais on ne sait pas quand çà baissera.

à écrit le 17/02/2024 à 12:56
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L'étau se resserre.

à écrit le 17/02/2024 à 12:45
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Or la probabilité de chocs majeurs en 2024 reste élevé, si on écoute les ´analystes’. Je ne parierais donc pas sur une baisse nette au 31 décembre. Ou alors marginale. J'espère évidemment me tromper.

à écrit le 17/02/2024 à 11:48
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Pyromane à gages.

à écrit le 17/02/2024 à 11:22
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Même si je respecte l'homme mais pas ce qu'il représente au travers de sa fonction, n'y a-t-il personne pour faire taire ce pitre de l'économie aux phrases creuses? En 2024, ce haut fonctionnaire n'a toujours pas saisi que la France fait partie d'une...

le 17/02/2024 à 11:38
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Votre souffre douleurs habituel fait aussi de la politique , on peut en effet penser qu'il est en service commandé par son ministre de tutelle .La politique est un art contrairement à l'économie qui n'est qu'une banale science qui ne donne pas à rê...

le 17/02/2024 à 19:21
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@Idx. Je vais encore vous le repréciser : mon vrai souffre douleur reste la médiocratie. Ceci dit, comme l'économiste Robert Shiller (l'un des pères de l'économie comportementale) a très bien conclu sa prise position - en 2013 - sur la controverse "...

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