Les évaluations se suivent et ne se ressemblent pas. Alors qu'auparavant les économistes étaient obligés de travailler sur plusieurs scénarios ("deal / no deal") pour tenter de mesurer les conséquences économiques du divorce entre le Royaume-Uni et l'Europe, la signature d'un accord le 24 décembre dernier, à seulement quelques jours de l'échéance fatidique, permet de lever beaucoup d'incertitudes. Dans une récente étude, le spécialiste de l'assurance-crédit Euler Hermes estime que les répercussions de cette séparation sont moins désastreuses que lors de précédentes simulations. "Cet accord de libre-échange est plus avantageux que les scénarios précédemment envisagés, car il prévoit des droits de douanes nuls pour les marchandises et il est moins contraignant sur les intrants étrangers. Un atout considérable pour les exportateurs britanniques et européens" annonce l'assureur dans un communiqué. Avant cet accord, la plupart des économistes avaient envisagé des scénarios macroéconomiques noirs pour le Royaume-Uni.
Une période de transition de six mois
Les autorités européennes et britanniques ont convenu d'une période de six mois pour laisser le temps aux différents acteurs de s'adapter aux nouvelles conditions de l'accord conclu. "Pour l'instant, cette transition de 6 mois est relativement souple au niveau des contrôles aux frontières. A partir de juillet, ces contrôles vont se renforcer" a expliqué l'économiste Anna Boata interrogé par La Tribune.
Cette période de répit et d'adaptation est ressentie comme une soupape pour les différents acteurs du commerce extérieur. "Pour les entreprises importatrices britanniques (et les consommateurs), une importante disruption commerciale a été évitée grâce à cette période de transition de six mois pour les déclarations de douane" expliquent les auteurs de la note. Les pertes pour 2021 devraient ainsi être moins sévères qu'anticipé. D'après les calculs de l'assureur, elles pourraient s'élever à environ 10 milliards d'euros contre 18 milliards d'euros auparavant. Les principaux perdants seraient l'Allemagne (2 milliards d'euros), les Pays-Bas (1,2 milliard) et la France (900 millions d'euros). Au total, ces pertes ne représentent que 0,5% du total de leurs exportations.
Un effet Covid-19
La propagation du virus sur l'ensemble du continent pourrait bien amoindrir l'effet du Brexit sur l'économie britannique et européenne. Ces moindres répercussions peuvent s'expliquer notamment par les restrictions sanitaires. "Dans le contexte du covid-19, la demande n'est pas 'normale'. Faire le Brexit dans ce contexte permet de limiter l'effet du Brexit et des frictions. Le covid-19 donne du temps aux entreprises pour s'adapter," ajoute Ana Boata. "En raison des nouvelles mesures de confinement récemment appliquées au Royaume-Uni, la demande des ménages et l'investissement devraient s'y contracter. Ainsi, avec ou sans Brexit, les débouchés pour les exportateurs européens sont de facto réduits par l'épidémie Covid-19. De plus, cette limitation des échanges entre le Royaume-Uni et l'UE permettra aux deux parties d'avoir plus de temps et de flexibilité pour investir dans les infrastructures aux frontières et ainsi limiter le temps d'attente aux douanes des transporteurs de marchandises" indiquent les économistes.
Une hausse des barrière non-tarifaires de 5% à 10%
La mise en oeuvre du Brexit depuis le premier janvier doit néanmoins entraîner une hausse des barrières non-tarifaires. Selon l'économiste de la société d'assurance, "ces barrières non-tarifaires pourraient augmenter entre 5% et 10%. L'accord ne prend pas en compte le coût administratif supplémentaire, l'allongement du temps de transport, la certification des produits. Ce sont des coûts "invisibles". Ces coûts peuvent évoluer dans le temps mais cela va prendre du temps".
En outre, les 150.000 entreprises qui exportent vers l'Europe vont bénéficier "d'un effet d'apprentissage". Certaines pourraient faire appel à des sociétés de services spécialisées dans les démarches administratives afin de gagner du temps. L'exécutif britannique, actuellement empêtré dans une crise sanitaire grave avec l'arrivée de nouveaux variants, devrait également mettre le paquet sur la relance. "Début mars avec le budget, il devrait y avoir des dépenses en infrastructures, avance l'économiste. Au temps de Covid-19, le rôle de l'Etat est très important. L'Etat va saisir cette opportunité pour dépenser. Au printemps, le gouvernement pourrait annoncer 100 milliards de livres de stimulus et de soutien à la demande" poursuit-elle.
Enfin, si le Royaume-Uni est très dépendant de l'Union européenne sur le front commercial, le gouvernement de Johnson pourrait chercher à signer de nouveaux accords commerciaux avec d'autres pays afin d'assurer des débouchés pour les entreprises britanniques.