« Ce n'est pas du tout probable » : la formule de la BCE pour écarter le scénario d'une stagflation dans la zone euro

Une période de stagflation en zone euro n'est « pas du tout probable », a indiqué la Banque centrale européenne. Entre récession, stagflation et même déflation, « aucun scénario ne peut être écarté », a, de son côté, estimé la Coface.
(Crédits : WOLFGANG RATTAY)

Va-t-on vers une période longue combinant une croissance faible et un phénomène de hausse des prix ? Autrement dit, se dirige-t-on vers une stagflation comme celle qui avait suivi le choc pétrolier au début des années 1970 ? Alors que la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) a indiqué ce mardi qu'elle n'écartait aucun scénario pour l'économie mondiale, la BCE a estimé ce mercredi qu'elle ne croyait « pas du tout probable » que la stagflation s'installe en zone euro. Pour rappel, on parle de stagflation en présence d'une période prolongée de croissance faible et d'inflation élevée, qui durerait en l'occurrence jusqu'à fin 2023. Or, la BCE espère que sa politique de remontée des taux directeurs, va faire baisser les prix. Elle table en effet, pour l'instant, sur une hausse des prix de 6,8% en 2022, puis de 3,5% en 2023, tandis qu'elle a raboté ses prévisions de croissance sur la période.

Un atterrissage en douceur" semble "de plus en plus improbable"

La présidente de la BCE Christine Lagarde a réaffirmé lundi l'intention de l'institut de procéder à deux hausses des taux d'intérêt en juillet et septembre, les premières depuis plus de 10 ans, Si la Coface n'exclut aucun scénario (entre une récession, la stagflation et même la déflation) elle estime néanmoins qu'un « atterrissage en douceur » semble « de plus en plus improbable ». Au premier trimestre, le ralentissement de l'activité dans les pays développés et la stagnation voire le recul du produit intérieur brut en Europe sont des « chiffres d'autant plus préoccupants que les conséquences économiques de la guerre en Ukraine commençaient à peine à se faire sentir » et que ce conflit est « parti pour durer », a résumé mardi la Coface, lors de la présentation de son baromètre du deuxième trimestre.

Changement de ton

Alors que l'économie mondiale « semblait aux prises avec la menace stagflationniste il y a quelques semaines, le changement de ton des banques centrales, confrontées à l'accélération de l'inflation, a fait ressurgir le spectre d'une récession, en particulier dans les économies avancées », a-t-elle poursuivi.
S'il est « sans doute un peu tôt pour entériner que l'économie mondiale est entrée dans un régime de stagflation, les signaux abondent dans ce sens » et « aucun scénario ne peut décidément être écarté », a ajouté la Coface.
« Ce qu'on a en tête, c'est un scénario d'atterrissage en douceur - que les banques centrales souhaitent, qui paraît toujours possible mais de plus en plus improbable -, un scénario de récession et à moyen terme un scénario où on a à la fois une récession et, compte tenu de la rémanence de prix élevés, une stagflation. On est à la croisée des chemins », a résumé Jean-Christophe Caffet, économiste en chef de la Coface lors d'un point presse.

« Je rajouterais un scénario de déflation qui irait avec un scénario de récession, on n'en parle plus depuis dix ans mais ça pourrait venir avec, notamment si ça tournait au vinaigre en Europe », a-t-il ajouté.

A horizon 18 mois, le « scénario central » de la Coface « suggère un sensible ralentissement de l'activité, permettant à l'inflation de ralentir très progressivement. Nos prévisions de croissance sont particulièrement médiocres dans les pays avancés », est-il indiqué. La Coface indique avoir revu son évaluation du « risque d'impayés des entreprises » par pays: il devient ainsi plus élevé pour 19 pays (sur 126), dont 16 en Europe - Allemagne, France, Espagne et Royaume-Uni notamment - et moins élevé pour le Brésil et l'Angola, en raison du contexte « favorable aux exportateurs de matières premières et particulièrement de pétrole ».

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Pourquoi les banques peuvent s'inquiéter d'une inflation incontrôlée

La remontée des taux d'intérêt ne sera bénéfique aux banques que si l'inflation est rapidement contenue, selon une étude publiée jeudi par le cabinet Oliver Wyman, une hypothèse de moins en moins probable. Les travaux du conseil en stratégie s'appuient sur trois scénarios et détaillent leurs conséquences plus ou moins favorables pour le secteur bancaire. Le premier, surnommé « atterrissage en douceur », qui voit les banques centrales réussir à contenir l'inflation sans obérer la croissance, est le plus favorable aux acteurs bancaires.
Les banques bénéficieraient notamment de marges accrues du fait de taux d'intérêt en hausse et d'une production de crédits toujours forte. Le coût du risque devrait quant à lui rester raisonnable.
Mais cette option est de moins en moins probable, estiment les auteurs de l'étude.

« La guerre en Ukraine met un peu plus de pression »sur l'inflation à court terme, a expliqué à l'AFP Elie Farah, responsable de la division services financiers France chez Oliver Wyman.

L'inflation américaine a, par exemple, atteint 8,6% sur un an en mai, selon l'indice des prix à la consommation (CPI), quand celle de la zone euro a atteint 8,1% sur un an le même mois, d'après Eurostat.

« Des facteurs structurels tels que la nécessité de bouger vers des énergies qui ne sont pas forcément très bon marché » laissent à penser que « cette inflation n'est pas juste quelque chose qui va disparaître dans l'immédiat », reprend Elie Farah.

Il appelle donc les banques à regarder plus en détail le second scénario, bâti sur une inflation mal contrôlée dans un premier temps et une réponse plus agressive des banques centrales « au prix d'un ralentissement de la croissance économique en 2023-24, d'une volatilité des devises et d'une perturbation des échanges internationaux ».
Les banques verraient alors le coût du risque augmenter de même que leurs dépenses courantes.
Le dernier scénario agite le spectre de la stagflation, une période prolongée de croissance faible et d'inflation élevée qui pénaliserait « sévèrement »le secteur bancaire.
Une politique monétaire plus resserrée de l'autre côté de l'Atlantique pourrait également conduire à des arbitrages d'investisseurs institutionnels en faveur des États-Unis, « ce qui peut avoir des conséquences plus néfastes pour les banques et l'économie », avertit Elie  Farah.

(Avec AFP)

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