Elections en Finlande : Sanna Marin tentera de rester au pouvoir face à la droite et à l'extrême droite

La Finlande se prépare à des élections législatives tendues ce dimanche, au cours desquelles la Première ministre social-démocrate Sanna Marin tentera de rester au pouvoir face à la droite et à l'extrême droite. Voici ce qu'il faut savoir sur ce scrutin.
Première ministre finlandaise social-démocrate Sanna Marin.
Première ministre finlandaise social-démocrate Sanna Marin. (Crédits : LEHTIKUVA)

Article mis en ligne le 02 avril 06:08 - mise à jour 8:25

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Dans les derniers sondages, sociaux-démocrates, centre droit et extrême droite sont au coude-à-coude, avec chacun un peu moins de 20% des intentions de vote. La future majorité reste donc difficilement prévisible. Le parti arrivé en tête hérite traditionnellement du poste de Premier ministre, à condition de pouvoir former une coalition.

Dopé par la vague inflationniste selon les analystes, le Parti des Finlandais (extrême droite) de Riikka Purra pourrait battre son record de 2011 (19,05%). La formation eurosceptique, populiste et anti-immigration n'a jamais gagné.

Le parti de la Coalition nationale (centre droit) de Petteri Orpo pourrait être tenté de s'allier au Parti des Finlandais, comme il l'avait fait pour gouverner en 2015.

Une autre option pourrait être une alliance rouge-bleue entre Mme Marin et M. Orpo.

Des huit principaux partis, sept sont dirigés par des femmes. Le pays est dans le peloton de tête mondial pour l'égalité des sexes. Quand Sanna Marin est arrivée au pouvoir en 2019, devenant la troisième femme Premier ministre, les photos de son alliance de cinq partis, tous dirigés par des femmes, ont fait le tour du monde.

Le Parlement finlandais a été le premier au monde à avoir des femmes députées, quand le pays était encore russe. Aujourd'hui, elles représentent 47% du Parlement sortant.

Sanna Marin, la jeunesse au pouvoir

 Avant son arrivée au pouvoir fin 2019, peu de gens à l'étranger étaient capables de citer la Première ministre finlandaise. Même dans son pays, cette ministre des Transports d'origine modeste, devenue à 34 ans la plus jeune cheffe de gouvernement au monde, était peu connue. Quatre ans plus tard, elle a acquis une notoriété mondiale, faisant les gros titres tant sur ses positions fermes contre la Russie que sur des vidéos d'elle faisant la fête.

Sanna Marin reste une des figures de proue de la jeune garde européenne, au point que son nom circule pour des postes à Bruxelles en cas de défaite dimanche.

En Finlande, elle clive !

Certains apprécient la dirigeante déterminée qui a piloté son pays avec succès à travers la pandémie de Covid-19 et l'adhésion à l'Otan, et qui ne veut pas être réduite au statut de jeune femme. Pour d'autres, elle est « Sanna la fêtarde », dont l'attachement à garder une vie de jeune, entre soirées en boîte et fêtes à la résidence officielle, nuit à la fonction. Selon les sondages, elle est la Première ministre la plus populaire du XXIe siècle.

Orpo, conservateur policé

A 53 ans, Petteri Orpo, chef de la Coalition nationale (centre droit), est celui des trois principaux Premiers ministrables qui a la plus longue carrière politique. Député depuis 2007, il a été trois fois ministre et menait déjà son camp aux dernières élections. Suivant les traces de son père au sein de la droite finlandaise, Petteri Orpo est diplômé de sciences politiques et d'économie, sa priorité de campagne.

« Nous voulons arrêter d'augmenter la dette », assure ce natif du sud-ouest du pays.

Accusant Sanna Marin d'avoir dépensé sans compter et fait passer la dette publique de 63 à 74% en quatre ans, il entend mener un plan d'austérité de 6 milliards d'euros. La longévité de cet homme calme et urbain interroge dans un monde politique cinglant et impitoyable.

Face à un adversaire plus flamboyant, l'ex-Premier ministre Alex Stubb, il conquiert la tête du parti en 2016 mais ne parvient à le hisser qu'à la troisième place au scrutin suivant.

Son calme apparent est parfois un atout dans les discussions enflammées, mais il est souvent acculé par des orateurs plus incisifs comme Sanna Marin. Il commet aussi des gaffes, comme lorsqu'il doit s'excuser pour avoir critiqué les hurlements de deux rivales lors d'un débat, s'attirant des accusations de sexisme.

S'il refuse en 2017 de continuer à gouverner avec le Parti des Finlandais, il garde cette fois-ci ouverte l'option d'une alliance avec la formation nationaliste anti-immigration. Malgré leurs nettes différences sur l'immigration, l'UE et le climat, les deux partis « ont beaucoup de choses en commun », a-t-il argué.

Purra, nationaliste option végétarienne

Avec ses smoothies verts et son passé d'électrice écologiste, Riikka Purra, 45 ans, est une dirigeante plus présentable que son prédécesseur à la tête du Parti des Finlandais, nationaliste et anti-immigration, qui siège avec l'extrême droite au Parlement européen.

Après le score décevant du parti aux municipales de 2021, elle succède à Jussi Halla-aho, amateur d'armes à feu condamné pour incitation à la haine raciale.

Mère de deux enfants, cheveux blonds et look BCBG, elle tient un compte Instagram sans référence politique, consacré à son alimentation végétarienne. Orpheline de mère à 12 ans, elle se tourne vers la cause environnementale à l'adolescence. Mais elle est ensuite séduite par les écrits de Jussi Halla-aho.

Eurosceptique, son parti a axé sa campagne contre l'immigration, pointant le contre-exemple de la Suède voisine, débordée par une guerre de gangs issus de l'immigration.

« Nous ne voulons pas suivre la voie de la Suède. Nous soulignons les effets d'une politique dangereuse d'immigration », a-t-elle déclaré.

Lors d'une interview à la télévision nationale Yle, elle avait confié que ses opinions anti-immigration étaient liées à un harcèlement subi dans sa jeunesse.

Immigration, dette et fin de la « Finlandisation »

Avec 7% de sa population née à l'étranger selon l'OCDE, la Finlande est un des pays les moins cosmopolites d'Europe. Mais l'accélération des arrivées a favorisé l'émergence du Parti des Finlandais, dont la ligne s'est durcie après une scission en 2017.

Evoquant la guerre des gangs qui sévit en Suède voisine, le parti veut affermir la politique d'immigration en s'inspirant d'un autre voisin nordique, le Danemark, afin de « sauver la Finlande » de la « voie suédoise ».

La Coalition nationale voit l'immigration comme une réponse au vieillissement de la population, tandis que Sanna Marin refuse toute collaboration avec un Parti des Finlandais « ouvertement raciste ». Une alliance rouge-bleue serait compliquée par les désaccords économiques, la droite ayant fait campagne contre la supposée irresponsabilité financière du gouvernement.

Longtemps suédoise - encore langue officielle avec le finnois et première langue d'environ 5% des Finlandais -, la Finlande fut cédée à la Russie en 1809. Le grand-duché profite de la révolution bolchévique de 1917 pour proclamer son indépendance, au prix d'une guerre civile entre « rouges » et « blancs ».

Envahie par l'URSS en 1939 après le pacte germano-soviétique, la Finlande résiste vaillamment lors des trois mois de la Guerre d'Hiver. Mais après la reprise du conflit en 1941, elle finit la guerre dans le camp des vaincus.

Au terme d'un « traité d'amitié » signé en 1948 sous la pression de Moscou, Helsinki accepte de rester hors de la coopération militaire occidentale, dans une forme de neutralité forcée baptisée « finlandisation ». A la fin de la Guerre froide, la Finlande entre dans l'Union européenne et s'ancre à l'Ouest, mais il faudra attendre la guerre en Ukraine pour qu'elle décide de rejoindre l'Otan.

(avec agences)

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