En Allemagne, les emplois précaires victimes collatérales de la crise sanitaire

"Qui se soucie de nous, les travailleurs pauvres allemands?", s'interroge Viola Auer. Depuis la perte de son emploi, à l'automne dernier, cette quadragénaire vit dans le plus grand dénuement.
(Crédits : Reuters)

Son poste de conductrice de car scolaire était un "mini-job", l'un de ces contrats à temps partiel plafonnés à 450 euros par mois qui se sont multipliés en Allemagne ces dernières années. Non soumis aux cotisations sociales, il ne permet pas à Viola Auer de toucher des indemnités chômage. A 47 ans, cette mère de deux enfants ne peut compter que sur l'aide de ses voisins et une maigre allocation d'adulte handicapée.

Les "mini-jobeurs" sont "les grands perdants de la crise sanitaire" déclenchée par la pandémie de Covid-19 en Allemagne, affirme l'institut économique de référence DIW.

Déjà décriée en temps normal, la précarité de ces contrats à temps partiel se fait encore plus durement sentir depuis un an.

"Je garde la tête haute et me bats pour tenir le coup", assure Viola Auer, qui espère tout de même décrocher un autre "mini-job" auprès de la ville de Singen, dans le sud-ouest de l'Allemagne, où elle réside.

Mais les offres pour ce type d'emplois, à 60% occupés par des femmes, ne sont pas épargnées par le ralentissement économique. Plus de 870.000 mini-jobs ont disparu en Allemagne au cours de l'année écoulée, portant leur nombre au plus bas depuis 2004.

Bombe à retardement

L'hôtellerie et la restauration, particulièrement touchées par les restrictions sanitaires, sont les secteurs les plus affectés.

Matthias Eichner, un cuisinier de 67 ans, a ainsi vu se réduire comme peau de chagrin le nombre de ses heures dans un établissement de Görlitz (Saxe).

Malgré la fermeture des restaurants depuis novembre, son employeuse lui accorde cinq heures de travail mensuel pour éviter de le licencier.

Après 47 ans d'activité, il avait accepté à contrecoeur cet emploi peu rémunéré.

"A mon âge, j'aurais préféré m'occuper paisiblement de mon jardin mais avec une retraite de 1.000 euros, je n'avais pas le choix", soupire-t-il.

Près d'un quart des "mini-jobeurs" ont 60 ans ou plus; 91% n'ont pas suivi d'études supérieures.

De 2003 à 2019, cette catégorie d'emplois a crû de 43% jusqu'à concerner 7,6 millions de travailleurs sur une population active de 42 millions de personnes.

Ces contrats apparus dans les années 1970 se sont développés après la flexibilisation du marché du travail initiée par le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder en 2003.

Ils permettent en partie d'expliquer le faible taux de chômage allemand qui tournait avant la crise sanitaire autour de 5% quand il atteignait encore 11,5% en avril 2005. En janvier, le taux de chômage était de 6%.

Mais ils sont aussi accusés d'alimenter une "bombe à retardement" en condamnant leurs bénéficiaires à des retraites dérisoires.

"Il faudrait fixer un montant de retraite minimal pour que les gens puissent vivre dignement!", s'insurge M. Eichner.

"Misérables"

"Les mini-jobs ne sont pas une bonne solution à moyen et long terme car ils risquent de faire basculer des retraités dans la pauvreté", faute d'avoir cotisé suffisamment, explique à l'AFP Karin Schulze Buschoff de l'Institut allemand des sciences économiques et sociales (WSI). Elle plaide pour une réforme qui rendrait ces contrats moins attractifs, en abaissant par exemple le plafond de rémunération.

A l'inverse, Holger Schäfer, économiste de l'Institut de l'Economie allemande (IW), proche du patronat, est favorable à une levée des limitations horaires : "l'emploi serait plus stable si les horaires de travail étaient plus longs", assure-t-il

Véritables instigateurs de ces mini-jobs, les sociaux-démocrates trainent ce dispositif néolibéral comme un boulet. Certains de ses membres font leur mea culpa et jurent vouloir "améliorer" le système, tout comme les Verts qui ambitionnent d'accéder au gouvernement à l'issue des législatives de septembre prochain.

Die Linke, formation de gauche radicale, milite pour leur suppression pure et simple. "On savait déjà avant la crise que les conditions de travail de ces mini-jobs étaient souvent misérables et que personne ne peut vivre de leurs salaires", explique à l'AFP Sabine Zimmermann, porte-parole de leur groupe parlementaire sur les questions du marché du travail. "La pandémie a mis en évidence leur manque de protection".

Commentaires 6
à écrit le 20/02/2021 à 13:43
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Pourquoi en France et dans les autres pays c'est pas le cas? Les ouvriers cette année ne se sont pas retrouvés au chômage technique payé par l'état pendant que les patrons ont télétravaillé avec leur salaires ? Sachant qu'on voit déjà difficilement l...

à écrit le 15/02/2021 à 10:22
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La pauvreté, c'est la faute à personne, c'est la faute à tout le monde. Mais c'est sûr qu'avec son importation massive d'immigrés, l'Allemagne s'est tirée une balle dans le pied.

à écrit le 14/02/2021 à 21:53
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Les travailleurs précaires pauvres, c'est la nouvelle richesse d'entreprises sans morales. Et après, ce sera l'esclavage ?

le 15/02/2021 à 7:19
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C'est deja l'esclavage, wake up.

le 15/02/2021 à 7:32
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C'est la précarité des uns qui fait la richesse des autres. C'est l'appauvrissement toujours plus grand de ceux d'en bas dans un terrible cercle vicieux qui accroît l'enrichissement de ceux d'en haut.

à écrit le 14/02/2021 à 10:33
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"L'enfer du miracle allemand" Il faudrait sauver le peu de jeunesse qu'il reste de ce pays, parce que jeune au sein de ce pays de banquiers et de rentiers ça doit être encore pire que chez nous mais on ne leur demande jamais leurs avis aux jeunes...

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