Entente sur le marché des devises internationales : amende de 344 millions pour quatre banques

La Commission européenne vient d'infliger une amende de 344 millions d'euros à quatre banques reconnues coupables d'entente sur le marché des opérations de change au comptant (Forex). Mais dans le viseur de Bruxelles se trouvent en réalité cinq banques : la banque suisse UBS, qui a été exemptée de l'amende pour avoir lancé l'alerte, ainsi que Barclays, Royal Bank of Scotland (NatWest), HSBC, et le Crédit suisse, qui écopent toutes d'une sanction fonction des infractions commises.
Margrethe Vestager, commissaire européenne en charge de la politique de la concurrence.
Margrethe Vestager, commissaire européenne en charge de la politique de la concurrence. (Crédits : Reuters)

344 millions d'euros. C'est le montant de l'amende infligée jeudi par la Commission européenne à quatre banques (Barclays, Royal Bank of Scotland (RBS), HSBC, Crédit Suisse), qu'elle a reconnues coupables d'entente et donc de truquage sur le marché des opérations de change au comptant sur certaines devises (dit Forex pour "Foreign Exchange spot trading market"). UBS était également visée par l'accusation mais a pu être exemptée pour avoir lancé l'alerte auprès de la Commission européenne.

En pratique, lorsque les entreprises échangent de grandes quantités de devises différentes, elles le font généralement par l'intermédiaire d'un trader Forex ; les principaux clients des traders Forex sont les gestionnaires d'actifs, les fonds de pension, les hedge funds, les grandes entreprises et d'autres banques.

Problème : une enquête sur les ententes, lancée par la Commission européenne en 2013 et qui a pris fin ce jour avec l'annonce de ces amendes, a révélé que des traders chargés des opérations de change au comptant sur certaines devises, agissant au nom des banques sanctionnées et censées être en concurrence, se coordonnaient en fait dans leurs stratégies de négociation.

L'investigation conduite par la Commission européenne s'est concentrée sur la négociation des devises du G10, les onze devises les plus liquides et négociées dans le monde, dont l'euro, le dollar américain, la livre sterling, le yen japonais et le franc suisse.

Elle a conclu que les règles en vigueur à l'échelle européenne - en l'occurrence l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) et l'article 53 de l'accord EEE - interdisant les ententes et autres pratiques commerciales restrictives, n'avaient pas été respectées au cours de la période mai 2011-juillet 2012.

UBS exemptée de l'amende pour avoir lancé l'alerte

Précisément, l'enquête a révélé que des traders chargés des opérations de change au comptant sur certaines devises, échangeaient des informations sensibles et des plans de négociation, et coordonnaient parfois leurs stratégies de négociation via un forum de discussion professionnel en ligne appelé Sterling Lads.

Pour avoir révélé l'affaire du cartel de ces banques auprès de la Commission européenne, l'institution garante de la concurrence au sein de l'UE, la banque suisse UBS a bénéficié d'une immunité totale, qui lui a permis d'échapper aux 94 millions d'euros d'amende qui lui étaient initialement destinés, malgré son implication dans les pratiques frauduleuses.

Trois procédures de clémence et une procédure classique

En revanche, le règlement de l'affaire a bien fait l'objet d'une transaction avec les quatre autres des cinq groupes impliqués.

Les trois établissements britanniques Barclays, RBS (renommé NatWest en 2020) et HSBC, ont ainsi écopé d'une amende - réduite puisqu'elles ont reconnu les faits et collaboré à l'enquête - de 261 millions d'euros (dont respectivement 54, 32 et 174 millions d'euros), sanctionnant leur implication dans les pratiques frauduleuses. De son côté, le Crédit Suisse, qui n'a pas coopéré, n'a pas bénéficié des réductions prévues par les procédures de clémence, et a été sanctionné de 83,3 millions d'euros d'amende.

Ces amendes ont été décidées à l'issue d'une enquête en trois volets menée par la Commission européenne depuis 2013, et qui avait déjà donné lieu à 1 milliard d'euros de sanctions en 2019, à l'issue des deux premiers volets. Les amendes décidées tiennent compte de la valeur des ventes réalisées par chacun des groupes en Europe, ainsi que du degré de gravité et de la durée des infractions constatées.

Garantir un secteur financier sain et compétitif

Les implications de cette entente ont été rappelées et dénoncées par la commissaire européenne Margrethe Vestager, chargée de la politique de la concurrence. « Les activités de négoce de devises au comptant sont l'un des plus grands marchés financiers au monde. Le comportement collusoire des cinq banques a porté atteinte à l'intégrité du secteur financier au détriment de l'économie européenne et des consommateurs », a-t-elle martelé.

Et d'ajouter : « nos décisions de cartel d'infliger des amendes à UBS, Barclays, RBS, HSBC et Crédit Suisse envoient un message clair que la Commission reste déterminée à garantir un secteur financier sain et compétitif qui est essentiel pour l'investissement et la croissance ».

Une décision dans la lignée des précédentes

La décision rendue ce jour s'inscrit dans la continuité des précédentes sanctions décidées par la Commission européenne à l'encontre des banques pour des scandales similaires. Déjà, en 2019, lors des deux premiers volets de l'enquête européenne, les banques américaines JPMorgan et Citygroup, ainsi que la japonaise MUFG, avaient été sanctionnées en raison d'une entente.

À noter que les amendes infligées aux entreprises qui enfreignent les règles antitrust de l'Union Européenne sont versées au budget général de l'UE. Ces sommes ne sont pas affectées à des dépenses particulières, mais les contributions des États membres au budget de l'UE pour l'année suivante sont réduites en conséquence. Conformément à l'accord de retrait UE-Royaume-Uni, l'Union européenne reste compétente pour cette affaire, qui a été initiée avant la fin de la période de transition vers le Brexit, et l'UE rembourse au Royaume-Uni sa part du montant de l'amende une fois que celle-ci est devenue définitive.

Commentaires 5
à écrit le 04/12/2021 à 10:56
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Si on a gagné des milliards avec ces ententes, c'est rentable de payer une si petite amende. Je n'aimerais pas être à la place du lanceur d'alerte qui lui va en prendre plein la tête pour avoir troubler un marché truqué qui ronronnait parfaitement.

à écrit le 03/12/2021 à 10:01
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Combien de millions directement dans la poche de Vestager, la "Robinhood" de l'UERSS? A combien s'évalue son patrimoine?

à écrit le 03/12/2021 à 9:51
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On est très loin des sanctions des États Unis envers les banques qui se chiffrent elles en dizaine de milliards. Plus de 320 milliards d'amendes versées par les banques privées aux États essentiellement aux États Unis et c'est bien que l'UE commence ...

à écrit le 03/12/2021 à 9:31
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en france une femme politique d e l ' envergure de cette femme danoise nous fait defaut c est pas pecresse hidalgo ou royal -qu on a perdu au pôle nord- qui serait capable de mener et tenir ce type d investigation et de condamnation...vive margrethe...

à écrit le 03/12/2021 à 9:31
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en france une femme politique d e l ' envergure de cette femme danoise nous fait defaut c est pas pecresse hidalgo ou royal -qu on a perdu au pôle nord- qui serait capable de mener et tenir ce type d investigation et de condamnation...vive margrethe...

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