Inflation en zone euro : les trois points chauds que la BCE va surveiller en 2024

Le scénario d'une baisse des taux se profile en 2024 sous l'effet du ralentissement des prix en zone euro. À la Banque centrale européenne, les gouverneurs scrutent en particulier l'évolution des salaires et l'inflation sous-jacente pour déterminer leur position sur le futur de la politique monétaire. Retour sur les indicateurs surveillés par les banquiers centraux.
Grégoire Normand
Le siège de la Banque centrale européenne (BCE) à Francfort.
Le siège de la Banque centrale européenne (BCE) à Francfort. (Crédits : Reuters)

L'inflation commence à sérieusement à s'essouffler. Après un léger rebond en fin d'année 2023, l'indice des prix à la consommation a ralenti au mois de janvier en France pour s'établir à 3,1% contre 3,7% en décembre. « Ce ralentissement ne concerne pas les services, mais toutes les grands types de biens : les produits manufacturés, l'énergie, les produits alimentaires. Bien entendu, même si le ralentissement des prix se confirme au fil des mois, beaucoup de prix ont fortement augmenté depuis la recrudescence de l'inflation, depuis 2021, notamment les prix des produits alimentaires », a expliqué le directeur général de l'Insee, Jean-Luc Tavernier sur LinkedIn. En zone euro, les tensions sur les prix devraient, elles aussi, s'apaiser.

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« La désinflation devrait redonner du pouvoir d'achat aux ménages, tout en ouvrant la voie à un assouplissement de la politique monétaire. Le débat sur les baisses de taux est enfin ouvert à la BCE et l'on peut penser qu'il sera tranché à la mi-année », a expliqué l'économiste en chef de ODDO BHF, Bruno Cavalier dans une récente note.

Dans les milieux feutrés des banquiers centraux européens, c'est un soulagement. Christine Lagarde a annoncé que « la prochaine évolution des taux d'intérêt sera une baisse ». Le dernier conseil des gouverneurs de janvier « était paisible », selon un observateur des coulisses de la BCE : « Il n'y avait pas de division ». Au Fonds monétaire international (FMI), les économistes sont optimistes sur le front des prix.

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« La désinflation pourrait être plus rapide que prévu, en particulier si les tensions sur les marchés du travail continuent de s'estomper et si les anticipations d'inflation continuent de baisser, ce qui permettra aux banques centrales d'assouplir leur politique de façon plus précoce », a expliqué le chef économiste du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas, dans une note de blog à l'occasion de la dernière mise à jour des prévisions macroéconomiques de l'institution.

Les salaires, scrutés de très près à la BCE

L'évolution des salaires en Europe est particulièrement observée par les banquiers centraux pour déterminer l'évolution de la politique monétaire. Au cours de la dernière réunion des gouverneurs à Francfort, la BCE a martelé que la croissance des salaires serait le facteur le plus important pour décider, ou non, d'une baisse de taux.

L'envolée des prix sur le Vieux Continent - et en France - depuis 2022 a mis le budget des ménages sous pression. Dans la plupart des pays, les salaires sont désindexés de l'indice des prix à la consommation. Résultat, les salaires réels ont eu tendance à baisser l'année dernière.

« En Europe, les salaires réels ont continué de baisser sur la majeure partie de 2023 (à un rythme heureusement de moins en moins fort) », a expliqué l'économiste de ODDO BHF, Bruno Cavalier dans une récente note.

En France, les salaires en euros constants (en tenant compte de l'inflation) ont baissé pour la plupart des catégories socioprofessionnelles en 2023, selon de récentes données de la Direction statistique du ministère du Travail (Dares). « S'il n'y a pas eu de boucle prix-salaires au plus fort du choc d'inflation, on peine à voir pourquoi cela arriverait juste maintenant », poursuit l'économiste.

Les salaires négociés dans les entreprises dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO) montrent un pic jusqu'à la fin de l'année 2022 (5,4%), puis un ralentissement jusqu'à la fin du troisième trimestre 2023 (4,9%), selon les dernières données de la Banque de France.

« Les salaires ralentissent un peu (après environ +4,5% en moyenne annuelle en 2023), mais restent assez dynamiques car les négociations se fondent sur l'inflation passée. L'acquis de croissance du salaire moyen par tête à mi-année serait de +2,6% », a expliqué à La Tribune Dorian Roucher, chef du département de la conjoncture.

« Dans le secteur public, le salaire moyen par tête a évolué à un rythme proche, mais légèrement inférieur à celui du secteur privé (+4,0% en 2023), notamment du fait des mesures catégorielles en faveur des enseignants et de la revalorisation du point d'indice au 1er juillet 2023. Début 2024, de nouvelles mesures ont été mises en œuvre et l'évolution resterait un peu inférieure à celui du secteur privé. L'acquis de croissance du salaire moyen par tête à mi-année serait de +1,9% », a-t-il ajouté.

En moyenne, la hausse des salaires est principalement soutenue par le mécanisme d'indexation du salaire minimum en France. De fait, ce système a permis aux plus modestes de limiter la casse sur leur porte-monnaie. En revanche, les autres ont connu une baisse de leurs salaires corrigés de l'inflation. S'agissant de 2024, les hausses de salaires devraient accélérer. « Les marchés du travail ne montrent pas de risques de boucle prix-salaires » a récemment nuancé l'économiste de Coface Ruben Nizard.

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L'inflation sous-jacente doit redescendre

L'inflation sous-jacente est également un indicateur très surveillé par les banques centrales de la zone euro. Sur le Vieux Continent, l'inflation hors prix de l'énergie et de l'alimentaire devrait s'établir à 2,7% en 2024 et 2,1% en 2025, contre 5% en 2023, selon l'Eurosystème. Or, ces prévisions dépendent grandement de la conjoncture. Un nouveau choc pourrait faire bondir l'indice général des prix.

En France, l'inflation sous-jacente harmonisée (qui permet des comparaisons en zone euro) redescendrait à 2,5% en 2023 et 1,8% en 2025, selon les prévisions de la Banque de France, datant de fin 2023. Et l'inflation hors prix de l'énergie et de l'inflation serait légèrement supérieure à 2,8% en 2024 et 2,2%, soit proche de la cible de la Banque centrale européenne.

« D'ici juin, l'inflation sous-jacente refluerait nettement comme l'inflation d'ensemble (2,1% attendu sur l'inflation sous-jacente contre 2,6% pour l'inflation d'ensemble). Ce reflux s'explique notamment par la décrue attendue de l'inflation des produits alimentaires (hors frais) ainsi que des produits manufacturés », indique Dorian Roucher.

Les effets de la politique monétaire

La politique monétaire va continuer de provoquer des effets sur l'inflation et l'économie. Tous les économistes ne sont pas forcément d'accord sur les délais de transmission. En règle générale, ils varient entre 12 et 18 mois.

En 2023, la hausse des taux et le resserrement des conditions financières ont complètement asphyxié les secteurs de l'immobilier et de la construction, notamment en Allemagne et en France. Les permis de construire se sont effondrés et les travaux de construction ont plongé à un niveau historique. Le durcissement de la politique monétaire a également plombé la demande en zone euro et en France. La désinflation en cours devraient donner de l'air aux entreprises et aux ménages. Mais les dégâts risquent de laisser des traces après plusieurs années pandémie.

En Europe, l'Allemagne subit de plein fouet le durcissement de la politique monétaire et sa dépendance aux énergies fossiles. Du côté de la France, la croissance du PIB donne des signes d'essoufflement. L'Insee et la Banque de France tablent donc sur une reprise poussive de l'activité durant l'année 2024. Après avoir échappé à la récession, l'économie française peine à décoller. Autant dire que les répercussions de cette politique monétaire restrictive risquent de durer.

Lire aussiCroissance en zone euro : l'Espagne et le Portugal font la course en tête, l'Allemagne décroche

Grégoire Normand
Commentaires 7
à écrit le 15/02/2024 à 9:59
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Curieux: la France ne semble pas figurer parmi les préoccupations de la BCE; il est vrai que, si nous sommes le pays qui affiche la situation financière la plus inquiétante, nous sommes le deuxième contributeur. Ca montre que notre FISC marque toujou...

à écrit le 15/02/2024 à 8:30
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Avec des salaires à 5 chiffres. Vous voulez pas leur en enlever un au moins histoire des les motiver, de les stimuler tout ces petits gros blonds chauves à lunettes qui roulent en berline allemandes ? Non parce que à part s'écouter parler ils ne serv...

à écrit le 14/02/2024 à 18:36
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Bjour...la baisse des taux d'intérêt de la banque centrale européenne c'est bien pour les états qui emprunte mais il faut des aujourd'hui baisser les prix sur l'alimentation....et aussi augmenter le pouvoir d'achat de chacun.

le 14/02/2024 à 18:57
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Vous avez les solutions ?

le 14/02/2024 à 19:44
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Si la BCE surveille, alors on est rassurés !

le 23/02/2024 à 1:27
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oui biensur surtout en periode d'inflation , augmenter les salaires fera mechaniquement rebondir l'inflation qui effacera votre augmentation de pouvoir d'achat, tres bonne strategie economique

le 23/02/2024 à 1:28
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oui biensur surtout en periode d'inflation , augmenter les salaires fera mechaniquement rebondir l'inflation qui effacera votre augmentation de pouvoir d'achat, tres bonne strategie economique a force d'imprimer des billets voila ce qui arrive , l...

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